2023/12/11

La formation de l'Esprit

Silo,  1974

Supposons que je puisse faire disparaître mon corps en ne laissant qu'un conglomérat d'énergie. Une partie de l'énergie ira dans la rue et l'autre dans une autre direction. Supposons que nous appelions cette énergie une âme, et que cette âme soit pleine de trains dans des directions opposées. Si je le souhaite, cette énergie peut alors partir dans différentes directions, de sorte que nous ne pouvons pas parler d'immortalité ou de quoi que ce soit d'autre. 

À la dissolution du corps correspondrait la dissolution de l'énergie. Tant que mon corps sert de centre de gravité à cette énergie, celle-ci reste attachée. Mais si j'enlève le corps, cette énergie se dissipe. Quand on parle de centre de gravité, on parle d'une certaine manière qui permet d'harmoniser cette énergie et de la faire aller dans une direction centrale, et non pas vers l'extérieur. Si j'étais un homme pratiquant une religion extérieure, toutes mes tendances seraient dirigées vers Dieu, le ciel et les choses extérieures. Si j'enlève mon corps, l'énergie ira aussi dans ces directions ; nous n'avons pas d'unité intérieure, nous n'avons pas de centre de gravité.

Il s'agit de créer ce centre de gravité. Nous avons déjà dit que l'énergie peut se densifier jusqu'à former des corps solides. Nous disons maintenant que l'énergie qui circule autour de nous peut atteindre une plus grande solidité par un travail intérieur, qu'elle peut revendiquer son propre centre, ce que nous appelons l'esprit. Tous les êtres vivants, même les minéraux, possèdent cette énergie. L'énergie en mouvement ou ce que les anciens appelaient l'âme, nous pourrions l'appeler le champ énergétique. Il semble que l'être humain ait la possibilité de penser et de sentir à propos de lui-même, ce qui est différent du cas de la plante et du minéral, qui dépendent de choses extérieures. Il semble que dans l'être humain, quelque chose puisse s'inverser. C'est donc dans l'être humain que cette énergie peut générer un centre créatif.

L'être humain peut fonctionner comme les espèces animales. Il peut vivre toute sa vie préoccupé par les choses extérieures. Il peut certainement mourir orienté uniquement vers les choses qu'il peut percevoir par ses sens. Il peut donc passer toute sa vie sans se créer un centre de gravité. On dit que l'homme naît sans centre de gravité, que son centre de gravité est provisoire, ce centre de gravité est son corps.

Nous disons que sans centre de gravité, rien ne peut être permanent. Seul l'homme peut atteindre la permanence en lui-même. Et cela ne peut être acquis que par les exemples d'un travail intérieur ou par les exemples d'un grand amour, même si ce travail intérieur n'existe pas, mais par les exemples de l'histoire, beaucoup de gens ont connu ce grand amour intérieur, même s'ils n'ont pas connu de grandes théories ou de grandes formes de travail intérieur.

Et ce grand amour intérieur a produit l'unité, il a brisé les contradictions, il a existé dans ces circonstances qui ne sont pas appelées ainsi, mais qui sont plutôt des saints.

Les saints sont des personnes dont le centre de gravité est très fort. Ces personnes ont un grand amour intérieur qu'elles ne connaissent probablement pas. Ce n'est pas un problème pour certaines personnes. D'un autre côté, nous trouvons des personnes qui ont un grand développement intellectuel mais pas de développement intérieur. On peut alors concevoir un être très humble, qui ne sait probablement ni lire ni écrire, mais qui a un grand amour intérieur. Nous ne pouvons pas le confondre avec quelqu'un qui en sait peut-être beaucoup sur ces choses, mais qui n'a pas ce centre développé.

Cela ne signifie donc rien pour nous en termes de niveau intérieur, qu'une personne en sache beaucoup sur ces choses. Nous ne pouvons pas mesurer le niveau des gens par ce qu'ils disent ou peuvent expliquer, mais nous pouvons le mesurer par ce qu'ils peuvent expérimenter. Et comme nous ne savons pas comment les autres font leur expérience, nous ne pouvons pas juger du niveau intérieur d'une personne et, de toute façon, pourquoi voudrions-nous connaître le niveau intérieur des autres (rires).

Vivre 3000 ou 4000 ans ?

Silo. 1989.

Conséquences de la révolution technologique.

"Que se passe-t-il si vous imaginez que vous allez vivre 3 000 ou 4 000 ans (pour ne pas vous effrayer avec le mot "immortel") ? Immédiatement, "tout" change. En effet, le temps (et l'infini) est le conditionnement le plus important de notre vie. La disparition du temps en tant que limite serait un saut qualitatif aussi important pour notre conscience que l'opposition du pouce chez les primates. De nouvelles fonctions ont généré de nouvelles connexions nerveuses, une modification du système en général et, en synthèse, une autre espèce".   

Il y a quatre questions qui, comme les intuitions, opèrent dans les profondeurs de la conscience humaine depuis des temps immémoriaux. Elles sont toutes les quatre liées les unes aux autres et renvoient à la même chose, bien qu'elles se présentent sous des formulations différentes.

1 - Il y a un Ordre (ce qui suppose un sens antérieur, un responsable, un créateur, etc.)

2 - L'homme est une espèce rare, unique.

3.- Tout est vide, il n'y a rien.

4.- La mort est quelque chose d'absurde.     

De ces intuitions sont nés les dieux, les religions, les philosophies, etc. Cette situation s'est maintenue pendant des milliers d'années, mais elle semble aujourd'hui sur le point de changer, en raison des progrès technologiques.     

En effet, les possibilités offertes à la recherche en général, et en particulier à l'exploration de l'espace et aux progrès des communications, ont fait que ces formulations ont commencé à passer du domaine de l'intuition à celui de la perception et de la vérification : ondes radio, rayons laser, satellites de toutes sortes, etc. ont produit et continuent de produire des informations qui corroborent les intuitions susmentionnées.     

Dans tout ce qui est traversé ou reconnu, on découvre des lois ("quelqu'un s'amuse avec tout ça") ; dans toute la Voie lactée - c'est-à-dire au moins dans cette galaxie, on ne sait pas dans d'autres - nous sommes une espèce unique et rare : les énormes distances spatio-temporelles, celles qui séparent une planète d'une autre, parlent de l'énorme vide, du néant dans lequel nous sommes suspendus ; et tout cela renforce l'impression de l'absurdité de la mort.     

En même temps, la communication sur la planète permet la circulation de ces données entre tous les humains, de sorte qu'il est possible de supposer à court terme (maximum 20 ans) la réalisation d'une expérience sans précédent : la réalisation commune de toute l'espèce à cet égard, ce qui pourrait entraîner une décision sur la direction dans laquelle s'oriente la vie humaine.

L'enjeu est de taille : les moyens existent déjà - ils ont été scientifiquement élaborés - pour prolonger indéfiniment la vie humaine.     

Les principaux aspects concernés sont : l'alimentation (on serait capable de fournir toute la nourriture nécessaire à n'importe quel nombre de personnes) ; la population (l'espace, le vide, pourrait être peuplé) ; la santé (outre ce qui serait résolu par la seule alimentation et l'organisation de la vie, il y a aussi des avancées significatives dans le domaine de la biogénétique - clones, greffes, etc.)     

La réalisation de cet objectif nécessite de mettre toutes les ressources dont dispose l'espèce au service de cet objectif (et non au service de celles proposées par le système : armement, guerre, etc.) En d'autres termes, le système doit changer.     

Que se passe-t-il si l'on imagine que l'on va vivre 3 000 ou 4 000 ans (pour ne pas faire peur avec le mot "immortel"). Immédiatement, "tout" change. C'est parce que le temps (et l'infini) est le conditionnement le plus important de notre vie. La disparition du temps en tant que limite serait un saut qualitatif aussi important pour notre conscience que l'opposition du pouce chez les primates. De nouvelles fonctions ont généré de nouvelles connexions nerveuses, une modification du système en général et, en bref, une autre espèce.     

La question de savoir si cela se produira ou non sera tranchée dans les 20 prochaines années. Dans l'état actuel des choses (consolidation du système et croyance en la mort), il ne semble pas que l'option de prolonger indéfiniment la vie humaine soit retenue. En fait, l'information sur l'existence de cette possibilité n'est pas secrète, les données circulent, mais personne ne veut y croire. Les citoyens contribuables vont manifester pour exiger du système, mais ils ne le font pas pour exiger que l'on fasse des recherches pour prolonger leur vie ou celle de leurs enfants. (*) Nous sommes les seuls à être en faveur de la vie et du saut qualitatif. Si nous ne sommes pas influents dans les lieux clés au moment de prendre cette décision - (transformer le système et le mettre au service de la prolongation de la vie) - cela ne se fera pas.

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(*) NOTE DU COPYISTE : Le fait qu'il existe des connaissances scientifiques nécessaires pour produire un certain progrès ne signifie pas qu'une telle chose se produira nécessairement si les conditions de l'environnement social qui la rendent possible ne sont pas réunies. Au Ve siècle avant J.-C., les Grecs avaient déjà découvert la machine à vapeur (les plans et explications correspondants ont été trouvés). Cependant, elle n'a été ni produite ni utilisée. Certains commentateurs affirment que, comme leur ordre social incluait l'esclavage, la machine à vapeur n'était non seulement pas nécessaire pour eux, mais que son incorporation aurait été risquée pour le mode de vie et l'organisation qu'ils avaient conçus.

2023/12/08

Le mythe de l’argent

Source: Silo. présentation du livre "Mitos raíces universales". Buenos Aires. 18 avril 1991

…Les croyances faibles avec lesquelles nous évoluons dans notre vie quotidienne sont facilement remplaçables dès que nous prouvons que notre perception des faits était erronée. En revanche, lorsque nous parlons de croyances fortes sur lesquelles nous construisons notre interprétation globale des choses, nos goûts et dégoûts plus généraux, notre échelle irrationnelle de valeurs, nous touchons à la structure du mythe que nous ne voulons pas discuter en profondeur parce qu'il nous compromet totalement. De plus, lorsque l'un de ces mythes s'effondre, il s'ensuit une crise profonde dans laquelle nous nous sentons comme des feuilles emportées par le vent. Ces mythes privés ou collectifs guident notre comportement et de leur action profonde, nous ne pouvons percevoir que certaines images qui nous guident dans une certaine direction.


Chaque moment historique a des croyances de base fortes, avec une structure mythique collective, sacralisée ou non, qui sert à la cohésion des groupes humains, qui leur donne une identité et une participation à une sphère commune. Discuter des mythes fondamentaux d'une époque, c'est s'exposer à une réaction irrationnelle dont l'intensité varie en fonction de la puissance de la critique et de la force de la croyance touchée. Mais, logiquement, les générations se succèdent et les moments historiques changent, de sorte que ce qui était repoussé commence à être accepté naturellement comme s'il s'agissait de la vérité la plus complète. Parler du grand mythe de l'argent à l'heure actuelle, c'est provoquer une réaction qui empêche le dialogue.


Ce mythe désacralisé a souvent opéré à proximité des dieux. Ainsi, nous savons tous que le mot "monnaie" dérive de Juno Moneta, Juno la gardienne, près du temple de laquelle les Romains frappaient les pièces. On demandait à Junon Moneta une abondance de biens, mais pour les croyants, Junon était plus importante que l'argent dont elle tirait sa bonne volonté. Aujourd'hui, les vrais croyants demandent à leurs dieux divers biens et donc de l'argent. Mais s'ils croient vraiment en leur divinité, celle-ci reste au sommet de leur échelle de valeurs. L'argent en tant que fétiche a subi des transformations. Pendant longtemps, du moins en Occident, il a été garanti par l'or, ce métal mystérieux, rare et attirant pour ses qualités particulières. L'alchimie médiévale s'est attachée à le produire artificiellement. C'était un or encore sacralisé, auquel on attribuait le pouvoir de se multiplier sans limite, qui servait de médecine universelle et qui donnait longévité et richesse. Cet or a également fait l'objet de nombreuses recherches sur les terres d'Amérique. Je ne parle pas seulement de la soi-disant "fièvre de l'or" qui animait les aventuriers et les colonisateurs aux États-Unis, mais plutôt de l'El Dorado recherché par certains conquistadors, qui était également associé à des mythes mineurs tels que la fontaine de jouvence.


Notre interlocuteur se défend rapidement en affirmant, par exemple : "comment l'argent est un mythe, s'il est nécessaire pour vivre !"; ou : "un mythe est quelque chose de faux, quelque chose qui ne se voit pas ; l'argent, par contre, est une réalité tangible à travers laquelle les choses bougent", etc, etc, etc. Il ne nous sert à rien d'expliquer la différence entre le tangible de l'argent et l'intangible que l'on croit que l'argent peut réaliser ; il ne nous sert à rien d'observer la distance entre un signe représentant la valeur attribuée aux choses et la charge psychologique que ce signe a. Nous sommes déjà devenus des suspects. Nous sommes déjà devenus des suspects. Immédiatement, notre adversaire commence à nous observer avec un regard froid qui parcourt nos vêtements, exorcise l'hérésie tout en calculant les prix de nos vêtements, des vêtements qui coûtent sans aucun doute de l'argent..., réfléchit à notre poids et aux calories quotidiennes que nous consommons, pense à l'endroit où nous vivons et ainsi de suite. À ce stade, nous pourrions adoucir notre discours en disant quelque chose comme ceci : "Vous devez vraiment faire la distinction entre l'argent dont vous avez besoin pour vivre et l'argent dont vous n'avez pas besoin"... mais cette concession n'arrive pas au bon moment. Après tout, il y a des banques, des établissements de crédit, de la monnaie sous ses différentes formes. En d'autres termes, des "réalités" différentes qui témoignent d'une efficacité que nous semblons nier. Tout compte fait, dans cette fiction pittoresque, nous n'avons pas nié l'efficacité instrumentale de l'argent, nous l'avons même doté d'un grand pouvoir psychologique en réalisant que l'on attribue à cet objet plus de magie qu'il n'en a réellement. Il nous donnerait le bonheur et en quelque sorte l'immortalité, dans la mesure où il nous éviterait de nous préoccuper du problème de la mort.


Mais un mythe profondément enraciné fait tourner autour de son noyau les mythes moins importants. Ainsi, dans l'exemple qui nous occupe, de nombreux objets sont nimbés de charges transférées depuis le noyau central. La voiture qui nous est utile est aussi le symbole de l'argent, du "statut" qui ouvre la porte à plus d'argent. Greeley dit : "Il suffit de visiter le salon annuel de l'automobile pour y reconnaître une manifestation religieuse profondément ritualisée. Les couleurs, les lumières, la musique, la révérence des adorateurs, la présence des prêtresses du temple (les mannequins), le faste et le luxe, le gaspillage d'argent, la masse compacte (tout cela constituerait dans une autre civilisation un office véritablement religieux). Le culte de l'automobile sacrée a ses fidèles et ses initiés. Les gnostiques n'attendent pas plus impatiemment la révélation oraculaire que les adorateurs de l'automobile n'attendent les premières rumeurs sur les nouveaux modèles. C'est à ce moment du cycle périodique annuel que les pontifes du culte (les vendeurs de voitures) prennent une importance nouvelle, en même temps qu'une foule inquiète attend avec impatience l'avènement d'une nouvelle forme de salut.


Bien sûr, je ne suis pas d'accord avec la dimension, avec la dimension que cet auteur attribue à la dévotion au fétiche automobile. Mais elle a néanmoins la vertu d'approcher la compréhension du thème mythique dans un objet contemporain. Il s'agit bien d'un mythe désacralisé et, par conséquent, on peut peut-être y voir une structure similaire à celle du mythe sacré, mais précisément sans sa caractéristique fondamentale de force autonome, pensante et indépendante. Si l'auteur prend en compte les rites de la périodicité annuelle, sa description s'applique également aux célébrations des anniversaires, du Nouvel An, de la remise des Oscars ou d'autres rites civils similaires qui n'impliquent pas une atmosphère religieuse comme dans le cas des mythes sacralisés…

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Vidéo avec traduction : 

https://m.youtube.com/watch?si=zT_4wngLqcWBEHij&v=PraYRHZj8Bk&feature=youtu.be


2023/11/27

Sur la peur de la mort

"La vie physique n'est pas en soi pleinement satisfaisante et significative

tant que l'on n'est pas capable de choisir consciemment pour soi-même une autre valeur

une autre valeur qu'ils considèrent plus chère que la vie elle-même".

Rollo May.


Peu d'expériences humaines sont aussi quotidiennes et mal comprises que l'expérience de la mort. La mort est la dernière étape d'un processus biologique qui commence avec la conception, de sorte que, comme le dit la sagesse populaire, la chose la plus sûre que nous ayons dans cette vie, c'est la mort.

Cependant, à travers les époques et les cultures, l'attitude de l'homme face à la mort a énormément varié. De la mort comme émancipation des limites matérielles à la mort comme le plus grand malheur qui puisse arriver, en passant par les diverses croyances, les menaces d'outre-tombe et les mesures visant à assurer une mort sans douleur.

À l'heure actuelle et dans notre culture, la mort est quelque chose de très indésirable pour les nôtres, quelque chose de souvent désirable pour nos ennemis, et quelque chose qui nous laisse souvent indifférents lorsqu'il s'agit d'un étranger.

La culture occidentale se caractérise par une attitude déséquilibrée à l'égard du phénomène de la mort physique : alors que beaucoup se donnent beaucoup de mal pour l'éviter (jusqu'à trahir leurs idéaux et leurs amis, ou se trahir eux-mêmes, ou payer de grosses sommes d'argent pour la retarder ou l'éviter, etc.


Qu'est-ce qui se cache derrière la peur de la mort ?

La peur de la mort est inversement proportionnelle au degré de satisfaction personnelle éprouvé dans la vie. En d'autres termes, plus une personne vit sa vie de manière complète et cohérente, moins elle sera tourmentée par l'idée ou la possibilité de mourir. En revanche, plus une personne a de projets personnels en suspens, plus elle a le sentiment qu'il lui reste des choses à faire, moins l'idée de sa propre mort lui plaira.

Par conséquent, pour de nombreuses personnes, la peur de la mort est la peur de ne pas pouvoir éprouver des sentiments, des états ou des situations désirés qui n'ont pas encore été réalisés ou que l'on souhaite vivre encore plus longtemps. L'expression cathartique et révélatrice du jeune homme ou de la jeune femme après l'initiation à des relations sexuelles intimes en est un exemple : "Maintenant, je peux mourir en paix".

La peur de la mort est la peur de ne pas avoir la possibilité de se racheter ou d'introduire des correctifs dans la relation avec d'autres personnes. Ainsi, lorsqu'une personne proche meurt, un parent ou un être aimé, par exemple, l'endeuillé souffre et pleure non seulement et pas tellement pour la personne décédée, mais pleure son impossibilité objective de lui dire dans la vie tout ce qu'il aurait voulu lui dire, tout ce qu'il n'a pas su lui dire.

Dans d'autres cas, la peur de la mort de l'être aimé est l'expression inconsciente d'une colère ou d'un ressentiment à l'égard de cette personne : après avoir intérieurement effleuré le souhait "j'aimerais qu'il/elle meure", je suis effrayé(e) par cette idée, je m'autocensure pour oser y penser, et ce ressentiment ou cette colère inexprimés s'expriment intérieurement sous la forme de la peur de la mort de l'autre. La peur de la mort de l'autre peut donc aussi être une formation réactive résultant d'un ressentiment non exprimé.

Il y a aussi la peur égocentrique de la mort de l'autre proche. Dans ce cas, la position existentielle est la suivante : "Je pleure ce que je perds ou ce que j'ai perdu". Dans ce cas, l'endeuillé s'apitoie sur son sort parce qu'il sait ou croit que la satisfaction de ses propres besoins ou plaisirs, dont la satisfaction était liée à la compagnie de l'autre, sera compromise.

Considérons également le pendant de la situation précédente : la peur de mourir avec abnégation. Dans ce cas, la position existentielle serait : "Je ne peux pas encore mourir car mes proches ont besoin de moi", cette personne se sait ou se considère nécessaire à la satisfaction des besoins matériels ou affectifs de ses enfants ou de ses proches. Il en découle un corollaire politique : si la société dans son ensemble est organisée de telle sorte que les citoyens bénéficient d'un bon système de sécurité sociale contre les vicissitudes et les accidents, les gens pourraient mourir plus sereinement.

La peur de la mort est aussi la peur de "cesser d'être MOI" et cette peur est le produit du type d'éducation promu par le système de valeurs qui prévaut aujourd'hui dans notre contexte socioculturel : un système qui hypertrophie l'importance du Moi. L'accent mis sur la consommation, le sensualisme et l'individualisme dans notre éducation fait que la personne se sent propriétaire non seulement de son corps et de son esprit, mais aussi de ses biens matériels et de ses possessions, qu'elle s'identifie à eux et qu'elle souffre de leur sort. Nous vivons dans une société où les êtres humains sont valorisés en fonction de leur capacité à consommer, à acheter. En témoigne le message récurrent de la publicité qui invite à la jouissance et au plaisir. Ne pas utiliser, ne pas posséder ou ne pas consommer nous semble être l'une des expériences les plus indésirables. Et quoi de plus semblable au fait de ne pas consommer et de ne pas jouir que le fait de mourir ?


Peur de la mort et idéologie.

Aujourd'hui, derrière la peur de mourir se cache une idéologie dangereuse : cette idéologie tacite et inconsciente qui, dans la grande majorité des cas, fait partie du curriculum caché que les agents éducatifs transmettent aux nouvelles générations, selon laquelle l'être humain est un être "naturel" qui, comme tout ce qui est naturel, naît, grandit, se nourrit, se reproduit et meurt. Ou appliqué au contexte de l'être humain naturalisé : il naît, grandit, va à l'école s'il le peut, se marie, travaille pour sa subsistance et celle de sa progéniture, vieillit et meurt... Y a-t-il une différence essentielle avec la vie d'un animal ?

Les conséquences d'une vision naturaliste de l'être humain sont désastreuses. En développant une telle vision, il s'avère que "tout vaut mieux que mourir". Sur la base d'une telle vision, l'être humain va jusqu'à se trahir et trahir les autres, à renoncer à ses idéaux parce qu'ils sont peu utiles à la subsistance, à piétiner des amitiés et des villages entiers parce que "c'est nécessaire et vital pour notre subsistance". Tout cela pour rester en vie, pour ne pas mourir, pour survivre, même dans la nullité affective la plus réifiante ou dans la soumission la plus aberrante de sa propre volonté aux autres. Les puissants et les violents profitent et alimentent la peur de mourir des gens pour les faire chanter, les soumettre et les exploiter, parce que... "Ils supportent tout tant qu'ils ne meurent pas".

Celui qui nie la réalité se soumet à l'assaut de la réalité, celui qui nie la mort comme faisant partie de la vie se condamne à être l'esclave de la peur de la mort.

Cet état de fait prend l'ampleur d'une tragédie psychosociale lorsque l'idéologie du "tout pour maintenir mon corps en vie" est brandie comme un argument prétendument scientifique selon lequel le soi-disant instinct de conservation est l'instinct le plus fort qui existe chez l'être humain, et qu'aucune force psychologique ne peut s'y opposer (vous en avez entendu d'autres dire : "il y aura toujours des guerres"...).

Face à cet état de fait, il convient de s'interroger sur la déclaration suivante de la psychologue humaniste May Rollo : "la vie n'acquiert son plein sens que lorsqu'on embrasse une cause pour laquelle on est prêt à donner sa vie". Nous devons être attentifs à détecter et à dénoncer les tentatives de naturaliser l'être humain, de lui demander de se comporter comme un animal, en lui déniant sa capacité proprement humaine, essentiellement humaine, de transcender ses déterminismes instinctifs en tant qu'individu biologique. L'être humain est bien plus qu'un animal rationnel : l'être humain est conscience, il est "l'être historique dont le mode d'action sociale transforme sa propre nature", il est créateur de sens, constructeur de réalités objectives et subjectives. Même son corps physique fait partie de ce qui lui est extérieur et est également susceptible de se transformer[1] L'être humain est un "être historique, dont le mode d'action sociale transforme sa propre nature".

En survalorisant l'aspect biologique de l'être humain, en le réduisant à un être naturel, nous sommes à deux doigts d'accepter l'hégémonie des "races supérieures" sur les races supposées inférieures, l'inéluctabilité de la guerre et de la violence de l'homme contre l'homme, en attribuant ces comportements à des pulsions naturelles invincibles. Ces positions naturalistes ont déjà causé suffisamment de dommages au développement humain.


Quel rôle ont joué la science officielle et les universités.

Quelle a été la position du monde scientifique et universitaire sur la mort ? À partir du XVIIIe siècle, avec la montée du rationalisme puis du pragmatisme, le monde scientifique a traité le sujet de la mort de manière simpliste et préjudiciable : dès l'école, nous avons accepté le syllogisme selon lequel

- L'esprit, et donc l'expérience subjective, est un produit de l'activité du cerveau.

- Le cerveau meurt avec la mort du corps,

- Ainsi, l'expérience subjective prend fin avec la mort du corps.

Et c'est tout. Et c'est la fin de l'affaire. Et quiconque soutenait le contraire était ostracisé et répudié par les personnes prestigieuses du monde académique et scientifique.

Mais pour le citoyen ordinaire, ce froid syllogisme n'était pas suffisant. Cela ne le libérait pas de ses craintes quant au destin tragique de l'existence humaine ; cette explication ne le rassurait pas, elle ne résolvait pas ses inquiétudes et ses doutes quant à la possibilité d'une transcendance et à la manière d'agir pour l'obtenir. Ses intuitions sur le sens de la vie sont restées latentes, et c'est ainsi qu'en l'absence de réponses dans le domaine scientifique, de nombreuses propositions, des métiers, des hobbies et des entreprises prospères ont vu le jour autour du thème de la mort et des possibilités et conditions de la transcendance.

C'est ainsi que l'être humain contemporain se trouve aujourd'hui aux prises, de manière incongrue, avec des visions du monde antagonistes : d'un côté, il se déclare rationaliste, de l'autre, il craint les menaces d'outre-tombe et se retrouve dans une immense confusion intérieure ; il finit par se sentir tiraillé dans différentes directions et par éprouver de graves conflits au moment de prendre des décisions importantes dans le domaine interpersonnel et social. L'être humain d'aujourd'hui se sent - quand il se sent - déchiré et confus. Pour échapper à cette douleur (parce que nous sommes aussi une culture agliophobe), les faiseurs d'opinion génèrent des mécanismes hypnotiques qui créent chez l'individu une insensibilité et un acritisme à l'égard de ses propres registres internes, de ses propres expériences internes. Ils nous disent quoi, quand, comment, où et pourquoi nous devons être heureux et tristes.

Les scientifiques et les universitaires commencent à ouvrir leurs portes et leurs esprits à des sujets auparavant interdits. Des problèmes anciens et nouveaux commencent à présenter un intérêt scientifique : les expériences subjectives des mourants, les états de conscience altérés, les expériences en état de privation sensorielle, l'effet subjectif des hallucinogènes sur la conscience, les expériences de ceux qui ont été proches de la mort. De plus en plus de chercheurs comprennent que les expériences et les récits de la mort individuelle, en tant que réalités subjectives dans lesquelles certaines constantes sont notées, méritent d'être étudiées de manière impartiale.

Dans un monde en crise, confronté à la perte des références externes, à l'épuisement des idéologies qui assuraient autrefois la cohésion du corps social, la validation des références internes est urgente. C'est pourquoi la compréhension de questions telles que l'expérience de la mort et d'autres expériences psychiques hors normes n'est pas aujourd'hui seulement une question de curiosité, d'évasion ou de naïveté : c'est une question d'importance vitale face à l'effondrement du modèle de l'être humain que nous avions jusqu'à présent, qui ne l'explique plus et ne l'englobe plus. L'être humain est un être en constante redéfinition et construction.

La peur de la mort dans notre culture reflète la confusion sur la façon de vivre la vie elle-même.

Apprendre à mourir est une partie essentielle de l'apprentissage de la vie.

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"Maintenant que l'état transitoire de la plus grande réalité brille sur moi, abandonnant toute crainte, peur et terreur, je peux reconnaître tout ce qui apparaît, mes propres productions, et les connaître comme des apparitions dans l'état transitoire.

Maintenant que j'ai atteint ce point crucial, que je ne crains pas les énergies spécifiques et colériques, mes propres projections".

Extrait du Bardo Todol (livre tibétain des morts)

[1] Voir : Internationale Humaniste. Florence, 1989 https://www.internationalhumanistparty.org/es/doc/tesis

2023/11/09

Les scénarios mondiaux du XXIe siècle dans le contexte de la méga-histoire

Santa Clara - Cuba 

Akop Nazaretián, 24 de abril de 2018


Hier, notre collègue, Maria Teresa, nous a parlé des conceptions de l’histoire de Hegel et du marxisme. La semaine prochaine, le 5 mai, nous célébrons le bicentenaire de Karl Marx. C’est pourquoi j’aimerais commencer par une citation. Dans la première moitié du XIXe siècle, Marx et Engels on écrit : « Nous ne connaissons qu’une science, la science de l’histoire. Seule l’histoire peut être considérée sous les deux aspects, se divisant en histoire de la nature et histoire de l’humanité ». Ils ont anticipé beaucoup des progrès de la science, mais ils n’auraient pas pensé que l’histoire de la nature aurait englobé bien plus que l’histoire de la Terre… Les scientifiques matérialistes de cette époque imaginaient que l’évolution n’englobait que la Terre et le système solaire. L’univers n’avait pas de commencement ni de fin, il résultait donc antihistorique. On a pensé ainsi pendant plusieurs décennies.


Je vais citer un autre scientifique très connu : Michio Kaku. Il a dit : « Les générations actuelles sont les plus importantes de toute l’histoire de l’humanité et de la préhistoire ». En effet, ce sont elles qui détermineront si l’humanité progressera vers son nouvel objectif évolutif.


Nos épouses donnent peut-être naissance à des dieux potentiels, qui auront accès à quelques formes d’immortalité et de maîtrise cosmique ou qui seront une génération de kamikazes qui entameront la chute irréversible de l’anthroposphère.


En ce qui concerne l’histoire universelle, telle que nous la comprenons maintenant, durant les XVIIIe et XIXe siècles, trois modèles de l’histoire ont été établis en Europe. D’abord un nouveau modèle, celui du progrès et du développement, géo-centriste ou linéaire, allant du pire scénario au meilleur. Telle était la vision en Europe centrale. L’Europe orientale, la Chine, le Japon, l’Amérique étaient considérés périphériques.


Selon un autre modèle plus traditionnel, le monde est sur une trajectoire descendante (depuis l’âge d’or…). Cela était soutenu par la thermodynamique (la croissance de l’entropie au fil du temps).


Certains physiciens ont dit que ces deux modèles ne pouvaient être vrais. On s’amusait alors à comparer la thermodynamique à une vieille tante, qui n’est pas sympathique mais a toujours raison.


Ils ont ensuite commencé à penser que l’histoire n’est pas généralisée à toutes les civilisations.


C’est à cette époque, à la fin du XVIIIe siècle, qu’a été élaborée la conception de l’histoire au sens que nous lui donnons aujourd’hui ; auparavant, on utilisait le terme « histoire » au pluriel, comme s’il s’agissait du récit d’événements distincts.


Au début du XXe siècle, les Européens entrèrent dans une vague d’espoir. Tout serait mieux qu’avant : la morale, l’économie, etc. Cela était écrit dans d’excellents ouvrages et on disait qu’il ne pourrait jamais plus y avoir des guerres ! On réservait celles-ci à l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique ; mais l’Europe serait libre de guerres pour toujours. L’histoire et les guerres étaient des choses du passé. Mais les deux guerres mondiales en Europe ont changé l’humeur des Européens. Ils ont dû admettre qu’ils s’étaient trompés. Toynbee écrivit qu’il devait finir son livre en 16 volumes sur l’histoire seulement parce qu’il avait promis de le faire.


La conception de l’histoire globale est apparue dans les années 80. L’histoire de l’humanité ne peut être dissociée des processus évolutifs de la nature, puisque l’histoire de la Terre elle-même fait partie de l’histoire de l’univers. Pendant quelque 14 milliards d’années, des structures de plus en plus complexes se sont développées. Depuis le Big Bang – qui est l’horizon de notre vision rétrospective – les transformations de l’univers suivent certains vecteurs… Dans les années 70 et 80, on a découvert la flèche du temps cosmique. Jusque-là, personne n’avait pu contredire la flèche du temps thermodynamique.


De nos jours, les astrophysiciens présentent deux flèches : la flèche du temps thermodynamique et celle du temps cosmique. Ces flèches nous montrent le vecteur du développement à partir des conditions les plus chaotiques, aléatoires et simples jusqu’aux conditions les plus complexes. Parmi les effets fascinants de ce processus, il y a nous, notre cerveau et notre esprit.

C’est ainsi qu’on a fait une distinction entre l’histoire de l’humanité et l’histoire universelle.

Au cours du premier milliard d’années d’évolution, depuis le Big Bang, la vitesse des processus a ralenti. Cela a été considéré comme la première étape de l’évolution. Puis, à -10 milliards d’années, les éléments lourds ont été synthétisés dans les entrailles de la première génération d’étoiles, ce qui a produit une deuxième vague d’accélérations à partir de l’explosion de supernovæ. À ce moment, un nouveau mécanisme d’auto-organisation a été créé, différent des processus précédents (parce que les éléments lourds ont besoin d’énergie gratuite de l’extérieur). Le développement de la matière organique commença, ainsi qu’une nouvelle accélération. Il en a résulté l’apparition du système solaire et de la Terre.

Si vous observez l’évolution de la Terre, vous obtenez les graphiques suivants :

Vertical de Snooks-Panov

Beaucoup de raisons permettent d’affirmer que la vie n’est pas apparue sur terre à l’origine. L’idée selon laquelle les premiers organismes vivants sont plus vieux que les océans est largement acceptée. Ce sont des organismes qui peuvent voyager dans le cosmos dans des conditions extrêmes (sans eau et soumis à de fortes radiations…).

Dans la première phase de l’évolution, l’activité météorique a été très intense. Lorsque cette activité s’est ralentie, les organismes ont pu commencer leur processus d’évolution.

Plusieurs scientifiques ont observé que l’évolution avait un rythme régulier… En comparant précisément les périodes d’existence sans crises mondiales, des chercheurs de différents pays – de façon indépendante et presque simultanée – ont fait une découverte surprenante. Il s’agit du scientifique australien Graeme Snooks, du scientifique russe Alexander Panov et du scientifique américain Raymond Kurzweil, qui, en trouvant une séquence strictement logarithmique dans le changement accéléré des phases de l’évolution sociale et présociale – sans encore soupçonner le travail de leurs collègues – ont essayé de continuer rétrospectivement la courbe obtenue.

Tous les trois ont trouvé le même fait : après 4 milliards d’années, l’accélération continue, suivant de manière précise une formule logarithmique. L’intervalle entre les catastrophes mondiales et les transitions de phases est réduit d’un tiers. L’évolution suivait un rythme extrêmement régulier jusqu’à l’apparition de l’homo sapiens, ce facteur insensé doté d’une volonté propre.

Sur Terre, il y a eu des fluctuations climatiques, le niveau des océans a changé, les continents ont dérivé, les volcans ont explosé, des corps célestes sont tombés, les pôles magnétiques se sont déplacés ; à tout cela s’est ajouté le libre arbitre de l’extravagante humanité. Cependant, les transitions de phases irréversibles de l’évolution mondiale se sont succédées chronométriquement. Ce fait surprenant apporte la preuve que les sauts révolutionnaires dans l’histoire de la nature et de la société ont été provoqués, non pas par des cataclysmes accidentels, mais par des crises endo-exogènes qui sont devenues plus fréquentes à mesure que l’activité antientropique s’est intensifiée.

Cet état de fait est expliqué dans les modèles que nous appelons synergétiques. Les Américains l’appellent théorie du chaos, les Chiliens autopoïèse, les Français thermodynamique du déséquilibre.

Au 21e siècle, nous pouvons construire un modèle du passé grâce au fait qu’à toutes les étapes critiques de l’évolution de la terre, des attracteurs étranges verticaux ont été produits.

Certains de ces épisodes cruciaux auraient peut-être pu être résolus en fonction d’un scénario différent et les événements auraient pu se dérouler dans la direction d’un attracteur simple ou horizontal. Le premier cas est celui d’une dégradation de la biosphère (ou anthroposphère) ; le deuxième, celui d’une suspension prolongée de l’évolution avec stabilisation, d’après le modèle écologique-mathématique proies-prédateurs.

Vers le milieu du XXIe siècle, ce qu’on appelle en mathématiques le point de singularité est apparu. C’est le point de l’hyperbole où la valeur des fonctions tend vers l’infini et la courbe se transforme en ligne droite.

En Amérique, la NASA a créé l’Université de la singularité. À Moscou, nous avons créé, en préparation de l’avenir, le Centre de méga-histoire et de prévision systémique.

La réalité objective est que mathématiquement parlant, nous arrivons à une singularité. Mais qu’est-ce qui se trouve derrière cela ? C’est là l’objet de notre étude. Nous arrivons donc à une croisée des chemins. Le dernier milliard d’années d’évolution doit être résolu dans les décennies à venir.

Derrière la singularité peut commencer la branche descendante de l’histoire. L’attracteur indique que la Terre sera à nouveau un corps normal comme la Lune ou Mars, dépourvu de vie (spirituelle, philosophique, etc.). Cela ne prendra pas des millions d’années, c’est peut être une question de jours ou de millénaires, parce que ce sera le résultat de l’activité humaine. Plusieurs philosophes ont spéculé sur cette possibilité, mais ont imaginé qu’elle se produirait dans des dizaines de millions d’années, comme un processus naturel.

Le père de la nanotechnologie, Eric Drexler, a prévenu que des nanobactéries offensives pourraient bientôt être disponibles. Les bombes atomiques sont de vieilles armes qui ne servent plus à maintenir l’équilibre ; les nouvelles armes sont plus modernes, moins chères et peut-être plus accessibles. L’un des scénarios est donc la possibilité d’éliminer toute la population d’un groupe ethnique donné.

Un autre attracteur, l’attracteur horizontal, indique que l’humanité, ayant atteint une stabilité suffisante, se désintéresse de la vie extérieure et s’échappe vers la vie virtuelle (toute l’activité vitale est effectuée dans le monde virtuel).

L’autre possibilité est que le cycle planétaire de l’évolution peut être transformé en un grand cycle cosmique accompagné de transformations profondes de l’être humain (une onde de choc intellectuel issue de la « planète refuge »).

Les physiciens du XXe siècle ont écrit presque à l’unanimité que l’esprit, l’intellect, la culture spirituelle et l’ensemble de la société sont des épiphénomènes du développement des structures physiques et rien d’autre, et ne peuvent donc jouer aucun rôle dans la vie de l’univers ; ils sont un phénomène secondaire.

Au XXe siècle, seuls quelques physiciens soviétiques, influencés par ce qu’on appelle le cosmisme russe (philosophie cosmiste), ont osé écrire que, peut-être, l’homme pourrait changer hypothétiquement les structures de l’univers par l’intellect.

Steven Weinberg (lauréat du prix Nobel de physique en 1979) a écrit : « L’effort consenti pour comprendre l’univers est l’une des rares choses qui élèvent la vie humaine au-dessus du niveau de la farce, et lui confèrent un peu de la dignité de la tragédie. » Notre existence est une farce. Et les philosophes matérialistes ont écrit la même chose, que du point de vue cosmique, ce que nous faisons est une farce. Cela nous confère une nuance de grande tragédie.

D’autres se sont exprimé en ce sens de la croissance de l’entropie et des déchets cosmiques (en l’assimilant au processus humain).

Ces hypothèses exotiques datent du siècle dernier, mais à partir du XXIe siècle, l’environnement intellectuel dans le domaine de la physique commença à changer radicalement. Aujourd’hui, il est possible de lire dans la presse spécialisée que la conscience est une essence cosmologique, que notre présence dans l’Univers n’est pas accidentelle, que la conscience est une réalité plus fondamentale que les atomes et que l’avenir de l’Univers dépend de la connaissance humaine au sens large.

Ce ne sont pas des Russes, ni des philosophes, ni des psychologues, qui affirment cela. Si des psychologues l’avaient écrit…. Ce sont des astrophysiciens professionnels qui disent que, lorsque l’intellect s’alimente des processus physiques de l’Univers, il forme de nouveaux Univers au moyen d’une explosion dirigée vers un trou noir. Ils parlent aussi d’une sélection Darwinienne des univers (cela semble un peu farfelu, mais c’est écrit sérieusement par des scientifiques de renommée mondiale). Les univers formés artificiellement rejetteraient ceux qui sont formés naturellement… (1).

[(1) : Note de la rédaction :

De nombreuses approches visant à aligner les dernières découvertes de la physique et de la cosmologie sur d’autres domaines de la pensée humaine font partie du principe dit « anthropogénique » apparu à la fin du XXesiècle.

En référence à ce que Nazaretian a dit lors de son intervention, Michio Kaku explique ce qui suit dans son livre « La physique de l’impossible » :

« En confinant suffisamment d’énergie en un simple point, tout ce que nous obtiendrions serait l’effondrement de l’espace-temps en trou noir » (…) « Il est tout à fait concevable qu’une civilisation ayant plusieurs milliers ou millions d’années d’avance sur la nôtre soit capable d’orienter les émissions d’un trou noir en direction d’une cible donnée. » Fin de la NDR.]

 

La psychologie, en particulier Gestalt, a montré que le diapason de la gestion de l’énergie cosmique n’a pas de limites, que toute constante existe en tant que norme au sein d’un certain modèle. Vous pouvez toujours trouver un métamodèle même si les formes varient. D’après cela, le Cosmos devrait être rempli de puissantes civilisations. Mais depuis le début des années 1950, le grand physicien italien Enrico Fermi a énoncé un paradoxe : où sont-ils ?

Selon toutes les théories cosmologiques actuelles, la vie a dû apparaître à certains endroits bien avant d’apparaître sur Terre. Au cours des dernières années, les techniques astronomiques ont permis de découvrir deux nouvelles planètes par semaine. Certaines sont très similaires à la Terre, mais il n’existe aucune preuve d’activité intellectuelle à l’extérieur de la Terre, de sorte que le paradoxe de Fermi s’accentue de plus en plus.

Face à cela, il y a plusieurs théories pittoresques, comme celle selon laquelle les extraterrestres se cachent en attendant que l’humanité surmonte l’étape de l’agressivité. Plus récemment, on parle de silence du Cosmos : le Cosmos est peut-être silencieux parce que la métagalaxie n’a pas encore produit un intellect à la mesure de son objectif universel.

Dans l’histoire de l’évolution, les événements auraient pu se produire d’une façon différente chaque fois. Prenons par exemple la crise des missiles à Cuba. C’est un miracle qu’une guerre nucléaire n’ait pas éclaté à l’époque. À l’époque, on ne craignait pas particulièrement une guerre nucléaire. En Chine, par exemple, on a même dit que les survivants d’une guerre nucléaire vivraient mieux.

À cette époque, on ne croyait pas en l’avenir. Les hippies, par exemple, parlaient de liberté immédiate, de vivre dans l’instant présent, d’amour immédiat. Le XXe siècle s’est pratiquement terminé dans ces conditions.

Selon le principe de mise en œuvre, tout ce qui peut arriver arrive. Alors il devrait y avoir d’autres planètes où des scénarios différents se sont produits.

Dans une hyperbole, lorsque nous analysons chaque transition, nous voyons clairement que le contraire aurait pu se produire : la dégradation. Nous vivons sur cette planète grâce au fait que, chaque fois, l’attracteur étrange vertical a été réalisé.

Il doit y avoir d’autres planètes où une crise comme celle des Caraïbes ou du Paléolithique aurait été définitive. Nous pouvons supposer que très peu d’entre elles ont atteint leur objectif d’évolution et que beaucoup demeurent à l’état de débris de l’évolution.

Si nous acceptons cela, nous pouvons penser que la situation actuelle correspond à une étape décisive du processus évolutif

L’un des scénarios destructeurs à l’heure actuelle est le suivant :

Nous observons et étudions maintenant en détail la situation en Amérique du Nord, en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Russie… nous constatons qu’il y a un processus de renaissance religieuse, une renaissance du fondamentalisme socialiste, patriotique, nationaliste… La même idée des intérêts nationaux, quand personne ne peut choisir la nation dans laquelle elle naît… Et quelle est la différence entre intérêt, ambition, profit ou fantaisie ? Quelle est la différence ? Et ce sont ces phrases vides qui la véhiculent.

Si ce processus de fondamentalisme se poursuit, il pourrait se révéler irréversible ; on tomberait dans le Moyen Âge. Mais le Moyen Âge de notre temps ne peut pas nourrir 7 milliards de personnes. Cela signifie la perte de la mémoire, avec les anciennes technologies. Commence ensuite la guerre de tous contre tous. En outre, toutes les armes chimiques et atomiques qui sont négligées… C’est ainsi qu’on arrive à ce que les scientifiques appellent la sphère d’équilibre. Nous vivons maintenant à une époque de déséquilibre durable. La vie est l’équilibre durable.

Ensuite, nous parlerons de l’humanisme, de la façon dont l’avenir dépend du développement de l’humanisme. Ce n’est pas la fantaisie de quelques – « bonnes personnes, humanistes » – c’est l’impératif de survie de notre planète et de l’espèce humaine.

2023/11/07

Contrôle et évolution de la conscience. Silo

Notes de conversations de Silo avec Enrique Nassar – 18/4/1997

La technologie de l’image et le réseau mondial de données se développent, tout cela fait que la planète est plus connectée, ce qui facilitera la transmission et la circulation de l’information mais n’améliorera pas la communication entre les personnes ; au mieux, cela facilitera la connexion de leurs solitudes. La circulation de données est une chose ; la communication en est une autre ; la connexion au moyen de la technologie est une chose, sortir de l’isolement en est une autre. Le système voit le monde comme un commerce, c’est-à-dire que dans les gens, il voit le travail et la consommation ; toute cette technologie lui sert à extorquer de l’argent à la population, c’est pour cela que le mensonge qu’il maintient avec la réalité virtuelle est celui de confisquer l’image pour robotiser les populations, les faire travailler plus et leur soutirer plus d’argent.

Voler l’image à la population est une prétention irréalisable : un exemple de ce mensonge, c’est la Roumanie, où le président Ceausescu a cru naïvement qu’il était possible de contrôler la conscience de la population et dans l’exercice du pouvoir, il a en effet contrôlé les moyens de production, les moyens de communication, l’organisation sociale, les institutions formatrices (éducation). En Roumanie, les enfants l’appelaient "papa C.", les adolescents et les jeunes célébraient des événements où ils devaient exprimer leurs louanges à C. Les populations qui manifestaient leurs petits désaccords avec le régime étaient déstructurées, transférées, déracinées, et rééduquées ; c’est-à-dire, C. avait apparemment le contrôle de l’objectivité et de la subjectivité (de la conscience) de la population. Un jour, tout a changé, et dans une période de temps très court, C. a été destitué, fait prisonnier, jugé, fusillé. Les dernières photos de C. et de son épouse les montrent avec des expressions d’étonnement complet face à ce qui était en train de se passer. Les deux sont morts sans comprendre ce qui était en train de leur arriver.

L’exercice du pouvoir à la manière de C. se base sur la théorie naïve qui suppose que si les moyens de production sont monopolisés et les moyens de communications manipulés (monopole de l’image), les gens, qui sont supposés avoir une conscience passive, vont répondre de manière mécanique, prédéterminée et réactive aux stimuli qu’on leur envoie ; et l’on pourra donc bien sûr toujours prévoir ce qu’ils vont faire à l’avenir. Mais non, la conscience humaine n’est pas passive, la conscience humaine est active. Cela signifie que si on lance un stimulus à la conscience, en attendant une réponse prédéterminée, il pourrait arriver que cette conscience fasse quelque chose de totalement inattendu, précisément parce que la conscience est active et intentionnelle. Le système, du fait qu’il a une vision limitée et plate de l’être humain, n’apprend pas des cas comme ceux de la Roumanie, le système ne comprend pas comment fonctionne la conscience humaine.

- La conscience humaine peut-elle être contrôlée ?

Depuis l’époque des Assyriens, qui assassinaient des milliers de personnes et formaient avec elles des pyramides de cadavres pour terroriser par cette démonstration et soumettre la population, depuis cette époque, on sait que par le biais de méthodes brutales, on peut contrôler les comportements collectifs d’une population. Il est certain que, conjoncturellement, au moyen de méthodes brutales on peut soumettre les comportements collectifs d’une population mais il est certain également que du point de vue en processus, il n’y a pas moyen de contrôler la conscience humaine.

La formule de démonstrations de bains de sang puis de soumission de la population a été utilisée plusieurs fois dans l’histoire : Franco en Espagne a produit un bain de sang de plus d’un million de personnes et ensuite, il a pu soumettre sans grand problème les comportements sociaux du peuple espagnol. Staline a fomenté d’énormes tueries du peuple russe puis il l’a soumis sans difficultés. Dans ces deux cas, il y a soumission du comportement collectif de la population car, par peur, personne ne se risque à faire ce qui est interdit, mais il n’y a pas contrôle de la conscience, car les gens en fait ne sont pas d’accord avec cela. Ce qui n’est pas clair avec ces régimes : auraient-ils pris fin si les dictateurs


n’étaient pas morts ? Le régime franquiste aurait été démantelé par les nouvelles générations espagnoles sans qu’importe le prix à payer en nombre de vies. Le régime stalinien n’aurait pas pu être éternel, comme l’a démontré la chute et le démantèlement de l’URSS. De même, si les nazis avaient gagné la IIe Guerre Mondiale, ils ne se seraient pas maintenus indéfiniment au pouvoir en Allemagne, le plus probable est qu’ils auraient fini par s’entretuer et la population aurait fini par se rebeller.

Nous pouvons voir un exemple du fait que les régimes violents ne se maintiennent pas à l’époque de la conquête espagnole avec Cortés. Lorsque Cortés arrive à Mexico, il trouve l’empereur en train de soumettre les comportements collectifs de la population au moyen de méthodes brutales, les populations indigènes sont asservies mais très proches de la rébellion, elles sont sur le point de se soulever contre cette imposition. Cortés est arrivé avec peu de soldats, il trouve cette situation de pré- rébellion et en profite, en soutenant les peuples soumis, il parvient à dominer l’empire aztèque (qui était très près de sa déstructuration). Cortès est resté dans l’histoire comme un génie militaire, alors que son talent fut véritablement politique... mais voilà comment les historiens voient les choses. Donc, si les espagnols n’étaient pas arrivés, les peuples asservis se seraient soulevés et cette culture aurait continué son processus. À cette époque le Pérou était en guerre civile.

- Pourquoi dans le développement historique se produisent ces déviations dans le processus des peuples ?

L’espèce humaine est une espèce récente, elle n’est pas là depuis longtemps ; de plus, son évolution ne se fait pas en ligne droite. Elle avance dans son développement en expérimentant des chemins, selon réussites et erreurs. Malgré tout ce qui s’est passé, Homo Sapiens n’a pas disparu de la surface de la planète, il est encore debout, et soyons sincères, depuis ses débuts, il s’est un peu amélioré. L’être humain n’est pas terminé, mais il est debout, se transformant, transformant sa nature... imagine-toi le futur : les expérimentations qu’il peut faire.

- Ceci éclaire comment évolue la conscience au niveau collectif. Mais que se passe-t-il avec l’évolution de la conscience au niveau individuel ?

Il se produit la même chose chez l’individu : il avance dans son développement en expérimentant des chemins et lui aussi, selon les réussites et les erreurs. L’individu peut toujours avancer s’il ne reste pas bloqué dans l’erreur. Si la conscience individuelle reste bloquée dans un recoin d’où elle ne peut sortir du système de contradiction, elle n’avance pas. Comme en plus la vie humaine est brève, ils ne doivent pas se permettre le luxe de rester arrêtés longtemps dans leurs problèmes. L’être humain doit mourir en avançant et selon ce qu’il croit. Il semble qu’il n’y a pas besoin de croire que la conscience individuelle est d’un mode déterminé, du fait qu’elle pourrait mourir, et que c’en est fini de tout. Aujourd’hui advient l’Être Humain. L’Être Humain apparaît.

- Que veux-tu dire avec : Aujourd’hui advient l’Être Humain ?

Durant ces derniers siècles, la vision positiviste a réduit l’Être Humain à un organisme, à un animal rationnel, à quelque chose qui naît, grandit, se qualifie, travaille, se reproduit, tombe malade et meurt. Tu vas à ton bureau et tu t’assois avec un collègue... Qu’est-ce que tu sens de l’autre ? Tu sens qu’il est né, qu’il a grandi, qu’il s’est qualifié, qu’il travaille avec toi, qu’il a des enfants, qu’il est malade ou qu’il pourrait tomber malade, et qu’il peut mourir ou que nécessairement il va mourir. Tout ceci que tu sens est la vision que le Système a de l’être humain : c’est un organisme qui naît, grandit, se qualifie, se reproduit, travaille, tombe malade et meurt.

L’Être Humain réel, celui qui va vers l’infini, celui qui découvre et manipule l’atome, celui qui transforme l’univers en bits, celui qui décode et peut manipuler le code génétique à sa guise et par là transformer encore plus sa nature, celui qui, quand on lui dit que la technique génère le chômage, est disposé à restructurer l’organisation sociale pour libérer l’homme du travail et lui permettre que la technologie continue son développement, celui qui se rebelle d’être considéré comme un animal rationnel qui naît, grandit, se reproduit, se qualifie, travaille, tombe malade et meurt, celui qui regarde son corps et le considère comme une antiquité primitive pour le développement de sa conscience, celui qui se rebelle face à la mort, cet Être Humain, que même la philosophie ne sait pas définir, ni la

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psychologie, ni les sciences sociales... cet Être Humain, l’être humain réel, celui-là, apparaît. Cet être humain va-t-il commettre des erreurs ? Bien sûr qu’il va commettre des erreurs, il ne pourrait en être autrement. Ce processus ne va pas s’arrêter, en aucune manière. Ainsi les forces antihumanistes essaient de freiner ces processus... mais ils vont se frayer un chemin. La conscience humaine va se libérer de beaucoup de chaînes qui la limitent aujourd’hui : le travail et les limitations du corps.

- Que peut-il se produire dans les prochaines années ?

Les systèmes créent le substrat de croyances de base auxquelles adhère le citoyen ordinaire. C’est depuis ce substrat de croyances fondamentales que le citoyen ordinaire pense et fait de la science, de la politique, de la culture et de l’économie. Un système primitif (comme celui qui existe) peut seulement engendrer un champ de croyances primitives, afin que le citoyen puisse y adhérer. Par exemple, le néolibéralisme est une production depuis un substrat primitif. L’analyse des phénomènes actuels est fondée sur une méthodologie propre de ce substrat, c’est-à-dire que tout est très réduit, très primitif, très limitant.

Le nouveau libéralisme va tomber (c’est difficile de le voir avec les outils des analyses propres au substrat de croyances de base) et pour nous, le problème n’est pas qu’il tombe mais tout le bordel social que pourrait engendrer le collapsus du système financier. Imagine : tout le système de production et de distribution d’aliments, tous les services publics bloqués, des millions de personnes dans les villes essayant d’en sortir, les débordements psychosociaux de tout type qu’il y aurait. Un collapsus du système sans quelque chose pour le remplacer ne serait utile en rien. Ce qui nous intéresse ce n’est pas seulement la chute du système mais son remplacement.

- Pour éviter un collapsus sans issue, nous avons besoin de prendre le pouvoir ?

C’est une option qui pour nous n’est pas très intéressante. Pour nous l’option intéressante est que les gens changent.

- Que veux-tu dire par « que les gens changent » ? Tu te souviens du Lion ailé :

« - En effet, Monsieur Ho, c’est ainsi. Personne sur cette Terre ne fera un quelconque effort, jusqu'à ce que l'on en ait fini avec la monstruosité qui admet qu'un seul être humain soit au-dessous des niveaux de vie dont nous profitons tous.

- Mais dites-moi, à quel moment est-ce que tout a commencé à changer ?... Quand nous sommes-nous rendu compte que nous existions et que, de ce fait, les autres existaient aussi ? En ce moment même, je sais que j'existe, quelle bêtise ! N'est-ce pas, Madame Walker ?

- Ce n'est pas une bêtise. J'existe, parce que vous existez et inversement. Voilà la réalité, tout le reste est stupide. Je crois que les jeunes gens du Comité de Défense du Système Nerveux Fragilisé se sont débrouillés pour mettre les choses au clair. En vérité, je ne sais pas comment ils ont fait, mais ils l'ont fait. Sinon, nous nous serions transformés en fourmis...

- C'est ainsi, vous avez raison. Toute l'organisation sociale, si on peut l'appeler ainsi, est en train de s'écrouler. Dans peu de temps, elle sera complètement désarticulée...

- Voyons, voyons, Madame Walker. Nous vivons un nouveau monde et il nous est encore un peu difficile de trouver des formes libres de communication personnelle.

- Me liriez-vous vos poèmes ? J'imagine qu'ils sont inefficaces, arbitraires et, surtout, réconfortants.

- En effet, Madame Walker, ils sont inefficaces et réconfortants. Je vous les lirai quand vous voudrez. Passez une

merveilleuse journée. »

Les personnes changent si leur appareil de croyances de base change. Rappelle-toi du géocentrisme, la Terre était le centre de l’univers, et c’était une époque où tout le monde était d’accord sur le fait que c’était comme ça. On croyait cela et on vivait comme cela.

Avec le passage du temps, tout cela s’est modifié : d’abord on dit que le soleil est le centre de l’univers ; puis cela s’éclaircit et l’on dit que le système solaire est un parmi de nombreux autres d’un système plus grand appelé galaxie ; plus tard, on explique plus encore et l’on dit que cette galaxie fait partie d’un système de galaxies et que, à son tour, ce système de galaxies n’est qu’un dans l’univers ; dernièrement, on explique qu’il y a plusieurs univers. Tout cela fait que les idées changent.


Aujourd’hui, il ne vient à l’idée de personne de dire que nous sommes le centre de l’univers, mais observons comment nous parlons : « le soleil se lève à... », « le soleil se couche à... », comme si nous étions au centre de l’univers.

Mais ce n’est pas tout : aujourd’hui, malgré les recherches qui parlent de systèmes solaires, de galaxies, d’ensembles de galaxies, d’univers et de plusieurs univers ; aujourd’hui, malgré l’évidence de l’immensité de l’univers, nous soutenons trois choses : la vie sur la Terre est la seule vie qu’il y a dans l’univers, la vie sur la Terre est la seule forme d’intelligence qu’il y a dans l’univers, et l’homo-sapiens est la seule forme de vie humaine. Nous continuons à soutenir que nous sommes la seule forme de vie, de vie intelligente, de vie humaine. Nous nous croyons uniques, tout l’univers est pour nous, nous sommes le centre de l’univers, c’est-à-dire que nous continuons à être géo-centristes. C’est une croyance de l’appareil de croyances fondamentales que nous n’avons pas encore modifiée.

Ce que nous observons aujourd’hui, c’est que l’être humain veut briser cette croyance fondamentale. On le remarque dans les efforts de la science et de la technologie, dans leur recherche interstellaire et dans leur recherche d’autres formes d’existence extraterrestre. On le voit dans le désir des gens qu’il y ait une vie extraterrestre. C’est tellement fort ce désir que des illusions collectives se produisent, avoir vu des ovnis est un thème qui se généralise. Les gens mettent tant de force à ce qu’il y ait une vie extra-terrestre que nous sommes sur le point que cela se produise. L’homo-sapiens s’efforce d’ouvrir son univers, pour aller au-delà de son appareil de croyances de base. Dans cette recherche, l’être humain va découvrir la conscience.

- Que veux-tu dire par « l’être humain va découvrir la conscience » ?

Depuis Descartes, on définit la conscience comme une chose, comme quelque chose avec une extension. De là, on considère la conscience comme un cas de plus de la matière en évolution, comme un viscère qui peut être manipulé au moyen de médicaments et de stimuli électriques. La conscience n’est pas un organisme passivo-réactif, c’est beaucoup plus que cela, c’est une structure évolutive intentionnelle. La dynamique réelle de la conscience est de se transformer, de transformer le corps et de transformer le monde.

Le fait que par le biais de la recherche astronomique on soit en train de découvrir que le monde ne se meut pas mécaniquement - comme on a voulu l’expliquer à travers la théorie du Big Bang - du choc mécanique dû au hasard, qui ensuite dérive, toujours sous l’effet du hasard, dans le processus évolutif que nous connaissons, mais qu’il y a des univers qui s’agglutinent et se meuvent selon une direction non mécanique, mais intentionnelle, c’est-à-dire que l’univers dans son développement a un sens ;

Le fait de mettre en évidence l’existence d’autres formes de vie intelligente dans l’univers, c’est-à-dire que nous ne sommes pas uniques ;

Le fait de comprendre que la conscience n’est pas quelque chose de mécanique et de réactif mais une structure évolutive intentionnelle ;

Le fait d’être sur le point d’accepter que le corps est une antiquité primitive qui ne correspond pas dans son développement à la vitesse de l’évolution de la conscience et de disposer de la connaissance et de la technologie pour le modifier ;

Le fait d’être proches de libérer l’homme de l’esclavage du travail...

...sont tous des signaux clairs que l’être humain cherche à se libérer de son appareil de croyances de base.

L’appareil de croyances de base va se déstructurer, à partir du moment où toutes ces choses seront mises en évidence : qu’il y a une intention dans l’univers, qu’il y a d’autres formes de vie intelligente, que la conscience individuelle est évolutive et intentionnelle, que le corps est une antiquité primitive susceptible d’être modifié, que ce qui convient est d’arrêter de travailler et de faire en sorte que ce soient les machines qui travaillent. L’être humain ne se ressent pas selon ses idées, il se ressent lui- même selon ses croyances. Avec la déstructuration de l’appareil de base des croyances de l’être

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humain, son image du monde se fissurera et par là-même, tout un nouveau système de possibilités de développement pour la conscience s’ouvrira.

Après les derniers cinquante ans de paralysie, la science et la pensée sont en train de se frayer un chemin à nouveau. L’être humain est sur le point de se transformer non seulement techniquement mais aussi dans sa conscience. Tout avance en structure. Imagine le futur : Une super civilisation humain, un monde où tous les êtres humains sont d’accord sur les prémices de base parmi lesquels chacun est une diversité ; nous ne parlons pas de diversité de cultures, nous parlons de diversité de personnes : c’est-à-dire : chaque personne est un monde. Ce qui normal dans l’évolution est la multiplicité, la diversité. S’il est vrai que l’évolution de la conscience suit une direction, il peut y avoir des milliers de chemins dans cette direction.

Pour comprendre les comportements de l’être humain de maintenant, les êtres humains du futur devront étudier à fond l’appareil de croyances de base de notre époque ; et alors ils ne diront pas que cet être humain-là s’est trompé dans son raisonnement mais qu’il percevait, analysait, raisonnait, prédisait, projetait et décidait depuis un système très primitif de raisonnement généré par un champ de croyances très pauvre.

La pensée de cette époque, depuis la perspective des humains du futur, sera une pensée primitive, limitée dans une ligne mentale très étroite depuis laquelle certains phénomènes n’étaient pas visibles, où il n’était pas possible de faire certaines mises en relation, ils ne pouvaient même pas prédire certaines conséquences. On dira même que cette absurde improvisation dans les décisions, dans les analyses et dans les prévisions correspondait à un comportement mental nihiliste, depuis lequel il était impossible de construire quoi que ce soit, et son recours fondamental d’action était l’imposition brutale de type physique, économique... On expliquera qu’ils étaient les vestiges de Cro-Magnon qu’on n’avait toujours pas résolus.

Aujourd’hui le pouvoir est dans les mains d’une bande de primitifs, ignorants et irresponsables, très brutaux. L’agissement stupide de ces primitifs crée des erreurs très sérieuses dans la construction sociale du monde qui génèrent un champ de catastrophe. Cette catastrophe pourrait se produire et cela retarderait le processus de développement humain. Comme la conscience humaine est intentionnelle, les visions apocalyptiques d’entropies, de collapsus, de catastrophes (vision nihiliste) ne sont pas inexorables. L’être humain du futur ne va pas vouloir gagner et posséder des choses ; il va vouloir sentir, créer, construire, apprendre sans limite. Il ne va pas vouloir posséder, avoir, contrôler ; cet humain comprendra qu’il y a des millions de façons de développer l’émotion et la pensée, qu’il y a une diversité inimaginable de façons de sentir et de penser. À l’heure actuelle, la vision de l’être humain est très comportementale et très réduite, mais dans le futur, tout ira bien, tout ira où cela doit aller.

2023/11/01

La signification évolutive du développement spirituel

John E. Stewart
Academia.Edu

La capacité d'adaptation est d'une importance capitale dans le processus d'évolution. C'est grâce à l'adaptation que les organismes sont capables de survivre dans des environnements changeants, de mieux s'adapter à leur environnement existant ou de s'étendre à de nouveaux environnements. En général, on peut s'attendre à ce que les organismes qui s'adaptent mieux réussissent mieux en termes d'évolution. Une amélioration importante de la capacité d'adaptation constitue un progrès évolutif majeur.
L'homme est l'organisme le plus adaptable vivant sur cette planète. Nous utilisons les progrès rapides de la science et de la technologie pour survivre et satisfaire nos objectifs d'adaptation dans un large éventail d'environnements. Quel que soit le problème d'adaptation auquel nous nous attaquons, nous pouvons généralement trouver une solution. Nous nous sommes révélés beaucoup plus adaptables que les organismes qui évoluent par le biais de l'évolution génétique. Il a fallu des millions d'années à l'évolution génétique pour découvrir comment produire des reptiles capables de voler, alors que l'homme a développé la technologie nécessaire pour y parvenir en quelques milliers d'années. Les améliorations adaptatives massives observées dans les capacités humaines au cours des derniers siècles sont bien plus importantes que ce que l'évolution génétique aurait pu réaliser sur des centaines de millions d'années.

Quels que soient nos désirs, quels que soient nos besoins, nous sommes très efficaces pour trouver des moyens de manipuler notre environnement afin de les réaliser. En revanche, nous sommes très peu doués pour réaliser ce que nous ne voulons pas. Nous n'utilisons pas notre créativité pour trouver de meilleurs moyens de réaliser ce qui ne nous motive pas. En termes d'évolution, il s'agit là de la principale limite à la capacité d'adaptation de l'homme.
En général, nous ne voyons pas cela comme une limitation. Elle ne nous empêche pas de faire ce que nous voulons. Elle ne nous empêche pas de vivre une vie heureuse et épanouie. Nous ne nous sentons pas limités parce que nous n'avons pas envie de faire ce que nous n'avons pas envie de faire. Si nous évaluons notre capacité d'adaptation en nous demandant si elle nous permet de satisfaire nos besoins et nos désirs, nous continuons à nous considérer comme très adaptables.
Mais si nous mesurons notre capacité d'adaptation en termes d'évolution, nous arrivons à une conclusion très différente. Et si la poursuite de notre succès évolutif exigeait que nous nous adaptions d'une manière qui entre en conflit avec la satisfaction de nos besoins et de nos désirs existants ? Que se passe-t-il si nos motivations et nos besoins actuels ne produisent pas les comportements qui sont les meilleurs du point de vue de l'évolution ? Ces types de conflits entre nos besoins et ceux de l'évolution semblent très probables au cours de notre évolution future. Il est improbable que les besoins et les désirs implantés en nous par notre passé évolutif produisent le comportement qui est également optimal pour notre avenir. Cela signifie que notre capacité d'adaptation est sérieusement limitée en termes d'évolution.

Il existe un large éventail de comportements, de modes de vie et de technologies dont nous ne voudrions pas compte tenu de nos besoins et motivations actuels. Pourtant, ils pourraient s'avérer d'une importance cruciale pour la réussite de l'évolution à l'avenir. Nous avons un très grand angle mort dans l'évolution. Nous ne sommes pas motivés pour explorer une immense variété de possibilités adaptatives, quelle que soit leur utilité en termes d'évolution. Tant que nous n'aurons pas surmonté cette limitation, nous continuerons à utiliser le génie génétique, l'intelligence artificielle et d'autres avancées technologiques pour satisfaire nos besoins et conditionnements évolutifs passés, plutôt que pour atteindre le succès évolutif futur.

Si nous voulons réussir en termes d'évolution à l'avenir, nous devrons surmonter cette limite adaptative. Nous devrons être capables de faire tout ce qu'il faut pour réussir à l'avenir. L'humanité devra se libérer des besoins et des désirs installés en nous par notre passé biologique et culturel. Pour ce faire, nous devrons nous développer selon des méthodes traditionnellement qualifiées de spirituelles. L'humanité devra adopter largement les pratiques actuellement associées au développement spirituel si nous voulons continuer à réussir en termes d'évolution.

Pour mieux comprendre comment l'adaptabilité humaine devrait évoluer à l'avenir, il est utile de voir comment l'adaptabilité s'est améliorée au cours de l'évolution passée de la vie sur Terre. Cela nous permettra de situer le niveau actuel d'adaptabilité humaine dans une longue séquence d'améliorations évolutives. Nous verrons comment notre niveau actuel a dépassé les capacités antérieures, mais comment il est également limité. Cela nous aidera à identifier les nouvelles capacités que nous devrions développer si nous voulons dépasser ces limites. Cela permettra d'identifier les nouvelles compétences et capacités psychologiques dont nous avons besoin pour surmonter nos déficiences actuelles.
Il existe un certain nombre de mécanismes bien distincts qui adaptent les organismes de notre planète1. L'un des premiers à apparaître a été la sélection naturelle basée sur les gènes. Grâce à ce mécanisme, les organismes produisent des descendants qui diffèrent génétiquement les uns des autres et de leurs parents. La différence génétique peut entraîner un changement au sein de l'organisme qui en est porteur. Cette caractéristique modifiée peut à son tour rendre l'individu plus performant et lui permettre d'avoir un plus grand nombre de descendants survivants. Si c'est le cas, la proportion d'individus porteurs de la différence génétique augmentera et la différence génétique se répandra dans la population. La population sera mieux adaptée, ayant acquis une caractéristique améliorée. La sélection naturelle basée sur les gènes découvre les adaptations en testant les changements parmi les descendants.
Mais la sélection naturelle fondée sur les gènes n'opère qu'à travers les générations. Elle n'adapte pas les organismes individuels au cours de leur vie. Elle est incapable de découvrir de nouvelles adaptations en essayant des changements au sein de l'individu pendant sa vie. Il est évident qu'un mécanisme adaptatif capable de le faire aurait un avantage significatif en termes d'évolution. Il pourrait découvrir et mettre en œuvre des adaptations améliorées en permanence au sein des individus, bien avant que l'évolution génétique n'en soit capable.

De manière quelque peu ironique, les mécanismes adaptatifs qui opèrent au sein des organismes au cours de leur vie ont été découverts et établis par l'évolution génétique. L'évolution génétique a mis au point des mécanismes adaptatifs supérieurs qui pourraient la remplacer, du moins chez l'homme. Les premiers mécanismes adaptatifs établis par l'évolution génétique ont recherché une meilleure adaptation en essayant des changements au sein de l'organisme, en procédant par essais et erreurs. Mais comment les systèmes de l'organisme pouvaient-ils savoir si un changement particulier avait amélioré l'adaptation de l'organisme ? Il s'agissait là d'un défi majeur pour l'évolution génétique : il fallait doter l'organisme d'un moyen d'identifier les changements internes bénéfiques en termes d'évolution.
Ce défi était plus facile à relever dans le cas de changements qui produisaient une amélioration immédiate du fonctionnement de l'organisme. L'efficacité d'un changement pouvait être jugée en fonction de ses effets immédiats au sein de l'organisme. Par exemple, les modifications de la quantité d'oxygène fournie à un tissu pouvaient être évaluées en fonction de leur effet sur le taux métabolique du tissu.
Le défi ne pourrait pas être relevé aussi facilement pour les changements susceptibles de produire un avantage évolutif à plus long terme, sans effets bénéfiques immédiats sur l'organisme. Les comportements qui conduisent à la reproduction sexuelle en sont un bon exemple. Ces comportements n'ont pas de retombées immédiates pour l'organisme. Ils n'améliorent pas son fonctionnement et peuvent même l'entraver. Comment l'évolution a-t-elle pu adapter les organismes de manière à ce qu'ils mettent en œuvre des changements de comportement qui conduisent à une reproduction réussie, et à ce qu'ils rejettent les comportements qui n'y conduisent pas ?

La réponse découverte par l'évolution génétique a consisté à doter les organismes d'un système de récompense interne. Ce système récompense intérieurement les individus lorsqu'ils adoptent des comportements bénéfiques en termes d'évolution, et les punit dans le cas contraire. Nous ressentons ces récompenses internes sous la forme de divers types de sentiments, de motivations et d'émotions attrayants. Les habitudes et les modèles de comportement qu'un organisme adopte sont ceux qui sont renforcés positivement par son système de récompense interne. Son comportement et son mode de vie sont façonnés par les objectifs fixés par ses motivations et ses émotions.
Les récompenses et les punitions internes agissent comme des indicateurs du succès de l'évolution. L'évolution génétique règle le système de motivations et d'émotions de telle sorte que lorsqu'un organisme recherche ses récompenses internes, il agit d'une manière qui conduit au succès de l'évolution. Les motivations et les émotions d'un organisme l'incitent à découvrir et à mettre en œuvre des adaptations qui sont bénéfiques en termes d'évolution. Si les circonstances changent et qu'un comportement particulier n'est plus optimal en termes d'évolution, l'évolution génétique modifiera le système de récompense interne de sorte que le comportement ne soit plus renforcé. L'évolution génétique adapte le système de récompense interne de manière à ce que les objectifs de l'organisme continuent d'être alignés sur le succès de l'évolution.
L'apprentissage et l'imitation constituent d'autres développements importants dans l'évolution des mécanismes adaptatifs au sein des organismes. Une fois qu'un organisme a découvert par essai-erreur qu'un changement particulier était utile dans des circonstances particulières, l'apprentissage lui permet de mettre en œuvre ce changement adaptatif chaque fois que ces circonstances se présentent à nouveau. Quant à l'imitation, elle permet à un organisme d'adopter un changement adaptatif découvert par un autre individu, sans avoir à le découvrir lui-même. Ces deux améliorations ont réduit la quantité d'essais et d'erreurs que les organismes devaient utiliser pour s'adapter.

Mais l'avancée la plus significative et la plus profonde en matière d'adaptabilité est intervenue avec le développement d'une capacité de modélisation mentale2. Cette capacité nous est très familière et c'est chez l'homme qu'elle est la plus développée. Nous utilisons la pensée et d'autres représentations mentales pour modéliser les effets de notre comportement sur notre environnement. Ainsi, au lieu de devoir essayer des actions alternatives dans la pratique, les humains peuvent utiliser des modèles mentaux pour prédire leurs effets. Nous pouvons essayer mentalement les adaptations possibles. Cela réduit considérablement le besoin d'essais et d'erreurs coûteux dans la recherche d'un comportement adaptatif et nous permet de prendre en compte les conséquences futures (prédites) de nos actions.
Notre capacité à tester mentalement des comportements alternatifs est à la base de notre capacité à planifier, à imaginer des alternatives, à inventer et à adapter des technologies, à construire des structures telles que des maisons et des routes, à modifier radicalement notre environnement externe pour atteindre nos objectifs adaptatifs, à établir des objectifs à long terme, à imaginer comment nous pourrions changer le monde, à élaborer des plans stratégiques, à concevoir des projets et à entreprendre des activités qui ne porteront leurs fruits que dans le futur (telles que planter des cultures et nourrir des animaux).

L'acquisition du langage a constitué une étape cruciale dans notre capacité à construire des modèles mentaux. Le langage et les formes de communication associées ont permis aux humains de partager les connaissances utilisées pour construire des modèles. La communication a permis à tous les membres d'une société d'acquérir et d'utiliser les connaissances découvertes par un individu. Elle a également permis d'accumuler des connaissances au fil des générations. L'accumulation progressive des connaissances a permis à l'homme de modéliser un plus grand nombre d'interactions avec son environnement et de prédire les conséquences de ses actions sur de plus grandes échelles d'espace et de temps. Cela nous a permis de découvrir des moyens plus efficaces d'atteindre nos objectifs adaptatifs et d'obtenir un renforcement positif de nos systèmes de récompense internes.
Notre capacité à construire et à manipuler des modèles s'est également améliorée au fur et à mesure que nous avons appris à augmenter nos capacités mentales à l'aide d'artefacts externes tels que le papier et le crayon, les livres, les appareils d'enregistrement, les ordinateurs et d'autres formes d'intelligence artificielle. On peut s'attendre à ce que notre capacité d'adaptation mentale

On peut s'attendre à ce que notre capacité d'adaptation mentale continue à s'améliorer à mesure que l'humanité accumule davantage de connaissances sur la façon dont le monde extérieur réagit à nos interventions et que l'intelligence artificielle se développe.
Le potentiel évolutif de la modélisation mentale est évident. Une fois que les organismes auront accumulé suffisamment de connaissances, leur modélisation sera souvent supérieure au système de récompense interne pour identifier les adaptations qui sont les meilleures en termes d'évolution. Les organismes n'auront plus à être guidés vers le succès évolutif uniquement par un système de motivations et d'émotions. Au lieu de cela, les organismes pourraient utiliser la modélisation mentale pour identifier et mettre en œuvre les actions qui leur permettraient de survivre et de prospérer à l'avenir.

Les modèles mentaux ont le potentiel d'être bien supérieurs au système de récompense interne établi par l'évolution génétique dans le passé des organismes.
par l'évolution génétique dans le passé évolutif des organismes. Les motivations et les volitions (morales
ou autres) qui ont été favorisées par la sélection darwinienne dans leur passé évolutif ont très peu de chances d'être optimales pour leur survie au cours du prochain million d'années. Et au fur et à mesure que les circonstances évoluent, les valeurs et les motivations optimales sont susceptibles de changer à plusieurs reprises.
Mais la modélisation mentale n'est pas en mesure de réaliser son énorme potentiel d'adaptation lorsqu'elle apparaît pour la première fois. Au départ, elle n'a pas la capacité de prendre en charge l'adaptation de l'organisme. Elle n'a pas accumulé les connaissances et les informations détaillées nécessaires pour prédire les conséquences futures d'un large éventail d'actions alternatives. Par conséquent, la modélisation sera moins efficace que les systèmes de motivation et de récompense préexistants pour découvrir les meilleures adaptations.
Cependant, la modélisation mentale présente des avantages immédiats. Elle permet à l'organisme de trouver de meilleurs moyens d'atteindre ses récompenses et motivations internes. L'organisme peut utiliser des modèles mentaux pour identifier les comportements qui permettront d'obtenir des résultats produisant des états internes souhaitables. Au départ, la modélisation mentale ne permet pas d'établir ou de modifier les objectifs adaptatifs de l'organisme - elle commence par être au service des systèmes de motivation et de récompense préexistants.

Il est facile de situer l'humanité dans cette séquence évolutive3. Les humains ne sont pas encore des organismes qui utilisent la modélisation mentale pour s'adapter de toutes les manières nécessaires au succès futur de l'évolution. Nous sommes encore des organismes qui passent leur vie à rechercher des substituts de réussite évolutive comme des fins en soi. Nous utilisons notre modélisation mentale pour déterminer comment atteindre les objectifs fixés par notre système interne de récompense et de motivation - des objectifs dont nous avons été dotés par la sélection naturelle et qui ont été modifiés dans une certaine mesure par le conditionnement au cours de notre éducation. Nous utilisons l'énorme pouvoir de la modélisation mentale pour voir comment nous pouvons agir sur le monde afin de produire des états psychologiques souhaitables et d'éviter les états désagréables. Pour la plupart d'entre nous, cela signifie utiliser la modélisation pour rechercher le sexe, la richesse, la popularité, des relations satisfaisantes, le statut social, le pouvoir, le sentiment d'être unique, etc. Et nous passons notre vie à essayer d'éviter les états psychologiques indésirables tels que ceux associés au stress, à la culpabilité, à la dépression, à la solitude, à la faim et à la honte.
Mais lorsque nos intérêts évolutifs entrent en conflit avec ces motivations et ces réactions émotionnelles, nos intérêts évolutifs sont perdants. Nous n'avons pas encore développé une capacité globale à nous libérer des diktats de notre passé biologique et social. Nous ne pouvons pas adapter ou modifier à volonté nos goûts et nos dégoûts, nos réactions émotionnelles, nos motivations, ce qui nous procure du plaisir ou du déplaisir, nos habitudes ou nos traits de personnalité (par exemple, nous ne pouvons pas passer d'extraverti à introverti à volonté). Peu d'entre nous sont capables de "tendre l'autre joue" sans effort, même lorsque nous voyons mentalement qu'il est dans notre intérêt de le faire. Il en est ainsi que ces prédispositions soient largement héritées ou qu'elles soient le produit d'une expérience individuelle au cours de notre éducation.
En conséquence, la capacité d'adaptation évolutive de l'humanité est sérieusement limitée. Nous n'utilisons pas l'immense capacité de modélisation mentale pour poursuivre des objectifs évolutifs. Il existe des adaptations qui sont Nous pouvons constater qu'elles sont supérieures en termes d'évolution, mais nous ne les mettons pas en œuvre. Au lieu de cela, nous passons notre vie à courir après le renforcement positif de notre système de récompense interne. Si l'humanité veut réaliser le plein potentiel évolutif de la modélisation mentale, nous devrons nous libérer de notre passé biologique et culturel.
L'homme peut-il développer une telle capacité psychologique ? Ou bien notre capacité d'adaptation sera-t-elle toujours limitée par les prédispositions résultant de notre histoire évolutive ? Serons-nous capables de nous adapter uniquement dans les directions actuellement récompensées par notre système de récompense interne, sans tenir compte de ce qui est le mieux pour notre avenir évolutif ? Ou pouvons-nous développer la capacité d'évoluer à contre-courant de notre histoire et de notre conditionnement, et de nous adapter de la manière qui nous permettra de réussir notre évolution future ?
La psychologie scientifique moderne n'a pas encore réussi à comprendre comment nous pouvons développer une capacité psychologique dans ce sens. Jusqu'à présent, elle s'est concentrée sur la compréhension du fonctionnement actuel de notre psychologie et sur la manière dont les pathologies peuvent être corrigées. Elle n'a pas grand-chose à dire sur notre potentiel de développement psychologique futur.

Mais les humains ont accumulé un vaste ensemble de connaissances et de pratiques sur la manière de développer ces nouvelles capacités psychologiques. Ces connaissances s'incarnent dans des systèmes religieux et spirituels. Bien que certains systèmes soient plus explicites que d'autres à ce sujet, et que certains aient un certain nombre d'autres objectifs de développement spirituel, les principaux systèmes religieux du monde prônent tous le développement d'une capacité à se libérer de réponses émotionnelles, de désirs et de motivations particuliers. En outre, tous les systèmes contiennent des méthodologies et des pratiques qui peuvent aider au développement d'une telle capacité.
Bien que les systèmes religieux utilisent une terminologie très différente pour décrire leurs pratiques et leurs croyances, il est possible d'identifier une approche largement commune du développement spirituel. La plupart des pratiques visent à favoriser l'émergence d'un nouveau moi qui se situe en dehors des états émotionnels, des pensées et des sensations de l'individu. Ce nouveau moi observateur n'est pas lié au flux des pensées et des sentiments et les considère comme des objets d'attention. L'individu fait l'expérience de lui-même en tant que nouveau moi observateur, séparé de ses pensées, de ses sentiments et de ses sensations, et capable de les traiter comme des objets qui peuvent être gérés et modifiés4. Ce qui faisait autrefois partie du sujet devient un objet en relation avec le nouveau moi, et peut être géré et contrôlé par lui5.

Cela contraste avec l'expérience de l'individu avant le développement d'un nouveau moi observateur. Auparavant, l'individu avait tendance à être absorbé et à s'identifier à ses réactions émotionnelles et à ses pensées, il n'était pas conscient d'être séparé d'elles et ne pouvait pas facilement choisir d'être influencé par elles. L'individu se vit comme ses motivations et ses pensées, et se définit à travers elles et à travers les traits de personnalité et les modèles de comportement qui en découlent.
Le nouveau moi reçoit une grande variété de noms dans divers systèmes religieux et philosophiques. Certains aspects du nouveau moi sont désignés comme le témoin silencieux, le vrai moi, l'esprit de Bouddha, le Seigneur, l'observateur, l'âme, l'atman, le maître, la conscience du Christ, le "moi" observateur, un métasystème émergent6 et le moi supérieur.
Les systèmes religieux encouragent généralement l'émergence du nouveau moi par des pratiques qui séparent l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. La partie observatrice est le précurseur du nouveau moi. Ces pratiques consistent généralement à tourner l'attention et la conscience vers l'intérieur et à les diriger vers le contenu mental - les sensations, les émotions, les motivations, les images mentales et les pensées qui surgissent dans l'esprit. Par exemple, de nombreux systèmes religieux exigent L'enseignement de l'anglais, de l'espagnol et de l'espagnol langue étrangère permet aux adeptes de lutter contre les dictats de leurs désirs et de leurs impulsions "inférieurs". Ce faisant, ils dirigent leur attention vers l'intérieur, font de ces états mentaux des objets d'attention et commencent à séparer l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. Le fait de mener une guerre interne contre les désirs et les impulsions contribuera au développement d'un nouveau moi qui se tient en dehors d'eux et n'est plus identifié à eux.
D'autres pratiques favorisent également la séparation de l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. La méditation consiste généralement à tourner l'attention vers l'intérieur et à faire des pensées et des états émotionnels des objets d'attention7. De même, les pratiques de pleine conscience du bouddhisme et l'auto-observation8 de Gurdjieff favorisent le développement du nouveau moi observateur au cours de la vie ordinaire. Ces pratiques concentrent l'attention sur les sensations physiques, les émotions, les images mentales et les pensées qui surgissent au cours des activités et des interactions quotidiennes. Toutes ces techniques mettent l'accent sur le fait que l'observation de soi doit être passive et sans jugement. Cela permet de s'assurer que le nouveau moi observateur ne s'identifie pas ou ne s'absorbe pas dans les contenus mentaux au fur et à mesure qu'ils apparaissent.

Un certain nombre de pratiques aident le moi observateur à rester séparé des contenus mentaux. Certaines d'entre elles ont pour effet d'atténuer l'activité mentale et de réduire l'incidence des expériences émotionnelles intenses. Il est ainsi plus facile pour le nouveau moi de se tenir à l'écart du flux des contenus mentaux sans être absorbé et identifié avec eux. Les pratiques qui éloignent les individus des pressions de la vie normale, telles que les retraites, la vie monastique, l'ascétisme et les pèlerinages, en sont des exemples. De nombreux systèmes ont également découvert que la méditation est une méthode efficace pour tranquilliser l'activité mentale, et que la prière et la dévotion peuvent avoir des effets similaires. La plupart des systèmes insistent sur le fait que des efforts répétés et une grande vigilance sont nécessaires pour maintenir la séparation - l'individu aura tendance à retomber dans l'identification avec ses pensées et ses états émotionnels, et il lui sera très difficile de rester à l'extérieur et de les observer pendant de longues périodes.
Ces pratiques développent également la capacité de l'individu à disposer volontairement de son attention et à briser le contrôle de l'attention par les états émotionnels. Les pratiques dévotionnelles renforcent également cette capacité - elles exigent de l'individu qu'il ramène continuellement son attention sur l'objet de sa dévotion et qu'il l'éloigne des distractions.
Le nouveau moi qui peut être développé grâce à ces pratiques est relativement libre des objectifs adaptatifs du système de récompense interne. Une fois que le nouveau moi émergent peut rester fonctionnellement séparé des motivations et des impulsions émotionnelles, il peut décider de se laisser influencer ou non par elles. Au lieu de "suivre" ces impulsions au fur et à mesure qu'elles se présentent, il peut décider de ne pas agir en conséquence. Cette séparation fonctionnelle permet également au nouveau moi de contrôler la disposition de l'attention. Le nouveau moi peut diriger son attention et son énergie uniquement vers des activités qui servent ses objectifs.

Au fur et à mesure que le moi observateur accumule des connaissances sur le fonctionnement du système motivationnel et émotionnel, il améliore sa capacité à les gérer. L'individu apprend à modifier les objectifs de son système de récompense interne et est alors capable de les aligner sur les buts et objectifs de son choix. En conséquence, elle peut trouver la motivation et la satisfaction émotionnelle dans les activités qui servent ses buts et ses objectifs. Par exemple, si un individu choisit de poursuivre le succès évolutif comme but ultime, il sera en mesure d'aligner son système de récompense interne sur les objectifs évolutifs9.
La métaphore d'une voiture (ou d'un char) tirée par des chevaux a été utilisée par un certain nombre de systèmes religieux et philosophiques pour représenter la psychologie d'une personne qui a développé ces capacités10. En général, le conducteur est l'intellect, les chevaux les émotions, l'attelage le corps, et le maître de l'attelage (ou seigneur du char) est le nouveau moi. Le maître coordonne les actions des différentes composantes afin qu'elles coopèrent ensemble pour servir les objectifs et les buts fixés par le maître. Il est important de noter que cette métaphore souligne que le nouveau moi ne réprime pas, ne supplante pas et ne prend pas en charge les fonctions des émotions et du corps. Un moi supérieur compétent, à l'instar d'un directeur compétent d'une entreprise moderne ou d'un chef d'orchestre, travaille avec les capacités spéciales des éléments qu'il gère et en fait le meilleur usage.

Pourquoi les religions ont-elles développé ce vaste ensemble de connaissances et de pratiques visant à libérer les êtres humains des exigences de leurs systèmes motivationnels et émotionnels ? L'une des principales raisons est que les religions encouragent généralement l'adhésion à des systèmes éthiques qui entrent en conflit avec les impératifs de notre système de récompense interne. Les religions ont appris qu'il faut bien plus qu'un engagement intellectuel à l'égard d'un système éthique pour qu'un individu soit capable de le mettre en œuvre. La raison ne contrôle pas les passions tant que l'individu n'a pas développé une nouvelle structure psychologique capable de gérer son système de récompense interne.
Une autre raison de l'intérêt profond des religions pour ce domaine est l'intuition que seul un moi qui a transcendé les impulsions émotionnelles peut concevoir de vivre au-delà du corps. Un moi lié à des désirs corporels et à des réponses émotionnelles mourra certainement lorsque le corps qui les a engendrés mourra. Un certain nombre de traditions religieuses qui adoptent cette position croient également que le point final du développement spirituel est la fusion de ce moi transcendant avec l'absolu (par exemple Dieu).

Bien entendu, la grande majorité des membres des religions ne développent pas un moi supérieur. La plupart n'adoptent pas intégralement les pratiques prescrites par leur religion, et peu comprennent les pratiques et les croyances dans les termes décrits ici. Très peu de chrétiens développent la capacité de tendre sans effort l'autre joue au sens plein de cette métaphore. Si les pratiques de développement spirituel doivent réussir à transformer la psychologie de l'humanité en général, elles devront être améliorées et développées. La meilleure façon d'y parvenir est d'étudier ces pratiques dans le cadre de la psychologie scientifique moderne et de les y intégrer. Si les pratiques spirituelles sont soumises à l'examen sceptique et aux tests rigoureux de la science moderne, les pratiques et les croyances fondées sur des faits pourront être séparées de celles qui reposent sur des suppositions et un mysticisme sans fondement. Les techniques puissantes et les ressources étendues de la science moderne pourraient être utilisées pour découvrir des pratiques nouvelles et meilleures. Ce processus poursuivrait l'expansion progressive de la science dans de nouveaux domaines, qui a eu lieu tout au long de son histoire relativement jeune. La science s'est développée en incorporant et en développant des corpus de connaissances qui, à l'origine, n'étaient pas systématiques et étaient truffés de contradictions et de savoirs populaires.

Tant que nous, les humains, n'aurons pas développé la capacité de nous libérer de notre passé biologique et culturel, notre capacité d'adaptation évolutive sera sérieusement limitée. Nous n'utiliserons pas l'énorme potentiel de la modélisation mentale pour identifier et mettre en œuvre les actions qui contribueront le plus au succès évolutif de l'humanité. Au lieu d'utiliser nos avancées technologiques et nos ressources économiques à des fins évolutives, nous continuerons à les utiliser uniquement pour répondre aux besoins et aux désirs établis par notre passé évolutif et notre conditionnement. L'humanité continuera à passer son temps sur cette planète à se masturber sur des désirs de l'âge de pierre, n'allant nulle part en termes d'évolution.
En revanche, nous pourrions améliorer considérablement notre capacité d'adaptation évolutive en nous libérant des diktats de notre passé biologique et culturel. Nous pourrions développer la capacité d'aligner notre système de récompense et de motivation interne sur les objectifs de l'évolution. Cela nous permettrait de trouver satisfaction et motivation dans les adaptations qui servent ces objectifs. Grâce à cette capacité, nous pourrions choisir de mettre en œuvre les actions qui favoriseraient la réussite évolutive de l'humanité, et nous y trouverions satisfaction et motivation. Cela nous permettrait d'utiliser l'immense pouvoir de la modélisation mentale pour poursuivre des objectifs évolutifs, plutôt que de continuer à rechercher aveuglément des approximations dépassées et inexactes du succès évolutif comme s'il s'agissait d'une fin en soi.

Si nous réussissons cette transition, les humains deviendront des êtres auto-évolutifs, capables de s'adapter dans toutes les directions nécessaires au succès futur de l'évolution, sans être entravés par notre passé biologique ou par nos expériences de vie antérieures. À mesure que nous nous déplaçons dans le système solaire, la galaxie et l'univers, nous pourrions modifier nos objectifs et nos comportements adaptatifs en fonction des défis que nous rencontrons. Nous pourrions nous recréer continuellement, changer de nature humaine à volonté, sacrifier sans cesse ce que nous sommes pour ce que nous pouvons devenir, mourir et renaître continuellement.
1 Pour une discussion plus détaillée de l'évolution de ces mécanismes, voir Dennett, D. C. (1995), Darwin's Dangerous Idea (New York : Simon and Schuster).
2 L'importance évolutive de la modélisation mentale a été clairement reconnue pour la première fois par Popper, K. R. (1972), Objective knowledge - an evolutionary approach (Oxford : Clarendon).
3 Pour une discussion plus complète, voir Stewart, J. E. (2000), Evolution's Arrow (Rivett : Chapman Press) [en ligne à l'adresse http://www4.tpg.com.au/users/jes999/ ].
4 Pour en savoir plus sur la relation entre le nouveau moi et les contenus mentaux, voir Nicol, M. (1980b),
The Four Bodies of man", dans Psychological Commentaries on the Teachings of Gurdjieff and Ouspensky (Londres : Watkins) 1, pp. 218-35.
5 Ce point est très bien expliqué par Keegan, R. (1994), In over our heads - the mental demands of modern life (Cambridge : Harvard University Press).

6 Voir Heylighen, F. (1991), "Cognitive Levels of Evolution : from pre-rational to meta-rational", in The Cybernetics of Complex Systems - Self-organisation, Evolution and Social Change, F. Geyer Ed. (Salinas, California : Intersystems) pp.75-91.
7 Par exemple, voir Goleman, D. (1988), The meditative mind - the varieties of meditative experience (New York : G. P. Putnam's Sons).
8 Pour plus d'informations sur l'auto-observation, voir Nicol, M. (1980c), "Commentary on Self-Observation and 'I's'", in Psychological Commentaries on the Teachings of Gurdjieff and Ouspensky (Londres : Watkins) 1, pp. 302-17.
9 Cette notion est développée plus en détail dans Stewart, J. E. (2001), "Future psychological evolution", Dynamical Psychology [en ligne sur http://www.goertzel.org/dynapsyc/ ].
10 Par exemple, voir la Katha Upanishad, le Phèdre de Platon et les contes de Belzébuth à son petit-fils de Gurdjieff.