I. La méditation
-
Ici est raconté comment on
convertit le non‑sens de la vie en sens et en plénitude.
-
On y trouve joie, amour du
corps, amour de la nature, amour de l'humanité et de l'esprit.
-
On y renie les sacrifices, les
sentiments de culpabilité et les menaces d'outre‑tombe.
-
On n'y oppose pas ce qui est
terrestre à ce qui est éternel.
-
On y parle de la révélation
intérieure à laquelle parvient celui qui s'applique à méditer en
une humble recherche.
II. Dispositions pour comprendre
-
Je sais ce que tu ressens car je
peux me rendre compte de ton état, mais tu ne sais pas comment
faire l'expérience de ce que je dis. Si, par la suite, je te parle
de façon désintéressée de ce qui rend l'être humain heureux et
libre, il vaudra la peine que tu essaies de comprendre.
-
Ne pense pas que c'est en
discutant avec moi que tu vas comprendre. Si tu crois que contredire
cela faciliterait ta compréhension, tu peux le faire, mais ce n'est
pas la voie à suivre dans ce cas.
-
Si tu me demandes quelle est
l'attitude appropriée, je te dirai que c'est de méditer en
profondeur et sans hâte ce que je t'explique ici.
-
Si tu rétorques avoir des
choses plus urgentes à faire, je te répondrai que si ton désir
est de dormir ou de mourir, je ne ferai rien pour m'y opposer.
-
N'allègue pas non plus que ma
façon de présenter les choses te déplaît car tu ne dis pas cela
de la peau d'un fruit lorsque sa chair te plaît.
-
Je m'exprime de la façon qui me
semble convenir et non comme le souhaiteraient ceux dont les
aspirations sont éloignées de la vérité intérieure.
III. Le non‑sens
Au long des jours, je découvris
ce grand paradoxe : ceux qui éprouvèrent un échec dans leur
cœur purent illuminer l'ultime triomphe ; ceux qui s'étaient
sentis triomphateurs restèrent sur le chemin tels des végétaux à
la vie diffuse et éteinte. Au long des jours, je parvins à la
lumière depuis les obscurités les plus épaisses, guidé non par
l'enseignement mais par la méditation.
Je me suis dit le premier jour :
-
Il n'y a pas de sens à la vie
si tout se termine avec la mort.
-
Toute justification des actions,
qu'elles soient méprisables ou excellentes, est toujours un nouveau
rêve qui laisse face au vide.
-
Il n'y a pas de certitude à
propos de Dieu.
-
La foi est aussi variable que la
raison et le rêve.
-
“Ce qu'il faut faire” peut
être entièrement discuté et il n'est rien qui vienne appuyer
définitivement les explications.
-
“La responsabilité” de
celui qui prend un engagement n'est pas plus grande que la
responsabilité de celui qui n'en prend pas.
-
J'agis selon mes intérêts et
cela ne fait pas de moi un lâche, non plus qu'un héros.
-
“Mes intérêts” ne
justifient ni ne discréditent rien.
-
“Mes raisons” ne sont ni
meilleures ni pires que celles des autres.
-
La cruauté me fait horreur,
mais elle n'est pas, pour autant, meilleure ou pire en soi que la
bonté.
-
Ce qui est dit aujourd'hui, par
moi ou par d'autres, n'est pas valable demain.
-
Mourir n'est pas meilleur que de
vivre ou que de ne pas être né, mais ce n'est pas pire non plus.
-
J'ai découvert non par
enseignement, mais par expérience et méditation, qu'il n'y a pas
de sens à la vie si tout se termine avec la mort.
IV. La dépendance
Le deuxième jour :
-
Tout ce que je fais, ressens et
pense ne dépend pas de moi.
-
Je suis changeant et dépends de
l'action du milieu. Lorsque je veux changer le milieu ou mon “moi”,
c'est le milieu qui me change. Je cherche alors la ville ou la
nature, la rédemption sociale ou une nouvelle lutte qui puisse
justifier mon existence… Dans chacun de ces cas, le milieu m'amène
à prendre telle ou telle décision en faveur de telle ou telle
attitude. De sorte que mes intérêts et le milieu me laissent tel
quel.
-
Je dis alors que peu importe ce
ou celui qui décide. Je dis dans ce cas qu'il faut que je vive
puisque je suis en situation de vivre. Je dis tout cela mais rien ne
le justifie. Je peux me décider, hésiter ou en rester là. De
toute façon, une chose est meilleure qu'une autre à titre
provisoire, mais il n'est pas de “meilleur” ni de “pire” en
définitive.
-
Si quelqu'un me dit que celui
qui ne mange pas meurt, je lui répondrai qu'en effet c'est ainsi et
que, aiguillonné par ses besoins, il est obligé de manger ;
mais je n'ajouterai pas que sa lutte pour manger justifie son
existence. Je ne dirai pas non plus que cela soit mauvais. Je dirai
simplement qu'il s'agit là d'un fait individuellement ou
collectivement nécessaire pour la subsistance, mais dépourvu de
sens à l'instant où l'on perd la dernière bataille.
-
Je dirai en outre que je suis
solidaire de la lutte du pauvre, de l'exploité et du persécuté.
Je dirai que je me sens “réalisé” à travers une telle
identification, mais je comprendrai que je ne justifie rien.
V. Soupçon du sens
Le troisième jour :
-
Parfois j'ai anticipé des faits
qui se sont produits par la suite.
-
Parfois j'ai saisi une pensée
lointaine.
-
Parfois j'ai décrit des lieux
que je n'avais jamais visités.
-
Parfois j'ai rapporté avec
précision ce qui s'était produit en mon absence.
-
Parfois une joie immense m'a
ravi.
-
Parfois une compréhension
totale m'a envahi.
-
Parfois une communion parfaite
avec le tout m'a mis en extase.
-
Parfois j'ai brisé mes rêveries
et j'ai vu la réalité sous un jour nouveau.
-
Parfois j'ai reconnu comme les
ayant déjà vues des choses que je voyais pour la première fois.
… Et tout ceci m'a donné à
penser.
Je suis bien conscient que sans
ces expériences, je ne serais pas sorti du non‑sens.
VI. Sommeil et éveil
Le quatrième jour :
-
Je ne peux considérer comme
réel ce que je vois dans mes rêves, ni ce que je vois dans un
demi‑sommeil ; pas plus ce que je vois éveillé mais
plongé dans la rêverie.
-
Je peux considérer comme réel
ce que je vois éveillé et sans rêverie. Cela ne se réfère pas à
ce qu'enregistrent mes sens mais à des activités de mon mental
quand elles se rapportent à des “données” pensées. Car les
données naïves et douteuses sont fournies par les sens externes,
les sens internes, et aussi par la mémoire. Il est certain que mon
mental le sait quand il est éveillé ; il le croit quand il
est endormi. Les rares fois où je perçois le réel sous un jour
nouveau, je comprends que ce que l'on voit normalement ressemble au
rêve ou au rêve éveillé.
Il y a une façon réelle d'être
éveillé : c'est celle qui m'a amené à méditer profondément
sur ce qui a été dit jusqu'ici et qui, en outre, m'a ouvert la
porte pour découvrir le sens de tout ce qui existe.
VII. Présence de la Force
Le cinquième jour :
-
Quand j'étais réellement
éveillé, je m'élevais de compréhension en compréhension.
-
Quand j'étais réellement
éveillé et que la vigueur me manquait pour continuer l'ascension,
je pouvais extraire la Force de moi‑même. Elle était dans
tout mon corps. Toute l'énergie se trouvait jusque dans les plus
petites cellules de mon corps. Cette énergie circulait et était
plus rapide et plus intense que le sang.
-
Je découvris que l'énergie se
concentrait dans des points de mon corps lorsqu'ils s'activaient ;
lorsqu'ils cessaient d'agir, elle s'en absentait.
-
Pendant les maladies, l'énergie
manquait ou s'accumulait exactement dans les points affectés. Mais
si je parvenais à rétablir son passage normal, de nombreuses
maladies commençaient à régresser.
Certains peuples en eurent
connaissance et agirent de manière à rétablir l'énergie au moyen
de divers procédés qui aujourd'hui nous semblent étranges.
Certains peuples en eurent
connaissance et leurs élus agirent en communiquant cette énergie à
d'autres, et des “illuminations” de compréhension eurent lieu,
allant jusqu'à des “miracles” physiques.
VIII. Contrôle de la Force
Le sixième jour :
-
Il y a une façon de diriger et
de concentrer la Force qui circule dans le corps.
-
Il existe des points de contrôle
dans le corps. C'est d'eux que dépend ce que nous appelons
mouvements, émotions et idées. Quand l'énergie agit sur ces
points, des manifestations motrices, émotives et intellectuelles se
produisent.
-
Selon que l'énergie agit sur le
corps en surface ou plus ou moins à l'intérieur, surviennent le
sommeil profond, le demi‑sommeil ou l'état d'éveil… Les
auréoles entourant le corps ou la tête des saints (ou des grands
éveillés), dans les tableaux des différentes religions, font
sûrement allusion à ce phénomène d'énergie qui parfois se
manifeste plus extérieurement.
-
Il y a un point de contrôle du
véritable‑état‑d'éveil et il y a un moyen d'amener la
Force jusqu'à celui‑ci.
-
Lorsque l'énergie est amenée à
cet endroit, tous les autres points de contrôle se mettent en
mouvement de manière altérée.
Lorsque j'eus compris cela et
lancé la Force vers ce point supérieur, tout mon corps ressentit
l'impact d'une énorme énergie qui frappa ma conscience avec force
et je m'élevai de compréhension en compréhension. Mais j'observai
aussi que je pouvais descendre vers les profondeurs du mental si je
perdais le contrôle de l'énergie. Je me souvins alors des légendes
au sujet des “cieux” et des “enfers” et je vis la ligne de
partage entre ces deux états mentaux.
IX. Manifestations de l'énergie
Le septième jour :
-
Cette énergie en mouvement
pouvait “se rendre indépendante” du corps tout en gardant son
unité.
-
Cette énergie unie était une
sorte de “double corps”, qui correspondait à la représentation
cénesthésique que l'on a de son propre corps à l'intérieur de
l'espace de représentation (les sciences traitant des phénomènes
mentaux ne donnaient d'information suffisante ni sur l'existence de
cet espace ni sur les représentations correspondant aux sensations
internes du corps).
-
L'énergie dé‑doublée
(c'est‑à‑dire imaginée “à l'extérieur” du corps,
ou “séparée” de sa base matérielle) soit se dissolvait en
tant qu'image, soit était représentée correctement, en fonction
de l'unité intérieure de celui qui opérait ainsi.
-
Je pus constater que
“l'extériorisation” de cette énergie (représentation de son
propre corps “en dehors” du corps) se produisait déjà depuis
les niveaux les plus bas du mental. Dans ces cas, il arrivait qu'une
atteinte à l'encontre de l'unité la plus primaire de la vie
provoquât cette réponse en sauvegarde de ce qui était menacé.
C'est pourquoi, dans les transes de certains médiums dont le niveau
de conscience était bas et l'unité intérieure en péril, ces
réponses étaient involontaires ; elles n'étaient pas
reconnues comme produites par eux‑mêmes, mais attribuées à
d'autres entités.
Les “fantômes” ou “esprits”
de certains peuples ou de certains devins n'étaient autres que les
propres “doubles” (les propres représentations) des personnes
qui se sentaient saisies par eux. Etant donné l'obscurcissement de
leur état mental (en transes) par la perte du contrôle de la Force,
ils se sentaient manipulés par des êtres étranges qui, parfois,
produisaient des phénomènes remarquables. Il ne fait pas de doute
que de nombreux “possédés” subirent de tels effets. Le contrôle
de la Force était donc décisif. Ceci modifiait complètement aussi
bien ma conception de la vie courante que celle de la vie après la
mort. Par ces pensées et ces expériences, je perdis de plus en plus
foi en la mort et, depuis lors, je n'y crois pas, de même que je ne
crois pas au non‑sens de la vie.
X. Evidence du sens
Le huitième jour :
-
L'importance réelle de la vie
éveillée m'apparut de façon évidente.
-
L'importance réelle de détruire
les contradictions internes me convainquit.
-
L'importance réelle de manier
la Force pour obtenir unité et continuité m'emplit d'un sens
joyeux.
XI. Le centre lumineux
Le neuvième jour :
-
Dans la Force était la
“lumière” qui provenait d'un “centre”.
-
Dans la dissolution de
l'énergie, il y avait un éloignement du centre et dans son
unification et son évolution, un fonctionnement correspondant du
centre lumineux.
Je ne fus pas étonné de trouver
la dévotion au dieu‑Soleil chez certains peuples anciens et je
vis que, si certains adorèrent l'astre parce qu'il donnait la vie à
la terre et à la nature, d'autres virent dans ce corps majestueux le
symbole d'une réalité majeure.
Certains allèrent encore plus
loin et reçurent de ce centre d'innombrables dons, qui
“descendirent” tantôt sous forme de langues de feu au‑dessus
des inspirés, tantôt sous forme de sphères lumineuses, tantôt
sous forme de buissons ardents qui apparaissaient devant le croyant
effrayé.
XII. Les découvertes
Le dixième jour :
Peu nombreuses mais importantes
furent mes découvertes, que je résume ainsi :
-
La Force circule dans le corps
involontairement mais peut être orientée par un effort conscient.
Obtenir un changement dirigé du niveau de conscience permet à
l'être humain d'entrevoir d'importants indices de libération des
conditions “naturelles” qui semblent s'imposer à la conscience.
-
Il existe dans le corps des
points de contrôle de ses diverses activités.
-
Il y a des différences entre
l'état d'éveil‑véritable et les autres niveaux de
conscience.
-
La Force peut être conduite au
point du réel éveil (la “Force” étant l'énergie mentale qui
accompagne certaines images et le “point”, le positionnement
d'une image en un “lieu” de l'espace de représentation).
Ces conclusions m'amenèrent à
reconnaître dans les prières des peuples anciens le germe d'une
grande vérité qui s'obscurcissait dans les rites et les pratiques
extérieures ; ils ne parvinrent pas à développer le travail
intérieur qui, réalisé avec perfection, met l'homme en contact
avec sa source lumineuse.
Je me suis finalement rendu
compte que mes “découvertes” n'en étaient pas, mais qu'elles
étaient dues à la révélation intérieure à laquelle parvient
celui qui, sans contradictions, cherche la lumière en son propre
cœur.
XIII. Les principes
L'attitude face à la vie et aux
choses est différente lorsque la révélation intérieure frappe
comme la foudre.
En suivant pas à pas, en
méditant sur ce qui a été dit et sur ce qui est encore à dire, tu
peux transformer le non‑sens en sens.
Ce que tu fais de ta vie n'est
pas indifférent. Ta vie, soumise à des lois, a devant elle des
possibilités de choix.
Je ne te parle pas de liberté,
mais de libération, de mouvement, de processus. Quand je te parle de
liberté, il n s'agit pas de quelque chose d'immobile : je te
parle de se libérer pas à pas, tout comme celui qui arrive aux
abords de sa ville se libère du chemin qu'il a dû parcourir.
Alors, “ce qu'il faut faire”
ne dépend pas d'une morale lointaine, incompréhensible et
conventionnelle, mais de lois : lois de vie, de lumière,
d'évolution.
Voici les “Principes” qui
peuvent aider à la recherche de l'unité intérieure.
-
Aller contre l'évolution des
choses, c'est aller contre soi‑même.
-
Quand tu veux atteindre un but
par force, tu produis l'effet contraire.
-
Ne t'oppose pas à une grande
force. Recule jusqu'à ce qu'elle s'affaiblisse ; alors, avance
avec résolution.
-
Les choses vont bien
lorsqu'elles marchent ensemble et non isolément.
-
Si pour toi le jour et la nuit,
l'été et l'hiver sont bien, tu as dépassé les contradictions.
-
Si tu recherches le plaisir, tu
t'enchaînes à la souffrance. Mais, tant que tu ne nuis pas à ta
santé, jouis sans inhibition quand l'opportunité s'en présente.
-
Si tu poursuis un but, tu
t'enchaînes. Si tout ce que tu fais, tu l'accomplis comme un but en
soi, tu te libères.
-
Tu feras disparaître tes
conflits lorsque tu les comprendras jusqu'à leurs racines profondes
et non lorsque tu voudras les résoudre.
-
Lorsque tu portes préjudice aux
autres, tu restes enchaîné. Mais si tu ne portes pas préjudice à
d'autres, tu peux faire ce que tu veux avec liberté.
-
Lorsque tu traites les autres
comme tu veux qu'ils te traitent, tu te libères.
-
Peu importe dans quel camp t'ont
placé les événements : ce qui importe, c'est que tu
comprennes que tu n'as choisi aucun camp.
-
Les actes contradictoires ou
unitifs s'accumulent en toi. Si tu répètes tes actes d'unité
intérieure, rien ne pourra plus t'arrêter.
Tu seras semblable à une force
de la Nature qui ne trouve aucune résistance sur son passage.
Apprends à distinguer ce qui est difficulté, problème ou
inconvénient de ce qui est contradiction. Si les premiers te
poussent ou t'incitent, cette dernière t'immobilise dans un cercle
fermé.
Lorsque tu trouves une grande
force, une grande joie et une grande bonté dans ton cœur, ou
lorsque tu te sens libre et sans contradictions, remercie
immédiatement en ton intérieur. Lorsque le contraire t'arrive,
demande avec foi, et la reconnaissance que tu as accumulée te
reviendra transformée et amplifiée en bénéfices.
XIV. Le guide du chemin intérieur
Si tu as compris ce qui a été
expliqué jusqu'ici, tu peux faire l'expérience de la manifestation
de la Force par un simple travail. De plus, ce n'est pas la même
chose d'observer une position mentale plus ou moins correcte (comme
s'il s'agissait d'une disposition pour une activité technique) que
de prendre une attitude et une ouverture émotive proches de celles
qu'inspirent les poèmes. C'est pourquoi le langage dont on se sert
pour transmettre ces vérités vise à faciliter cette attitude, qui
met plus facilement en présence de la perception intérieure que
d'une idée sur la “perception intérieure”.
A présent, suis attentivement ce
que je vais t'expliquer car cela concerne le paysage intérieur que
tu peux trouver en travaillant avec la Force, et les directions que
tu peux imprimer à tes mouvements mentaux.
« Dans
ta marche par le chemin intérieur, tu peux être obscurci ou
lumineux. Prête attention aux deux voies qui s'ouvrent devant toi.
« Si
tu laisses ton être se lancer vers des régions obscures, ton corps
gagne la bataille et c'est lui qui domine. Alors surgiront des
sensations et des apparences d'esprits, de forces et de souvenirs.
Par là, on descend toujours davantage. C'est là que se trouvent la
Haine, la Vengeance, l'Etrangeté, la Possession, la Jalousie, le
Désir de Demeurer. Si tu descends encore davantage, tu seras envahi
par la Frustration, le Ressentiment, et par tous ces rêveries et
désirs qui ont été source de ruine et de mort pour l'humanité.
« Si
tu lances ton être dans une direction lumineuse, tu trouveras
résistance et fatigue à chaque pas. Cette fatigue de la montée a
ses coupables. Ta vie pèse, tes souvenirs pèsent, tes actions
passées entravent l'ascension. Cette escalade est rendue difficile
par l'action de ton corps qui tend à dominer.
« Au
fur et à mesure de l'ascension, on trouve d'étranges régions aux
couleurs pures et aux sons inconnus.
« Ne
fuis pas la purification qui agit comme le feu et qui épouvante avec
ses fantômes.
« Rejette
l'effroi et le découragement.
« Rejette
le désir de fuir vers de basses et obscures régions.
« Rejette
l'attachement aux souvenirs.
« Reste
en état de liberté intérieure, indifférent à l'illusion du
paysage, résolu dans l'ascension.
« La
lumière pure éclaire les cimes des hautes chaînes montagneuses et
les eaux des mille‑couleurs s'écoulent au son de mélodies
indéfinissables vers des prairies et des plateaux cristallins.
« Ne
crains pas la pression de la lumière qui t'éloigne de son centre
avec toujours plus de force. Absorbe‑la comme un liquide ou un
vent car vraiment elle est la vie.
« Lorsque,
dans la grande chaîne montagneuse, tu trouveras la cité cachée, tu
devras connaître l'entrée. Mais cela, tu le sauras au moment où ta
vie sera transformée. Ses énormes murailles sont écrites en
figures, elles sont écrites en couleurs, elles sont “senties”.
En cette cité on garde ce qui est fait et ce qui est à faire…
Mais pour ton œil intérieur, ce qui est transparent est opaque.
Oui ! les murs te sont impénétrables !
« Prends
la Force de la cité cachée. Retourne au monde de la vie dense avec
ton front et tes mains lumineux. »
XV. L'expérience de paix et le passage de la Force
-
Détends ton corps complètement
et apaise le mental. Imagine alors une sphère transparente et
lumineuse qui, descendant vers toi, finit par se loger dans ton
cœur. Tu reconnaîtras alors que la sphère cesse d'apparaître
comme une image pour devenir sensation à l'intérieur de ta
poitrine.
-
Observe comment, partant de ton
cœur, la sensation de la sphère s'étend lentement vers
l'extérieur du corps, alors que ta respiration devient plus ample
et plus profonde. Dès que la sensation est parvenue aux limites du
corps, c'est alors que tu peux cesser toute opération et
enregistrer l'expérience de paix intérieure. Tu peux demeurer dans
la sphère le temps que tu jugeras opportun. Ensuite, fais reculer
cette expansion (en retournant au cœur, comme au début) pour te
défaire de ta sphère et conclure l'exercice, calme et réconforté.
On appelle ce travail “expérience de paix”.
-
Mais si tu veux, par contre,
faire l'expérience du passage de la Force, au lieu de faire reculer
l'expansion, tu devras l'amplifier, laissant tes émotions et tout
ton être la suivre. N'essaie pas de porter ton attention sur la
respiration… Laisse‑la agir par elle‑même, pendant
que tu suis l'expansion hors de ton corps.
-
Je dois te répéter ceci :
en de tels moments, tu dois être attentif à la sensation de la
sphère en expansion. Si tu n'y arrives pas, il vaut mieux que tu
t'arrêtes et que tu essaies de le faire une autre fois. De toute
façon, si tu ne produis pas le passage, tu pourras ressentir une
intéressante sensation de paix.
-
Si par contre, tu as été plus
loin, tu commenceras à faire l'expérience du passage. De tes mains
et d'autres zones de ton corps te parviendra une gamme de sensations
différente de ce qui est habituel. Puis tu percevras des
ondulations progressives et, en peu de temps, jailliront avec
vigueur images et émotions. Laisse alors se produire le passage…
-
En recevant la Force, tu
percevras la lumière ou d'étranges sons, suivant ton mode de
représentation habituel. Dans tous les cas, ce qui importe sera de
faire l'expérience de l'expansion de la conscience, dont un des
indicateurs sera une plus grande lucidité et une plus grande
disposition à comprendre ce qui arrive.
-
Quand tu le désires, tu peux
mettre fin à cet état singulier (à moins qu'il ne se soit dilué
au fil du temps), en imaginant ou en sentant que la sphère se
contracte et qu'elle sort ensuite de toi, de la même façon que
cela était arrivé au début.
-
Il est important de comprendre
que de nombreux états altérés de conscience ont été et sont
obtenus presque toujours par déclenchement de mécanismes
semblables à ceux déjà décrits. Ils ont été, bien sûr, ornés
de rituels étranges, ou parfois renforcés par des pratiques
d'épuisement, par une motricité déchaînée, par la répétition
et par des positions qui, dans tous les cas, altèrent la
respiration et faussent la sensation générale de l'intracorps.
Dans ce domaine, tu dois reconnaître l'hypnose, la médiumnité et
aussi l'action de la drogue qui, en agissant par des voies
différentes, produisent des altérations similaires. Il est certain
que tous les cas mentionnés se caractérisent par l'absence de
contrôle et l'ignorance de ce qui se produit. Méfie‑toi de
telles manifestations et considère les comme de simples “transes”,
par lesquelles sont passés les ignorants, les expérimentateurs, et
même les “saints” d'après les légendes.
-
Si tu as travaillé en observant
ces recommandations, il peut se faire, néanmoins, que tu n'aies pas
réussi le passage. Ceci ne doit pas devenir le centre de tes
préoccupations, mais simplement l'indicateur d'un manque de
“détente” intérieure, ce qui pourrait refléter une grande
tension, des problèmes avec la dynamique d'image et en somme une
fragmentation dans le comportement émotif… Ce qui du reste, est
présent dans la vie quotidienne.
XVI. Projection de la Force
-
Si tu as fait l'expérience du
passage de la Force, tu pourras comprendre comment, en s'appuyant
sur des phénomènes similaires, mais sans aucune compréhension,
différents peuples se sont lancés dans des rites et des cultes
qui, ensuite, se sont multipliés sans cesse. Ainsi, quand, par les
expériences dont on a parlé, les gens sentaient leur corps
“dédoublé”, et que l'expérience de la Force leur donnait la
sensation (en amplifiant la représentation) que cette énergie
était “au‑dehors”, ils croyaient pouvoir la projeter hors
d'eux‑mêmes.
-
La Force était “projetée”
sur d'autres, ainsi que sur des objets particulièrement “aptes”
à la recevoir et à la conserver. J'espère qu'il ne te sera pas
difficile de comprendre la fonction qu'accomplissent certains
sacrements dans les différentes religions, ainsi que la
signification des lieux saints et des prêtres soi‑disant
“chargés” de la Force (avec des “dons” spéciaux). Quand
certains objets étaient vénérés avec foi dans les temples, et
qu'on les entourait de cérémonies et de rites, ils “restituaient”
certainement aux croyants l'énergie accumulée par la prière
répétée. Et c'est poser des limites à la connaissance du fait
humain que l'on ait presque toujours donné à ces phénomènes des
explications extérieures, selon la culture, l'espace, l'histoire et
la tradition ; alors que l'expérience intérieure de base est
une donnée essentielle pour comprendre tout ceci.
-
Nous reviendrons plus loin sur
ce qui est de “projeter”, “charger”, et “restituer” la
Force. Mais je peux déjà te dire que ce même mécanisme continue
d'agir, de nos jours, dans des sociétés désacralisées, où les
leaders et les hommes de prestige sont nimbés d'une représentation
spéciale par ceux qui les voient, à tel point qu'ils voudraient
les “toucher” ou s'emparer d'un fragment de leurs vêtements ou
de leurs objets personnels.
-
Parce que toute représentation
de ce qui est “haut” part de l'œil et va au‑dessus de la
ligne normale du regard. Et “hautes” sont les personnalités qui
“possèdent” la bonté, la sagesse et la force. Et dans le
“haut” se trouvent les hiérarchies, les pouvoirs, les drapeaux
et l'Etat. Et nous autres, communs des mortels, nous devons “gravir”
l'échelle sociale et nous rapprocher du pouvoir à tout prix. Comme
on se sent mal quand on est manipulés, encore aujourd'hui, par ces
mécanismes (qui coïncident avec notre représentation interne, la
tête en “haut” et les pieds collés à la terre). Comme on se
sent mal quand on croit à ces choses‑là (et on y croit parce
qu'elles ont une “réalité” dans notre représentation
intérieure). Comme on se sent mal ! lorsque notre regard
extérieur n'est qu'une projection ignorée de notre regard
intérieur.
XVII. Perte et répression de la Force
-
Les plus grandes décharges
d'énergie sont provoquées par des actes non contrôlés qui sont :
l'imagination débridée, la curiosité sans contrôle, le bavardage
sans retenue, la sexualité excessive et la perception exagérée
(regarder, écouter, goûter, etc., avec excès et sans but). Mais
tu dois aussi reconnaître que beaucoup agissent de la sorte parce
qu'ils se déchargent de tensions qui, autrement, leur seraient
douloureuses. Tenant compte de ceci et sachant le rôle joué par
ces décharges, tu conviendras avec moi qu'il n'est pas raisonnable
de les réprimer, et qu'il convient plutôt de les ordonner.
-
Quant à la sexualité, tu dois
interpréter correctement ceci : une telle fonction ne doit pas
être réprimée, car cela engendrerait des effets mortifiants et la
contradiction interne. La sexualité s'oriente et s'achève en
l'acte lui‑même, et il ne convient pas qu'elle continue à
affecter l'imagination ou à chercher un nouvel objet de possession
de façon obsessionnelle.
-
Le contrôle du sexe par
certaine “morale” sociale ou religieuse déterminée servit à
des desseins qui n'avaient rien à voir avec l'évolution, bien au
contraire.
-
La Force (l'énergie de la
représentation de la sensation de l'intracorps) se dédoubla vers
le crépusculaire dans les sociétés réprimées et alors se
multiplièrent les “possédés par le démon”, les “sorciers”,
les sacrilèges et les criminels de tout acabit qui jouirent de la
souffrance et de la destruction de la vie et de la beauté. Dans
certaines tribus et civilisations, les criminels se trouvèrent
aussi bien parmi les justiciers que parmi les condamnés. Dans
d'autres cas, on persécuta tout ce qui était science et progrès
parce que cela s'opposait à ce qui était irrationnel,
crépusculaire et réprimé.
-
La répression du sexe existe
encore chez quelques peuples primitifs, mais aussi chez d'autres que
l'on considère d'une “civilisation avancée”. Il est évident
que chez les uns comme chez les autres, c'est un signe de
destruction très marqué, même si, dans les deux cas, l'origine
d'une telle situation est différente.
-
Si tu me demandes d'autres
explications, je te dirai que, en réalité, le sexe est saint et
qu'il est le centre d'où jaillissent la vie et toute créativité ;
de même qu'il est à l'origine de toute destruction quand le
problème de son fonctionnement n'est pas résolu.
-
Ne crois jamais aux mensonges de
ceux qui enveniment la vie en se référant au sexe comme à quelque
chose de méprisable. Au contraire, il y a en lui de la beauté et
ce n'est pas en vain qu'il est lié aux meilleurs sentiments
d'amour.
-
Prêtes‑y attention et
considère le comme une grande merveille que l'on doit traiter avec
délicatesse et dont on ne doit pas faire une source de
contradiction ou un agent de désintégration de l'énergie vitale.
XVIII. Action et réaction de la Force
Précédemment je t'ai expliqué :
« Lorsque tu trouves une grande force, une grande joie et une
grande bonté dans ton cœur, ou lorsque tu te sens libre et sans
contradictions, remercie immédiatement en ton intérieur. »
-
“Remercier” signifie
concentrer les états d'âme positifs associés à une image, à une
représentation. Cette liaison avec l'état positif permet, en
situation défavorable, de faire surgir, en évoquant une chose,
celle qui l'accompagnait auparavant. De plus, puisque cette “charge”
mentale peut être élevée par des répétitions antérieures, elle
est capable de déloger les émotions négatives que pourraient
imposer certaines circonstances.
-
C'est ainsi que ce que tu
demanderas te reviendra de ton intérieur avec bénéfices, pourvu
que tu aies accumulé en toi de nombreux états positifs. Il n'y a
donc pas lieu que je te répète que ce mécanisme servit
(confusément) pour “charger” des objets ou des personnes, ou
bien des entités intérieures qui prirent forme extérieure, en
croyant que prières et demandes seraient exaucées.
XIX. Les états intérieurs
Tu dois acquérir à présent une
perception suffisante des états intérieurs dans lesquels tu peux te
trouver au cours de ta vie et, en particulier, au cours de ton
travail évolutif. Je ne peux les décrire autrement qu'avec des
images (dans ce cas, des allégories). Celles‑ci, me
semble‑t‑il, ont pour vertu de concentrer “visuellement”
des états d'âme complexes. D'autre part, la particularité
d'enchaîner de tels états comme s'ils faisaient partie de
différents moments d'un même processus introduit une variante dans
les descriptions toujours fragmentées auxquelles nous ont habitués
ceux qui s'occupent de ces choses.
-
Le premier état, où le
non‑sens prévaut (celui que nous avons mentionné au début),
sera appelé état de “vitalité diffuse”. Tout est orienté en
fonction des besoins physiques, mais ceux‑ci sont souvent
confondus avec les désirs et les images contradictoires. Là, il y
a de l'obscurité dans les intentions et les activités. On demeure
dans cet état en végétant, perdu parmi des formes variables. A
partir de ce point, on ne peut évoluer que par deux voies :
celle de la mort ou celle de la mutation.
-
La voie de la mort te met en
présence d'un paysage chaotique et obscur. Les anciens
connaissaient ce passage et le situaient presque toujours “sous
terre”, ou dans les profondeurs abyssales. Certains visitèrent
aussi ce royaume, pour “ressusciter” ensuite en des niveaux
lumineux. Comprends bien qu'“en dessous” de la mort existe la
vitalité diffuse. Le mental humain met peut‑être en relation
la désintégration mortelle avec des phénomènes postérieurs de
transformation, et il associe peut‑être aussi le mouvement
diffus avec celui qui précède la naissance. Si ta direction est
dans le sens ascendant, la “mort” correspond à une rupture avec
ton étape antérieure. Par la voie de la mort, on accède à un
autre état.
-
En y arrivant, on trouve le
refuge de la régression. De là partent deux chemins : celui
du repentir et celui‑là même qui fut emprunté pour la
montée, c'est‑à‑dire le chemin de la mort. Si tu
prends le premier, c'est parce que ta décision tend à rompre avec
ta vie passée. Si tu retournes par le chemin de la mort, tu
retombes dans les abîmes avec la sensation de tourner en rond.
-
Ceci dit, je t'ai parlé d'un
autre sentier, qui permet d'échapper à la vitalité abyssale,
celui de la mutation. Si tu choisis cette voie, c'est parce que tu
veux émerger de ton pénible état, sans toutefois être disposé à
abandonner certains de ses bénéfices apparents. Il s'agit donc là
d'un faux chemin, connu sous le nom de “chemin de la main gauche”.
De nombreux monstres sont sortis des profondeurs de ce tortueux
passage. Ils ont voulu prendre le ciel d'assaut sans abandonner les
enfers et, ce faisant, ils ont projeté sur le monde médian une
contradiction infinie.
-
Je suppose que, t'élevant
depuis le royaume de la mort et par ton repentir conscient, tu es
déjà parvenu à la demeure de la tendance. Tu ne peux pratiquement
pas t'y arrêter. Deux minces corniches soutiennent ta demeure :
la conservation et la frustration. La conservation est fausse et
instable. En la parcourant, tu t'illusionnes avec l'idée de
permanence, mais en réalité tu descends à grande vitesse. Si tu
prends le chemin de la frustration, ta montée est pénible,
quoiqu'elle soit l'unique‑non‑fausse.
-
D'échec en échec, tu peux
arriver au prochain palier, appelé “demeure de la déviation”.
Attention aux deux voies que tu as maintenant devant toi : tu
peux prendre soit le chemin de la résolution, qui te mène à la
génération, soit celui du ressentiment, qui te fait redescendre
vers la régression. Tu es là, placé face au dilemme : ou
bien tu te décides en faveur du labyrinthe de la vie consciente (et
tu le fais avec résolution), ou bien tu retournes plein de
ressentiment à ta vie précédente. Nombreux sont ceux qui, n'étant
pas parvenus à se dépasser, se privent là de toutes leurs
possibilités.
-
Mais toi, qui t'es élevé avec
résolution, tu te trouves à présent dans la demeure connue sous
le nom de “génération”. Tu as là trois portes : l'une
s'appelle “Chute”, l'autre “Tentative”, et la troisième
“Dégradation”. La Chute te mène directement aux profondeurs et
seul un accident extérieur pourrait te pousser vers elle. Il t'est
difficile de choisir cette porte. Alors que celle de la Dégradation
te mène indirectement aux abîmes, en te faisant rebrousser chemin
dans une sorte de spirale pleine de turbulences où tu ne cesses de
reconsidérer tout ce qui a été perdu et sacrifié sur l'autel
d'un dieu inconnu. Cet examen de conscience qui mène à la
Dégradation est, bien sûr, un faux examen, dans lequel tu
sous‑estimes et disproportionnes certaines choses que tu
compares. Tu confrontes l'effort de la montée avec tous les
“bénéfices” que tu as abandonnés. Mais si tu regardes les
choses de plus près, tu t'apercevras que tu n'as rien abandonné
pour cette raison, mais pour d'autres. La Dégradation commence donc
par falsifier les raisons qui, en apparence, ont toujours été
étrangères à la montée. Je demande maintenant : Qu'est‑ce
qui trahit le mental ? Peut‑être les fausses raisons de
l'enthousiasme initial ? Peut‑être la difficulté de
l'entreprise ? Peut‑être le faux souvenir de sacrifices
qui n'ont pas existé ou qui ont eu d'autres motifs ? Je te dis
et je te demande maintenant : Ta maison a brûlé il y a
longtemps. Est‑ce pour cela que tu as décidé de monter, ou
penses‑tu maintenant que c'est parce que tu es monté qu'elle
a brûlé ? As‑tu par hasard regardé un peu ce qui était
arrivé à d'autres maisons des alentours ?… Il ne fait pas
de doute que tu doives choisir la porte du milieu.
-
Gravis le perron de la Tentative
et tu parviendras à une coupole instable. Arrivé là, déplace‑toi
le long d'un couloir étroit et sinueux que tu connaîtras comme
étant celui de la “versatilité”, jusqu'à atteindre un espace
vaste et vide (comme une plate‑forme), qui se nomme :
“espace‑ouvert‑de‑l'énergie”.
-
Dans cet espace, tu peux être
épouvanté par le paysage désertique et immense ainsi que par le
silence effrayant de la nuit transfigurée par d'énormes étoiles
immobiles. Là, exactement au‑dessus de ta tête, tu verras,
clouée dans le firmament, la forme insinuante de la Lune Noire. Là,
tu dois attendre l'aube avec patience et foi, car rien de mal ne
peut t'arriver si tu restes calme.
-
Il pourrait arriver que, dans
une telle situation, tu veuilles tenter une sortie immédiate. Si
cela se produit, tu risquerais de te diriger à tâtons vers
n'importe quel endroit, au lieu d'attendre le jour avec prudence. Tu
dois alors te rappeler que là (dans l'obscurité), tout mouvement
est faux et reçoit généralement le nom “d'improvisation”. Si,
oubliant ce que je dis maintenant, tu commençais à improviser des
mouvements, sois sûr que tu serais alors entraîné par un
tourbillon, parmi les sentiers et les demeures, jusqu'aux plus
sombres fonds de la dissolution.
-
Qu'il est difficile de
comprendre comment les états intérieurs sont enchaînés les uns
aux autres ! Si tu savais quelle est la logique inflexible de
la conscience, tu constaterais que dans la situation décrite, celui
qui improvise aveuglément commence fatalement à dégrader et à se
dégrader ; surgissent ensuite en lui les sentiments de
frustration ; et il tombe dans le ressentiment et dans la
mort ; survient alors l'oubli de tout ce qu'un jour il avait pu
percevoir.
-
Si, sur l'esplanade, tu arrives
à atteindre le jour, surgira devant tes yeux le soleil radieux qui
t'éclairera pour la première fois la réalité. Alors tu verras
que dans tout ce qui existe vit un Plan.
-
Il te sera difficile de tomber
de là, à moins que tu ne veuilles volontairement descendre vers
des régions plus obscures pour porter la lumière aux ténèbres.
Mieux vaut ne pas développer
davantage ces thèmes car, sans expérience, ils trompent en
transposant dans le domaine de l'imaginaire ce qui est réalisable.
Que ce qui a été dit jusqu'ici
te serve. Si ce qui a été expliqué ne t'était pas utile, que
pourrais‑tu objecter puisque rien n'a de fondement ni de raison
pour le scepticisme, qui est comme l'image d'un miroir, le son d'un
écho, l'ombre d'une ombre.
XX. La réalité intérieure
-
Sois attentif à mes
considérations. En elles, tu n'auras d'intuitions que de phénomènes
allégoriques et de paysages du monde extérieur. Cependant, elles
comportent aussi des descriptions réelles du monde mental.
-
Tu ne dois pas croire non plus
que les “lieux” que tu traverses dans ta marche aient une sorte
d'existence indépendante. Pareille confusion a souvent obscurci de
profonds enseignements et c'est ainsi que, même de nos jours,
certains croient que les cieux, les enfers, les anges, les démons,
les monstres, les châteaux hantés, les cités lointaines et autres
ont une réalité visible aux yeux des “illuminés”. Le même
préjugé (mais inversement interprété) a eu prise sur des
sceptiques dépourvus de sagesse, qui prirent ces choses‑là
pour de simples illusions ou des hallucinations dont ont souffert
des esprits enfiévrés.
-
Je dois répéter alors que dans
tout ceci, tu dois comprendre qu'il s'agit de véritables états
mentaux, même s'ils sont symbolisés par des objets n'ayant pas
d'existence indépendante.
-
Tiens compte de ce qui a été
dit et apprends à dé‑couvrir la vérité derrière les
allégories, qui parfois dévient le mental, mais qui parfois
traduisent aussi des réalités impossibles à saisir sans
représentation.
Quand on parla des cités des
dieux où voulurent parvenir de nombreux héros de différents
peuples ; quand on parla de paradis où les dieux et les hommes
vivaient ensemble dans une nature originelle transfigurée ;
quand on parla de chutes et de déluges, on exprima une grande vérité
intérieure.
Les rédempteurs apportèrent
ensuite la Parole et vinrent à nous dans une double nature pour
rétablir cette nostalgique unité qui était perdue. On exprima
aussi alors une grande vérité intérieure.
Néanmoins, lorsqu'on parla de
tout ceci en le plaçant hors du mental, on fit erreur ou on mentit.
Inversement, le monde extérieur,
confondu avec le regard intérieur, oblige celui‑ci à
parcourir de nouveaux chemins.
Ainsi, aujourd'hui s'envole vers
les étoiles le héros de cet âge. Il vole à travers des régions
jusqu'alors ignorées.
Il vole vers l'extérieur de son
monde et, sans le savoir, est lancé jusqu'au centre intérieur et
lumineux.
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© 1988 Silo. Copyright © 1997 Editions Références pour la
traduction française.
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