Silo. Canarie 2 – 1978
4° Jour.
A mesure que l’on descend dans l’espace de représentation, cet
espace s’obscurcit. A mesure que l’on monte dans cet espace il
s’éclaircit. Comme vous le savez bien. Cette obscurité dans la
descente et cette clarté dans la monté sont en rapport avec deux
phénomènes : un l’éloignement des centres optiques et le
système habituel d’idéation et l’autre le système habituel de
perception par lequel nous avons associé la lumière du soleil avec
le ciel, etc… l’absence de lumière avec les profondeurs.
Ceci ne signifie pas que les objets, placés dans les hauteurs ou les
profondeurs ne soient pas clairs, car il y a des objets dans les
hauteurs qui sont obscurs même lorsque l’espace de représentation
est plus illuminé, et il y a des objets qui sont clairs dans les
profondeurs de l’espace de représentation. Mais il y a des points
limites, aussi bien dans la montée que dans la descente, dans
l’espace de représentation, et ainsi en arrivant aux limites, tant
en bas qu’en haut, tout l’espace se trouve obscurci. Il se trouve
obscurci parce que nous arrivons aux sensations limites du corps. Il
est obscur parce qu’au-delà il n’y a pas de signal. De sorte
qu’en descendant ou en montant, même lorsqu’en haut nous voyons
de la clarté, si l’on monte bien au-delà, au-delà de la clarté,
l’espace de représentation s’obscurcit aussi. Enfin l’espace
de représentation, aussi bien en bas qu’en haut, dans ses limites,
se trouve totalement obscur.
Dans les profondeurs ou dans les hauteurs peuvent apparaître des
objets plus ou moins lumineux. Je peux représenter ces objets, mais
cela ne modifie pas le ton général de lumière qui peut exister
dans l’espace de représentation. Cependant dans certaines
conditions et toujours aux limites de l’espace de représentation,
uniquement dans des conditions déterminées, un curieux phénomène
de lumière se produit, il fait irruption en illuminant tout l’espace
de représentation. Ainsi cette lumière qui illumine tout l’espace
de représentation s’impose de telle façon que même si notre
sujet monte ou descend, dans tous les cas l’espace de
représentation demeure illuminé. Cette lumière ne dépend pas d’un
objet spécialement illuminé, mais tout l’écran est maintenant
très brillant. C’est comme si vous mettiez la T.V., complètement
lumineuse. Il ne s’agit pas de voir un objet plus illuminé qu’un
autre, mais il y a une brillance particulière qui n’est pas en
fonction de ce qui se passe dans les figures, la brillance générale
sur tout l’écran est extrême. Dans certains processus
transférentiels, après avoir enregistré ce phénomène, notre ami
ressort en veille, et sa perception du monde continue à être
modifiée par cette curieuse transformation qui s’est opérée dans
son espace de représentation. Selon les descriptions, les objets lui
semble plus brillants, plus nets, avec plus de profondeur, etc.…
C’est-à-dire qu’en produisant ce curieux phénomène
d’illumination de l’espace de représentation, quelque chose
aussi s’est produit non seulement dans le système de
représentation mais aussi ce système de représentation à modifié
les perceptions du monde, selon ce que nous venons de voir. IL est
très accidentel que les deux phénomènes se produisent :
l’obscurité de la limite, le dépassement de cette barrière,
fréquemment décrite et l’accès à une sorte de lumière
illuminant l’espace de représentation.
Par contre dans les processus autotransférentiels,
l’intention finale de ce processus, est de transcender les limites
de la représentation de cet espace qui finalement s’obscurcit. De
même, empiriquement, sans grande connaissance technique, ou
peut-être avec une connaissance mais sans l’afficher, dans de
nombreuse religions et pratique mystiques, il s’agit de se mettre
en contact avec cette lumière ou avec ce phénomène transcendant
le système de
représentation, qui soudain fait
irruption dans la conscience.
Avec différents procédés ascétiques, parfois rituels, parfois
hallucinatoire, au moyen du jeûne, de la prière, de la répétition,
par de nombreux moyens, beaucoup de rites dans tous les cas
supérieurs et beaucoup de religions prétendent obtenir ce contact
avec une sorte de source de lumière. Dans les processus
transférentiels et autotransférentiels, que ce soit par accident
dans le premier cas ou de façon dirigée dans le deuxième, on a
quelque connaissance de ce phénomène, et on sait que ceci peut se
produire quand le sujet a reçu une forte commotion psychique,
c’est-à-dire que son état est proche d’un état altéré de
conscience. La littérature universelle est également remplie de
considérations sur ces phénomènes. Lorsqu’après sa commotion
spirituelle, ou interne, Moïse va sur la montagne et rencontre la
lumière, un buisson ardent devant lui, et qu’il se prosterne
devant ce buisson ardent et que sans le regarder il dit : «
Et toi qui es-tu ? », le buisson ardent, chose étrange,
lui parle, c’est-à-dire communique avec lui et lui répond : «
je suis celui qui est ». C’est une réponse intéressante.
Lorsque Paul qui à l’apparition du christianisme s’adonnait à
la persécution des chrétiens, c’était un hobby pour lui,
(rires), lorsque Paul poursuivait les chrétiens mais certainement
sous une forte commotion spirituelle et une puissante recherche, vit
soudain une grande lumière qui le fit tomber de son cheval, qui le
rendit quasi aveugle, et la lumière lui demande : « Saül
pourquoi, me poursuis-tu ? » C’est ainsi que Paul
s’appelait : Saül. Il aurait pu s’appeler Ramon, par
exemple (rire), mais il s’appelait ainsi. « Saül, pourquoi
me poursuis-tu ? » De plus Saül resta aveugle, il fut
aveuglé à cause de cette lumière. Et Saül se convertit au
christianisme et devint le plus grand organisateur du christianisme,
saint Paul.
Aujourd’hui, sans aller si loin, on aperçoit de
nombreux objets dans les cieux. Les gens voient des lumières. Si
notre ami est un monsieur qui conduit une voiture, et qu’en pleine
nuit, il voit devant lui une lumière, une lumière qui se déplace,
il arrête sa voiture. Cette lumière continue à se déplacer très
vite et que ce n’est pas la lumière d’un autre véhicule, c’est
une lumière qui se déplace dans toutes les directions, s’il n’y
a pas de référence spatiale- des cabines téléphonique, des
maisons etc…- à quelle distance se trouve cette lumière ?
Est-elle derrière le pare-brise ? Ou devant ? Ou dans sa
conscience ? Et cette représentation est en train de modifier
sa perception. Puis, il y a beaucoup d’autres phénomènes qui
n’ont rien à voir avec la
lumière que nous évoquions dans le
cas de Saül ou de Moïse, etc…
On observe bien d’autres cas : des cas de luminescence, etc…
dans la chambre du silence etc… avec des drogues hallucinogènes,
les gens observent aussi certaines choses mais sans rapport avec la
lumière qui aveugle. Dans la chambre du silence, le sujet qui
flotte, et son visage hors de l’eau et certaines parties de son
corps aussi, à un moment donné le sujet voit une lune d’argent
par exemple. Cette lune d’argent n’est rien d’autre que la
traduction à l’image visuelle de ses sensations tactiles de cette
partie du visage restée hors de l’eau, la forme de cette lune
croissante ou décroissante, n’est autre que la forme du visage de
notre ami. Cette lumière, à son tour devient plus indépendante et
le sujet, comme il n’a plus de limites corporelles, ne sait pas si
cette lumière est hors de lui ou bien, si elle est une projection
d’un phénomène traduit de représentations internes. Ainsi donc
ces lumières que l’on voit, peuvent être dues aussi, à des
anesthésies intracorporelles qui, en raison de forts systèmes de
tensions dans la société contemporaine, inhibent des impulsions et
se traduisent alors en images déterminées qui peuvent se projeter
dans un état altéré de conscience.
Cela se complique lorsqu’il s’agit d’un petit disque qui va et
vient, mais que soudain ce phénomène fait irruption avec une grande
force, il fait irruption avec une grande Force illuminant d’une
grande lumière le sujet qui observe. Et le sujet reste parfois
aveugle. Il ne s’agit pas d’un petit disque. Toujours et quand
nous accordons du crédit aux choses que les gens racontent. Il
arrive aussi, dans le cas de ces puissantes lumières, que le sujet
parle de connexion avec cette lumière et il semblerait alors, qu’il
parle avec cette lumière et qu’il y ait une sorte de contact
télépathique dans lequel la Lumière leur indique des choses, ou
ils communiquent avec cette lumière. De même que Moïse en son
temps se connectait avec la ronce ou Saül se connectait avec cette
lumière qui le fit tomber de cheval. Nos contemporains qui voient
des choses dans les cieux communiquent aussi parfois avec ces
puissantes sources de lumière qui semblent leur donner des messages
et en reçoivent et ainsi de suite. Déjà dans l’Iliade et dans
d’autres textes, certains commentent qu’il leur parut mourir et
sont revenus, ils ont eu l’impression d’abandonner leur corps et
de s’orienter vers une lumière toujours plus vive sans pouvoir
bien le raconter, ce n’est pas le cas de l’Iliade, mais de nos
contemporains, sans pouvoir bien relater si c’était eux qui
avançaient vers la lumière ou la lumière vers eux. Le fait est
qu’ils rencontrent cette lumière, et cette lumière, a la
propriété de se communiquer avec eux d’une certaine façon, de
parler avec eux ou de leur donner des indications. Que les lumières
parlent est un peu étrange comme vous le savez. Dons ces lumières
donnent des indications et le contact s’établit. Et bien sûr,
pour pouvoir raconter cette histoire, que ce soit pour avoir reçu un
choc électrique dans le cœur ou autre chose du même style et alors
ils sentent qu’ils reviennent ou s’éloignent de cette fameuse
lumière avec laquelle ils étaient sur le point d’établir un
intéressant contact. Mais bien sûr, s’ils établissaient ce
contact, nous n’en serions pas informés (rires). Il est donc bon
dans tous les cas qu’ils reviennent. (Rires).
Il existe de nombreuses explications à ces phénomènes, des
explications du côté de l’anoxie, d’autres parlent de
l’accumulation de dioxyde de carbone, il y a beaucoup
d’explications sur ce phénomène de lumière. Mais pour nous,
comme d’habitude, les explications qui sont aujourd’hui d’une
sorte et demain d’une autre, ne nous intéressent pas beaucoup ;
nous nous intéressons plutôt au système de registre,
l’emplacement, le registre affectif que vit le sujet, et par-dessus
tout autre chose, cette sorte de grand sens que cela semble donner au
sujet et qui avec certitude change sa vie. La vie de Moïse change,
la vie de Paul change, la vie des sujets qui croient avoir eu une
forte expérience avec cette lumière et combien d’autres cas. Ceux
qui croient être revenus de la mort, etc. ce changement de sens de
sa propre vie du fait de l’expérience du contact avec un phénomène
extraordinaire qui soudain fait irruption chez le sujet et que le
sujet ne parvient pas à comprendre s’il s’agit d’un phénomène
de perception ou de représentation. Mais dans ce cas, pour toutes
les situations, ce phénomène semble d’une grande importance, et
du fait de sa présence, il a l’aptitude de changer subitement le
sens de la vie humaine.
Demain nous poursuivrons sur ce thème.
5° Jour.
Outre les états crépusculaires, nous distinguons aussi des états
qui peuvent être occasionnels et des états que nous pourrions très
bien appeler états supérieurs de conscience. Nous avons classé les
états supérieurs de conscience depuis longtemps comme états
d’extase, de transport extatique, et de reconnaissance. Celui qui
s’introduit assez souvent dans l’expérience, le fait d’abord
par les états les plus primaires, c’est-à-dire les états
d’extase. Ces états ont habituellement des concomitances motrices,
une certaine agitation, certains mouvements du corps. Les états de
transport extatique ont plutôt des concomitances émotives, et
souvent une joie intense envahit le sujet, un état ineffable
l’envahit. Nous pourrions dire que les états supérieurs de
reconnaissance sont plutôt intellectuels, dans le sens où le sujet
croit un instant comprendre le “tout“. En un instant le sujet
croit qu’il n’y a pas de différence entre ce qui est “lui “
et ce qu’est le “monde“, comme si le moi avait disparu. Notre
ami maintenant ne se préoccupe pas de son n° d’identité, de son
poids, de sa taille, de tout ce qui lui fait sentir qu’il est lui :
“ moi maintenant j’ai un état intéressant“. Mais ce moi
semble plutôt avoir complètement disparu, et lui est simplement
présent, comme dans certaines représentations de certaines
religions, une sorte de grand œil, et non un monsieur qui regarde
derrière les trous de serrures. Ces états supérieurs de
conscience peuvent avoir leurs concomitances motrices, émotives et
intellectuelles.
Il est clair que sans arriver à des choses aussi extraordinaires :
qui peut dire qu’il n’a pas une fois dans sa vie, sans rien
faire de spécial, senti subitement une joie sans raison, une joie
subite croissante étrange, mais une joie tout de même ? Qui
peut dire qu’il ne lui est pas arrivé, comme ça, de se rendre
compte que les choses sont telles qu’elles sont, mais de s’en
rendre compte en profondeur et avec une grande signification ?
Imaginez cela-même, et plus encore. (Rires).
Le travail avec l’expérience peut très bien se faire et se
poursuivre dans le calme, être développée peu à peu, sans
précipitation, sans inquiétude, parce qu’après tout nous ne
cherchons pas ces expériences comme un but, mais comme des
références capables d’orienter la conscience dans une direction
croissante. Il ne s’agit pas de se lancer dans l’expérience pour
une sorte d’hédonisme spirituel, pour avoir des expériences,
disons pour manger plus de fraises. (Rires). Si vous voulez
additionner les expériences vous trouvez n’importe quoi. Il ne
semble pas qu’il s’agisse de ça… je vous le dis parce que
notre époque est très portée sur la consommation, donc beaucoup
d’expériences. (Rires). Il ne s’agit pas de ça, accumuler des
expériences, -“ homme de beaucoup d’expérience“- mais
d’obtenir quelques références capables d’orienter dans un sens
intéressant. On peut travailler avec ces expériences lentement,
sans grandes difficultés, comprenant que ce que l’on cherche au
fond de tout c’est un sens plus qu’une expérience.
Et qu’est-ce que l’expérience ? C’est une sorte
d’intermédiaire avec le sens.