2017/12/03

L'arbre des états intérieurs


Pris du chapitre 19 (les états internes) du livre "Humaniser la tierre", de Silo.
Tu dois acquérir à présent une perception suffisante des états intérieurs dans lesquels tu peux te trouver au cours de ta vie et, en particulier, au cours de ton travail évolutif. Je ne peux les décrire autrement qu'avec des images (dans ce cas, des allégories). Celles‑ci, me semble‑t‑il, ont pour vertu de concentrer “visuellement” des états d'âme complexes. D'autre part, la particularité d'enchaîner de tels états comme s'ils faisaient partie de différents moments d'un même processus introduit une variante dans les descriptions toujours fragmentées auxquelles nous ont habitués ceux qui s'occupent de ces choses.

1.   Le premier état, où le non‑sens prévaut (celui que nous avons mentionné au début), sera appelé état de “vitalité diffuse”. Tout est orienté en fonction des besoins physiques, mais ceux‑ci sont souvent confondus avec les désirs et les images contradictoires. Là, il y a de l'obscurité dans les intentions et les activités. On demeure dans cet état en végétant, perdu parmi des formes variables. A partir de ce point, on ne peut évoluer que par deux voies : celle de la mort ou celle de la mutation.
2.   La voie de la mort te met en présence d'un paysage chaotique et obscur. Les anciens connaissaient ce passage et le situaient presque toujours “sous terre”, ou dans les profondeurs abyssales. Certains visitèrent aussi ce royaume, pour “ressusciter” ensuite en des niveaux lumineux. Comprends bien qu'“en dessous” de la mort existe la vitalité diffuse. Le mental humain met peut‑être en relation la désintégration mortelle avec des phénomènes postérieurs de transformation, et il associe peut‑être aussi le mouvement diffus avec celui qui précède la naissance. Si ta direction est dans le sens ascendant, la “mort” correspond à une rupture avec ton étape antérieure. Par la voie de la mort, on accède à un autre état.
3.   En y arrivant, on trouve le refuge de la régression. De là partent deux chemins : celui du repentir et celui‑là même qui fut emprunté pour la montée, c'est‑à‑dire le chemin de la mort. Si tu prends le premier, c'est parce que ta décision tend à rompre avec ta vie passée. Si tu retournes par le chemin de la mort, tu retombes dans les abîmes avec la sensation de tourner en rond.
4.   Ceci dit, je t'ai parlé d'un autre sentier, qui permet d'échapper à la vitalité abyssale, celui de la mutation. Si tu choisis cette voie, c'est parce que tu veux émerger de ton pénible état, sans toutefois être disposé à abandonner certains de ses bénéfices apparents. Il s'agit donc là d'un faux chemin, connu sous le nom de “chemin de la main gauche”. De nombreux monstres sont sortis des profondeurs de ce tortueux passage. Ils ont voulu prendre le ciel d'assaut sans abandonner les enfers et, ce faisant, ils ont projeté sur le monde médian une contradiction infinie.
5.   Je suppose que, t'élevant depuis le royaume de la mort et par ton repentir conscient, tu es déjà parvenu à la demeure de la tendance. Tu ne peux pratiquement pas t'y arrêter. Deux minces corniches soutiennent ta demeure : la conservation et la frustration. La conservation est fausse et instable. En la parcourant, tu t'illusionnes avec l'idée de permanence, mais en réalité tu descends à grande vitesse. Si tu prends le chemin de la frustration, ta montée est pénible, quoiqu'elle soit l'unique‑non‑fausse.
6.   D'échec en échec, tu peux arriver au prochain palier, appelé “demeure de la déviation”. Attention aux deux voies que tu as maintenant devant toi : tu peux prendre soit le chemin de la résolution, qui te mène à la génération, soit celui du ressentiment, qui te fait redescendre vers la régression. Tu es là, placé face au dilemme : ou bien tu te décides en faveur du labyrinthe de la vie consciente (et tu le fais avec résolution), ou bien tu retournes plein de ressentiment à ta vie précédente. Nombreux sont ceux qui, n'étant pas parvenus à se dépasser, se privent là de toutes leurs possibilités.
7.   Mais toi, qui t'es élevé avec résolution, tu te trouves à présent dans la demeure connue sous le nom de “génération”. Tu as là trois portes : l'une s'appelle “Chute”, l'autre “Tentative”, et la troisième “Dégradation”. La Chute te mène directement aux profondeurs et seul un accident extérieur pourrait te pousser vers elle. Il t'est difficile de choisir cette porte. Alors que celle de la Dégradation te mène indirectement aux abîmes, en te faisant rebrousser chemin dans une sorte de spirale pleine de turbulences où tu ne cesses de reconsidérer tout ce qui a été perdu et sacrifié sur l'autel d'un dieu inconnu. Cet examen de conscience qui mène à la Dégradation est, bien sûr, un faux examen, dans lequel tu sous‑estimes et disproportionnes certaines choses que tu compares. Tu confrontes l'effort de la montée avec tous les “bénéfices” que tu as abandonnés. Mais si tu regardes les choses de plus près, tu t'apercevras que tu n'as rien abandonné pour cette raison, mais pour d'autres. La Dégradation commence donc par falsifier les raisons qui, en apparence, ont toujours été étrangères à la montée. Je demande maintenant : Qu'est‑ce qui trahit le mental ? Peut‑être les fausses raisons de l'enthousiasme initial ? Peut‑être la difficulté de l'entreprise ? Peut‑être le faux souvenir de sacrifices qui n'ont pas existé ou qui ont eu d'autres motifs ? Je te dis et je te demande maintenant : Ta maison a brûlé il y a longtemps. Est‑ce pour cela que tu as décidé de monter, ou penses‑tu maintenant que c'est parce que tu es monté qu'elle a brûlé ? As‑tu par hasard regardé un peu ce qui était arrivé à d'autres maisons des alentours ?… Il ne fait pas de doute que tu doives choisir la porte du milieu.
8.   Gravis le perron de la Tentative et tu parviendras à une coupole instable. Arrivé là, déplace‑toi le long d'un couloir étroit et sinueux que tu connaîtras comme étant celui de la “versatilité”, jusqu'à atteindre un espace vaste et vide (comme une plate‑forme), qui se nomme : “espace‑ouvert‑de‑l'énergie”.
9.   Dans cet espace, tu peux être épouvanté par le paysage désertique et immense ainsi que par le silence effrayant de la nuit transfigurée par d'énormes étoiles immobiles. Là, exactement au‑dessus de ta tête, tu verras, clouée dans le firmament, la forme insinuante de la Lune Noire. Là, tu dois attendre l'aube avec patience et foi, car rien de mal ne peut t'arriver si tu restes calme.
10.    Il pourrait arriver que, dans une telle situation, tu veuilles tenter une sortie immédiate. Si cela se produit, tu risquerais de te diriger à tâtons vers n'importe quel endroit, au lieu d'attendre le jour avec prudence. Tu dois alors te rappeler que là (dans l'obscurité), tout mouvement est faux et reçoit généralement le nom “d'improvisation”. Si, oubliant ce que je dis maintenant, tu commençais à improviser des mouvements, sois sûr que tu serais alors entraîné par un tourbillon, parmi les sentiers et les demeures, jusqu'aux plus sombres fonds de la dissolution.
11.    Qu'il est difficile de comprendre comment les états intérieurs sont enchaînés les uns aux autres ! Si tu savais quelle est la logique inflexible de la conscience, tu constaterais que dans la situation décrite, celui qui improvise aveuglément commence fatalement à dégrader et à se dégrader ; surgissent ensuite en lui les sentiments de frustration ; et il tombe dans le ressentiment et dans la mort ; survient alors l'oubli de tout ce qu'un jour il avait pu percevoir.
12.    Si, sur l'esplanade, tu arrives à atteindre le jour, surgira devant tes yeux le soleil radieux qui t'éclairera pour la première fois la réalité. Alors tu verras que dans tout ce qui existe vit un Plan.
13.    Il te sera difficile de tomber de là, à moins que tu ne veuilles volontairement descendre vers des régions plus obscures pour porter la lumière aux ténèbres.
Mieux vaut ne pas développer davantage ces thèmes car, sans expérience, ils trompent en transposant dans le domaine de l'imaginaire ce qui est réalisable.
Que ce qui a été dit jusqu'ici te serve. Si ce qui a été expliqué ne t'était pas utile, que pourrais‑tu objecter puisque rien n'a de fondement ni de raison pour le scepticisme, qui est comme l'image d'un miroir, le son d'un écho, l'ombre d'une ombre.


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