2016/08/04

L'accès aux niveaux profonds


Source: Silo: Psychologie IV

La substitution du moi par une force, un esprit, un dieu ou la personnalité d'un envoûteur ou d'un hypnotiseur fut chose courante dans l'histoire. Le fait de suspendre le moi en évitant toute substitution, est également bien connu, quoique moins courant, notamment dans un certain type de yoga et dans quelques pratiques mystiques avancées. Cela dit, si quelqu'un pouvait suspendre et ensuite faire disparaître le moi, il perdrait tout contrôle structurel de la temporalité et de la spacialité de ses processus mentaux. Il se retrouverait dans une situation antérieure à celle de l'apprentissage de ses premiers pas dans la petite enfance. Ses mécanismes de conscience ne seraient plus en communication ni coordonnés. Il ne pourrait faire appel à sa mémoire. Il ne pourrait se mettre en relation avec le monde ni ne pourrait avancer dans son apprentissage. Nous ne serions pas simplement en présence d'un moi dissocié sous certains aspects, comme c'est le cas dans certains déréglements mentaux, mais nous serions face à quelqu'un dans un état semblable au sommeil végétatif. Par conséquent, ces sottises relatives à "la suppression du moi" ou à "la suppression de l'ego" ne sont pas possibles dans la vie quotidienne. Il est toutefois possible de parvenir à la situation mentale de suppression du moi, non pas dans la vie quotidienne mais dans des conditions déterminées qui partent de la suspension du moi.
L'entrée dans les états profonds se produit depuis la suspension du moi. Depuis cette suspension, des registres significatifs de "conscience lucide" et de compréhension de ses propres limitations mentales se produisent, ce qui constitue déjà une grande avancée. Dans ce passage, on doit tenir compte de certaines conditions incontournables :
1 – Que le pratiquant ait précisé clairement sa Finalité, ce qu’il désire obtenir comme objectif final de son travail.
2 – Qu'il dispose de d'énergie psychophysique en quantité suffisante pour maintenir son attention immergée en soi et concentrée sur la suspension du moi.
3 – Qu'il puisse continuer sans solution de continuité dans l'approfondissement de l'état de suspension jusqu'à ce que les références spatio-temporelles disparaissent.
La Finalité correspond à la direction de tout le processus mais sans que cela occupe tout le centre attentionnel. C’est à dire que la Finalité doit être gravée avec suffisamment de charge affective pour opérer de façon coprésente tandis que l'attention est occupée dans la suspension du moi et dans les pas suivants. Cette préparation conditionne tout le travail postérieur. Quant à l'énergie psychophysique nécessaire pour le maintien de l'attention dans un niveau intéressant de concentration, la principale impulsion provient de l'intérêt qui fait partie de la Finalité. Si l'on constate un manque de puissance ou de permanence, il faudra réviser la préparation qui a été faite de la Finalité. On a besoin d'une conscience débarrassée de fatigue et d’une éducation minimum à la concentration attentionnelle sur un seul objet. Continuer dans l'approfondissement de la suspension jusqu'à parvenir au registre de "vide" signifie que rien ne doit apparaître comme représentation, ni comme registre de sensations internes. Il ne peut, ni ne doit y avoir de registre de cette situation mentale. La position ou les incommodités du corps déclencheront des impulsions qui produiront le retour à la situation mentale de suspension ou à la veille habituelle.
On ne peut rien dire de ce "vide". La récupération des significations inspiratrices, des sens profonds qui sont au-delà des mécanismes et des configurations de conscience, est réalisée depuis le moi quand celui-ci reprend son travail normal de veille. Nous parlons de "traductions" d'impulsions profondes, impulsions qui arrivent à mon intracorps durant le sommeil profond, ou d'impulsions qui parviennent à ma conscience dans une sorte de perception différente de celles connues au moment du "retour" à la veille normale. Nous ne pouvons pas parler de ce monde parce que nous n'avons pas de registre durant l'élimination du moi ; nous disposons seulement des "réminiscences" de ce monde, ainsi que Platon nous le commente dans ses mythes.

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