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2018/02/10

Sur la Conscience Inspirée


Extraits de: Andres Korizma:
parc d'étude et réfléxion Punta de Vacas. 14 julio 2017
andreskoryzma@gmail.com

Le spirituel, un jour nous le découvrirons, c'est une certaine substance, psychique, mentale, qui travaille aussi dans un certain espace, pas dans l'espace quotidien où nous bougeons. Quand nous parlons de cette chose spirituelle, nous faisons allusion à un autre espace, un espace interne qui ne fonctionne pas avec ces catégories.

La conscience est inspirée par beaucoup de choses, elle est inspirée par l'amour, elle est parfois inspirée par certaines tragédies, des choses très sérieuses qui arrivent et qui amènent les gens à réfléchir profondément, à sortir du quotidien et à commencer à penser au sens que votre vie a, la direction que votre vie mène, d'où vient votre vie, où va votre vie, quelle tragédie cette personne a soufferte.

Ce sont des espaces différents. Ils sont les espaces de religiosité. La religiosité est si mal vue ces derniers temps, plutôt qu'elle a été si mal vue, parce que les choses sont en train de changer beaucoup, beaucoup.

Dans le mysticisme, nous trouvons de vastes champs d'inspiration. Nous devons souligner que lorsque nous parlons de «mysticisme» en général, nous considérons les phénomènes psychiques de «l'expérience du sacré» dans ses différentes profondeurs et expressions. Il y a une abondante littérature qui rend compte des rêves, des «visions» du demi-sommeil et des intuitions vigilantes des personnages référentiels des religions, des sectes et des groupes mystiques. Abondant, en outre, les états anormaux et les cas extraordinaires d'expériences du sacré que nous pouvons caractériser comme Extase, c'est-à-dire des situations mentales dans lesquelles le sujet est absorbé, ébloui et suspendu; comme Ravissement, l'agitation émotionnelle et motrice incontrôlable, dans laquelle le sujet se sent transporté, emporté hors de lui-même vers d'autres paysages mentaux, vers d'autres temps et espaces; enfin, comme "Reconnaissance" dans laquelle le sujet pense comprendre tout en un instant.

À ce stade, nous considérons la conscience inspirée par son expérience du sacré qui varie dans leur façon d'être face au phénomène extraordinaire, bien que par extension ces opérations mentales aient aussi été attribuées aux enlèvements du poète ou du musicien, cas dans lesquels " le sacré " peut ne pas être présent.
...

Nous avons l'intention d'avoir un point de vue interne avec soi-même comme Centre de Gravité de nos activités, différent de l'habituel, celui qui dans d'autres temps a été considéré comme un niveau de conscience différent. le mot, cela crée des problèmes, un état de conscience différent qui n'est pas produit par le fait que nous sommes différents. Au contraire, cela donne l'impression que l'équipement disponible pour l'être humain est le même. Le problème est que parfois se connecte ou ne se connecte pas. C'est en accord avec la situation que l'on est en train de passer, historique, biographique, à des groupes, selon l'idéologie que les gens ont, en réalité c'est comme ça que l'on se comporte envers le monde. Donc, tout cela fait partie de notre truc, mais parfois nous voyons que nous nous connectons d'une manière inhabituelle. Nous pouvons avoir par référence une écriture: Psychologie IV, les derniers chapitres, Conscience inspirée. Ce sont des états fréquents, ils sont dans l'équipement humain, mais certains ont une plus grande permanence ou une plus grande profondeur et d'autres prétendent avoir la gestion de ces inspirations.

Différents musiciens ou poètes qui cherchent certaines inspirations, arrivent parfois, parfois n'arrivent pas, mais cherchent cela. Chez les artistes nous le voyons, chez les scientifiques, la science, l'art, la connexion à une manière de voir les choses qui n'est pas habituelle. Si vous ne recherchiez pas des angles différents, beaucoup de choses ne sortiraient pas. Quand le phénomène d'inspiration se produit, ils viennent formuler des lois ou des interprétations.

Nous parlons de ce sujet que nous avons mentionné à propos de la conscience inspirée, dans les religions nous trouvons aussi cela, ils traitent avec ses procédures, comme les artistes, avec l'alcool et la drogue, de se mettre dans une situation vitale rare, les religions cherchent à se connecter, Les traductions pour se connecter avec ce monde passent par Dieu, y compris Dieu et l'univers. En eux est le thème de la connexion, des procédures extraordinaires. Les rituels servent à se connecter. Les prières servent à aller dans ce niveau. Les plus exagérés ont une idée plus approximative. Les mystiques, ils échappent à la chose officielle, ils sont inscrits dans une religion, mais sa forme de connexion avec Dieu est généralement très différente des religions.

Le mysticisme échappe aux religions. Celui qui s’occupe de ce sujet devrait enquêter encore plus sur des états d'inspiration, ces ravissements nous conduisent à des interprétations qui peuvent être très loin de la réalité. Dans les mystiques des religions, on se connecte à ce niveau mais les interprétations sont très lointaines, ce sont des traductions. Des personnes très inspirées qui disent des choses très inspirées. Les contributions des mystiques sont très importantes, avec beaucoup d'interprétation et de déformation, avec des traductions. Bref, on est toujours loin du phénomène, ce qui finit par aggraver cette situation, c'est que lorsqu'on se connecte ce qui se passe, c'est qu'il y a une annulation des activités quotidiennes de la conscience. Celui qui a été là n'a aucun moyen d'expliquer. C’est le paradoxe de ces États que lorsque nous avons bloqué les mécanismes habituels, si on ne saisit pas que les dents ne sont pas des lèvres de perles et de rubis, pour en expliquer, nous devons bloquer la vision normale. Si vous ne pouvez pas bloquer cela, vous ne pouvez pas entrer dans la situation poétique et si vous entrez cela, vous ne pouvez pas expliquer de la manière habituelle. C'est le premier problème.

Le deuxième problème est que vous ne pouvez pas vous connecter correctement car cela reste dans une mémoire très diffuse, et cela est, généralement, rempli de souvenirs et d'images, donc on obtient toujours une bonne distance. Mais pour tout le monde c'est possible, en effet, cela arrive à tout le monde. Pour nous, c'est celui le sujet d'intérêt, les états de conscience altérés. Autant que possible, avoir ce type de conscience comme centre de gravité. Cela conduit à de nombreux problèmes. Nous visons cela. Nous nous sommes toujours inquiétés de la façon d'entrer. Nous devons comprendre les procédures pour entrer. Retrouvez dans nos études des religions, des états modifiés de conscience, les gens de différentes latitudes, des témoignages, nous recherchons des choses qui nous racontent des façons dont les gens entrent dans ces oeuvres. Nous nous intéressons donc non seulement à la compréhension de ces états, mais aussi à la manière d’y entrer et de les rendre disponibles, et non qu'ils se produisent comme une pierre qui tombe sur notre tête. Ce n'est pas génétique, ils sont inspirés et c'est tout. Pour une raison quelconque, ils ont pu entrer plus facilement. En approfondissant cette étude, nous voyons la même mécanique chez tout le monde.

Le monde n'est pas un monde inspiré, c'est un monde quotidien. Donc vous ne voyez pas quel avantage il peut y avoir dans l'immédiat, ce n'est pas intéressant de donner des réponses, mais c'est intéressant sur ce qui peut arriver aux groupes humains, mais dans la vie de tous les jours ce n'est pas très intéressant. Cela ne fonctionne pas pour payer la boulangerie. Dans le quotidien on ne répond pas avec le travail de la conscience inspirée. Vous pouvez dire que cela pourrait éveiller certaines idées, mais celui-ci serait un très long tour. Ainsi, la compréhension et l'approche du phénomène de cet état de conscience, la compréhension de ces mécanismes qui se connectent à cet état est pour nous une priorité, comprendre comment ils existent, ces phénomènes, comme cela se fait pour les atteindre, et ce n’est pas parce que nous pouvons les faire sortir de la tête, mais parce qu'il y a des éléments qui nous permettent de comprendre comment cela se passe. Nous nous soucions de l'information, car les interprétations sont très variées et absurdes.
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C'est à partir de l'émergence de cette conscience inspirée que de nouvelles possibilités évolutives pour les êtres humains peuvent apparaître.
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La traduction des signaux profonds arrive par la voie de la conscience inspirée, une structure de conscience dont la fonction est de relier les deux mondes et de traduire les signaux de l'espace profond en les enrobant d’un habit poétique.
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La conscience inspirée est une structure globale, capable de réaliser des intuitions immédiates de la réalité. D’une autre part, elle est apte à organiser des séries d'expériences et à prioriser les expressions qui sont habituellement transmises par la philosophie, la science, l'art et le mysticisme.
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Bouddha a dit que «les dieux sont si loin des hommes qu'il n'a aucun sens de parler des dieux»; mais encore Bouddha a parlé d'un message de la profondeur qui lui disait comment enseigner aux hommes à faire tomber les croyances et le conditionnement mental qu'ils avaient et leur faisait croire aux illusions qui les ont engendrés la souffrance et les ont empêchés d'atteindre le nirvana. Le Bouddha ne nie pas Dieu. Bouddha est préoccupé par la profondeur et, avec Dieu ou sans Dieu, il essaie d'atteindre l'homme, de lui apprendre à surmonter la souffrance et à atteindre le nirvana. Ainsi nous voyons que le message du Bouddha ne s’est pas gardé dans l'histoire comme le message d'un dieu, mais comme le message du Bouddha. En fait, le message est l'interprétation du traducteur, le message est du traducteur.
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Traduction des signaux de la profondeur 

Il y a des moments où l'on se connecte à certains états qu'on ne connaissait pas qu’ils étaient dans nous, ce sont des états qui vous émeuvent, beaucoup de choses vous émeuvent. Il est important de prendre soin des signes du profond en nous, de la façon dont ils s'expriment et traduisent ces signaux dans le monde. Comment sont traduits ces signaux que la conscience nous fournisse. Ils peuvent être traduits avec gentillesse mais ils peuvent aussi être traduits négativement. Espérons que la traduction s'ouvrira vers le positif.

Quoi qu'il en soit, même s’ils finissent par s’exprimer négativement sur le monde, la vie continuera à faire son chemin comme elle l'a toujours fait tout au long de l'histoire. La vie s'exprime et trouve son chemin, et la conscience avance, la vie grandit. Nous pouvons voir le positif et aussi le négatif.

C’est quoi notre thème ...

Dans les religions, le traditionnel ne va pas vers le profond, c'est un "comme si". La nôtre s'ouvre comme une manière d'être dans le monde, c'est comme une structure mentale. Il n'y a plus la structure de la conscience malheureuse, c’est la structure de la conscience inspirée qui cherche à percer dans le monde de l’éculé, du gris, de la perte du sens où les gens se laissent aller derrière les feux de circulation qui changent du rouge au vert et du vert au rouge tous les jours. La conscience inspirée est très liée au sens. Cette conscience dans que nous vivons dans ce moment, cette conscience ne nous emmène pas vers d'autres mondes. Du «j'ai les pieds sur terre», il n'est pas possible d'avoir une conscience inspirée, il n'y a pas d'émotion! Quand on est dans un état de conscience inspirée, on est ému.

Aujourd'hui, on veut échapper à l'absurdité, du rien. Nous sommes dans un autre instance historique et psychologique. Nous n'allons pas agir de manière explicative. Cela ne va pas par voie explicative. Non pas parce que la réflexion explicative n'est pas importante, mais parce que dans ce domaine ce n'est pas nécessaire. En fait, il y a des zones où la réflexion explicative est importante, mais dans le domaine dans lequel on enregistre un non-sens et on veut aller vers le sens, ce n'est pas le chemin. Notre etreprise ne va pas par la voie explicative, ne le faites pas comme ça, ça ne marchera pas.

Actuellement, il n'y a pas de méthode. Ce n'est pas comme dans d'autres moments où une méthode, que vous soyez d'accord ou non avec cette vision, ait donné une direction à ceux qui y croyaient. Le matérialisme dialectique, avec sa thèse, son antithèse et sa synthèse, marquait au moins une direction chez ceux qui y croyaient. Et qu'est-ce qu'une méthode a à voir avec une révolution? ...Cela vous donne une direction.

D'autre part, la logique d'aujourd'hui est la logique de la déstructuration, de l'incohérence. Les gens expérimentent et enregistrent cette désintégration progressive. C'est pourquoi nous comprenons leurs rêveries et leurs aspirations, comme celle de l'unité. La recherche d'intégration des peuples vient de là, Elle est une traduction de la nécessité d'une intégration interne, de sentir la cohésion interne, l'unité interne, face à la sensation croissante de désintégration psychologique.

Les gens ne comprennent pas ce qui leur arrive, ils ont un mélange dans sa tête. La logique actuelle est celle des slogans. Tout se résume à des slogans qui sont répétés dans les livres, à la télévision, etc., mais vous ne pouvez pas tout gérer avec des slogans. Le climat social est plein de slogans. Les idéologies étaient pleines de slogans, mais aujourd'hui on ne dit plus ces choses; ils ne le disent plus pour des raisons de commodité et de coexistence sociale.

La nôtre est une autre logique, c’est une logique qui tient compte non seulement ce qu’on voit, mais aussi ce que l'on ne voit pas, les coprésences. C'est une façon de faire qui va influencer la direction de ce qui va arriver. La manière de comprendre le monde détermine la manière d'être dans le monde.

La religion intérieure n'a pas besoin de ces choses, un grand écart est généré comme Hegel a dit: « Dieu est exprimée sous la forme de vide ». Il est presque comme il est posé dans le bouddhisme, bien qu'il soit apparu comme une proposition intéressante et que tout se soit terminé dans la religion.

Les religions se sont vanté d’atteindre l'intérieur de l'être humain, mais elles ne l'ont pas atteint. Les dieux sont loin, ça ne va pas par le biais des dieux, il est très difficile de les atteindre. Les dieux ne nous écoutent pas. L'être humain a eu des moments où il a pu trouver ses propres réponses et ses propres sorties.


Le drame est atteint par la souffrance que l'oppression produite. Pour la douleur causée par les conditions de vie. Pour l'injustice, pour ce qu'ils se font l'un à l'autre, tout ce que font ceux qui provoquent la souffrance. Ceux qui font des choses pour surmonter les conditions de souffrance des êtres humains font leur part, créent des conditions. Ils ne vont pas résoudre les choses aux gens, mais ils créent des conditions. Bon pour ceux qui travaillent pour cela.

2017/12/03

L'arbre des états intérieurs


Pris du chapitre 19 (les états internes) du livre "Humaniser la tierre", de Silo.
Tu dois acquérir à présent une perception suffisante des états intérieurs dans lesquels tu peux te trouver au cours de ta vie et, en particulier, au cours de ton travail évolutif. Je ne peux les décrire autrement qu'avec des images (dans ce cas, des allégories). Celles‑ci, me semble‑t‑il, ont pour vertu de concentrer “visuellement” des états d'âme complexes. D'autre part, la particularité d'enchaîner de tels états comme s'ils faisaient partie de différents moments d'un même processus introduit une variante dans les descriptions toujours fragmentées auxquelles nous ont habitués ceux qui s'occupent de ces choses.

1.   Le premier état, où le non‑sens prévaut (celui que nous avons mentionné au début), sera appelé état de “vitalité diffuse”. Tout est orienté en fonction des besoins physiques, mais ceux‑ci sont souvent confondus avec les désirs et les images contradictoires. Là, il y a de l'obscurité dans les intentions et les activités. On demeure dans cet état en végétant, perdu parmi des formes variables. A partir de ce point, on ne peut évoluer que par deux voies : celle de la mort ou celle de la mutation.
2.   La voie de la mort te met en présence d'un paysage chaotique et obscur. Les anciens connaissaient ce passage et le situaient presque toujours “sous terre”, ou dans les profondeurs abyssales. Certains visitèrent aussi ce royaume, pour “ressusciter” ensuite en des niveaux lumineux. Comprends bien qu'“en dessous” de la mort existe la vitalité diffuse. Le mental humain met peut‑être en relation la désintégration mortelle avec des phénomènes postérieurs de transformation, et il associe peut‑être aussi le mouvement diffus avec celui qui précède la naissance. Si ta direction est dans le sens ascendant, la “mort” correspond à une rupture avec ton étape antérieure. Par la voie de la mort, on accède à un autre état.
3.   En y arrivant, on trouve le refuge de la régression. De là partent deux chemins : celui du repentir et celui‑là même qui fut emprunté pour la montée, c'est‑à‑dire le chemin de la mort. Si tu prends le premier, c'est parce que ta décision tend à rompre avec ta vie passée. Si tu retournes par le chemin de la mort, tu retombes dans les abîmes avec la sensation de tourner en rond.
4.   Ceci dit, je t'ai parlé d'un autre sentier, qui permet d'échapper à la vitalité abyssale, celui de la mutation. Si tu choisis cette voie, c'est parce que tu veux émerger de ton pénible état, sans toutefois être disposé à abandonner certains de ses bénéfices apparents. Il s'agit donc là d'un faux chemin, connu sous le nom de “chemin de la main gauche”. De nombreux monstres sont sortis des profondeurs de ce tortueux passage. Ils ont voulu prendre le ciel d'assaut sans abandonner les enfers et, ce faisant, ils ont projeté sur le monde médian une contradiction infinie.
5.   Je suppose que, t'élevant depuis le royaume de la mort et par ton repentir conscient, tu es déjà parvenu à la demeure de la tendance. Tu ne peux pratiquement pas t'y arrêter. Deux minces corniches soutiennent ta demeure : la conservation et la frustration. La conservation est fausse et instable. En la parcourant, tu t'illusionnes avec l'idée de permanence, mais en réalité tu descends à grande vitesse. Si tu prends le chemin de la frustration, ta montée est pénible, quoiqu'elle soit l'unique‑non‑fausse.
6.   D'échec en échec, tu peux arriver au prochain palier, appelé “demeure de la déviation”. Attention aux deux voies que tu as maintenant devant toi : tu peux prendre soit le chemin de la résolution, qui te mène à la génération, soit celui du ressentiment, qui te fait redescendre vers la régression. Tu es là, placé face au dilemme : ou bien tu te décides en faveur du labyrinthe de la vie consciente (et tu le fais avec résolution), ou bien tu retournes plein de ressentiment à ta vie précédente. Nombreux sont ceux qui, n'étant pas parvenus à se dépasser, se privent là de toutes leurs possibilités.
7.   Mais toi, qui t'es élevé avec résolution, tu te trouves à présent dans la demeure connue sous le nom de “génération”. Tu as là trois portes : l'une s'appelle “Chute”, l'autre “Tentative”, et la troisième “Dégradation”. La Chute te mène directement aux profondeurs et seul un accident extérieur pourrait te pousser vers elle. Il t'est difficile de choisir cette porte. Alors que celle de la Dégradation te mène indirectement aux abîmes, en te faisant rebrousser chemin dans une sorte de spirale pleine de turbulences où tu ne cesses de reconsidérer tout ce qui a été perdu et sacrifié sur l'autel d'un dieu inconnu. Cet examen de conscience qui mène à la Dégradation est, bien sûr, un faux examen, dans lequel tu sous‑estimes et disproportionnes certaines choses que tu compares. Tu confrontes l'effort de la montée avec tous les “bénéfices” que tu as abandonnés. Mais si tu regardes les choses de plus près, tu t'apercevras que tu n'as rien abandonné pour cette raison, mais pour d'autres. La Dégradation commence donc par falsifier les raisons qui, en apparence, ont toujours été étrangères à la montée. Je demande maintenant : Qu'est‑ce qui trahit le mental ? Peut‑être les fausses raisons de l'enthousiasme initial ? Peut‑être la difficulté de l'entreprise ? Peut‑être le faux souvenir de sacrifices qui n'ont pas existé ou qui ont eu d'autres motifs ? Je te dis et je te demande maintenant : Ta maison a brûlé il y a longtemps. Est‑ce pour cela que tu as décidé de monter, ou penses‑tu maintenant que c'est parce que tu es monté qu'elle a brûlé ? As‑tu par hasard regardé un peu ce qui était arrivé à d'autres maisons des alentours ?… Il ne fait pas de doute que tu doives choisir la porte du milieu.
8.   Gravis le perron de la Tentative et tu parviendras à une coupole instable. Arrivé là, déplace‑toi le long d'un couloir étroit et sinueux que tu connaîtras comme étant celui de la “versatilité”, jusqu'à atteindre un espace vaste et vide (comme une plate‑forme), qui se nomme : “espace‑ouvert‑de‑l'énergie”.
9.   Dans cet espace, tu peux être épouvanté par le paysage désertique et immense ainsi que par le silence effrayant de la nuit transfigurée par d'énormes étoiles immobiles. Là, exactement au‑dessus de ta tête, tu verras, clouée dans le firmament, la forme insinuante de la Lune Noire. Là, tu dois attendre l'aube avec patience et foi, car rien de mal ne peut t'arriver si tu restes calme.
10.    Il pourrait arriver que, dans une telle situation, tu veuilles tenter une sortie immédiate. Si cela se produit, tu risquerais de te diriger à tâtons vers n'importe quel endroit, au lieu d'attendre le jour avec prudence. Tu dois alors te rappeler que là (dans l'obscurité), tout mouvement est faux et reçoit généralement le nom “d'improvisation”. Si, oubliant ce que je dis maintenant, tu commençais à improviser des mouvements, sois sûr que tu serais alors entraîné par un tourbillon, parmi les sentiers et les demeures, jusqu'aux plus sombres fonds de la dissolution.
11.    Qu'il est difficile de comprendre comment les états intérieurs sont enchaînés les uns aux autres ! Si tu savais quelle est la logique inflexible de la conscience, tu constaterais que dans la situation décrite, celui qui improvise aveuglément commence fatalement à dégrader et à se dégrader ; surgissent ensuite en lui les sentiments de frustration ; et il tombe dans le ressentiment et dans la mort ; survient alors l'oubli de tout ce qu'un jour il avait pu percevoir.
12.    Si, sur l'esplanade, tu arrives à atteindre le jour, surgira devant tes yeux le soleil radieux qui t'éclairera pour la première fois la réalité. Alors tu verras que dans tout ce qui existe vit un Plan.
13.    Il te sera difficile de tomber de là, à moins que tu ne veuilles volontairement descendre vers des régions plus obscures pour porter la lumière aux ténèbres.
Mieux vaut ne pas développer davantage ces thèmes car, sans expérience, ils trompent en transposant dans le domaine de l'imaginaire ce qui est réalisable.
Que ce qui a été dit jusqu'ici te serve. Si ce qui a été expliqué ne t'était pas utile, que pourrais‑tu objecter puisque rien n'a de fondement ni de raison pour le scepticisme, qui est comme l'image d'un miroir, le son d'un écho, l'ombre d'une ombre.


2016/08/04

Le déplacement du moi. La suspension du moi.


 Pris de: Silo, Psychologie IV
La sibylle de Cumes, ne voulant être saisie de la terrible inspiration, se désespérait, se contorsionnait et criait : « Il arrive, le dieu arrive ! » Le Dieu Apollon était bien aise de descendre de son bois sacré jusqu'à l'antre profond où il s'emparait de la prophétesse.i
Dans ce cas et dans différentes cultures, l'entrée en transe a lieu par l’intériorisation du moi et par une exaltation émotive dans laquelle l'image d'un dieu, d'une force ou d'un esprit, qui prend et supplante la personnalité humaine, est coprésente. Dans les cas de transe, le sujet se met à disposition de cette inspiration qui lui permet de capter des réalités et d'exercer des pouvoirs inconnus de lui dans la vie quotidienne.ii Cependant, nous voyons souvent que le sujet oppose des résistances, allant même jusqu'à lutter avec l'esprit ou le dieu pour éviter le ravissement, dans des convulsions qui rappellent l'épilepsie. Néanmoins, cela fait partie d'un rituel affirmant le pouvoir de l'entité qui remplace la volonté normale.iii
En Amérique Centrale, le culte du vaudou haïtieniv nous permet de comprendre des techniques de transe réalisées par des danses et renforcées par des potions à base de poisson toxiquev. Au Brésil, la Macumbavi nous montre d'autres variantes mystiques de transe obtenue par le biais de danses accompagnées de boisson alcoolisée et de prise de tabac.
Les cas de transe ne sont pas tous aussi spectaculaires que ceux que nous venons de citer. Quelques techniques indiennes, celles des "yantras", permettent d'arriver à la transe par l'intériorisation de triangles de plus en plus petits disposés en une figure géométrique complexe qui s'achève parfois en un point central. Par la technique des "mantras", par répétition d'un son profond proféré par le sujet, on parvient également à l'immersion en soi. De nombreux pratiquants occidentaux n'ont aucun succès dans ces contemplations visuelles ou auditives, parce qu'ils ne se sont pas préparés affectivement et se contentent de répéter des figures ou des sons sans les intérioriser avec la force émotive ou dévotionnelle nécessaire pour que la représentation cénesthésique accompagne le resserrement de l'attention. Ces exercices sont répétés autant de fois que nécessaire, jusqu'à ce que le pratiquant expérimente la substitution de sa personnalité et que l'inspiration se réalise pleinement.
Le déplacement du moi et la substitution par d'autres entités peuvent être vérifiés dans les cultes mentionnés et même dans les courants spirites les plus récents. Dans ceux-ci, le "médium" en transe est saisi par une entité spirituelle qui se substitue à sa personnalité habituelle.
Dans la transe hypnotique, il se produit des phénomènes assez semblables : le sujet intériorise profondément les suggestions de l'opérateur, amenant la représentation de la voix au "lieu" occupé normalement par le moi habituel. Bien sûr, pour être "pris" par l'opérateur, le sujet doit se mettre dans un état réceptif de "foi" et suivre sans douter les instructions reçues.vii Ce point révèle une caractéristique importante de la conscience. Tandis que se réalise une opération de veille attentive, des rêveries apparaissent qui passent parfois inaperçues et qui finissent parfois par dévier la direction des actes mentaux en cours. Le champ de coprésence agit toujours, même si les objets de conscience présents sont seuls manifestes dans le focus attentionnel. L'énorme quantité d'actes automatiques réalisés en veille témoigne de cette aptitude de la conscience à réaliser différents travaux simultanément. Certes, la dissociation peut atteindre des niveaux pathologiques mais elle peut aussi se manifester avec force dans presque tous les phénomènes d'inspiration. En outre, le déplacement du moi peut ne pas être complet dans la transe du spiritisme ou de l'hypnose comme on en voit un exemple dans ce qu'on appelle "l'écriture automatique" qui s'effectue sans difficultés, même si l'attention du sujet est dirigée alors sur une conversation ou sur d'autres activités. Nous trouvons fréquemment cette dissociation dans la "cryptographie", dans laquelle la main dessine tandis que le sujet est engagé de manière très concentrée dans une conversation téléphonique.
En avançant dans l'immersion en soi, on peut arriver à un point dans lequel les automatismes sont dépassés, et il ne s'agit plus alors de déplacements ni de substitutions du moi. Un bon exemple en est la pratique de "la prière du cœur" réalisée par les moines orthodoxes du mont Athos.viii La recommandation de Èvagre Le Pontique s'avère très appropriée pour éluder les représentations, du moins celles des sens externes : « N'imagine pas la divinité en toi quand tu pries, ne permets pas que ton intelligence accepte l'impression d'une quelconque forme ; reste immatériel et tu comprendras. »ix En substance, l'oraison fonctionne ainsi : le pratiquant, en retraite silencieuse, se concentre sur son cœur ; adoptant une phrase courte, il inhale doucement de l’air qu’il apporte à son cœur avec cette phrase. Quand il est au bout de l'aspiration, il "pressionne" pour qu'elle pénètre plus à l'intérieur. Il exhale ensuite tout doucement l'air vicié sans cesser de porter attention à son cœur. Cette pratique était répétée par les moines plusieurs fois par jour jusqu'à ce qu'apparaissent certains indicateurs de progrès comme "l'illumination" (de l'espace de représentation). Pour être précis, nous devons admettre le passage par l'état de transe à un certain moment des répétitions des prières utilisées. Le passage par la transe n'est pas très différent de celui qui a lieu dans les travaux avec les yantras ou mantras, mais comme dans la pratique de "la prière du cœur" il n'y a pas l'intention d'être "pris" par des entités qui remplacent la propre personnalité, le pratiquant finit par dépasser la transe et "suspendre" l'activité du moi. En ce sens, dans les pratiques du Yoga, on peut également passer par différents types et niveaux de transe, mais on doit tenir compte de ce que nous dit Patanjali dans le Sutra II du Livre I : "Le Yoga aspire à la libération des perturbations du mental".x La direction menée par ce système de pratiques va vers le dépassement du moi habituel, des transes et des dissociations. Dans l'état avancé d'immersion en soi, hors de toute transe et en pleine veille, il peut se produire cette "suspension du moi", de laquelle nous avons suffisamment d'indicateurs. Il est évident que depuis le début de sa pratique, le sujet s'oriente vers la disparition de ses "bruits" de conscience en amortissant les perceptions externes, les représentations, les souvenirs et les expectatives. Certaines pratiques du Yoga permettent de tranquilliser le mental et de placer le moi en état de suspension durant un bref instant.xi

i Virgile, qui fait une description fantastique de l'anecdote de Cumes, disposait sûrement d'une information plus que suffisante sur les procédés des sibylles tout au long de l'histoire de la Grèce et de Rome. Quoi qu'il en soit, dans le livre VI de l'Énéide, la sibylle dit : « L’Oracle, il faut tenter, voici, voici le Dieu ! Comme elle eut dit ces mots au seuil de la Caverne, Un changement subit au visage on discerne, Le cœur bout de fureur dans le sein oppressé, La couleur se ternit, le poil est hérissé. Plus grande elle paraît, et sa voix plus qu’humaine, De l’estomac enflé pantèle et sort à peine, Vrais signes que le Dieu, près de soi l’attirant, Va de son feu divin ses veines inspirant. » (Ndt : VIRGILE, Énéide, Livre VI. Traduction de Marie de Jars, Demoiselle de Gournay, in Les Advis ou les présents de la demoiselle de Gournay, 1641.)
ii ELIADE, M., Le chamanisme et les techniques d'extase, Paris, Éd. Payot, 1951. L'auteur passe notamment en revue les différentes formes de transe chamanique en Asie Centrale et Septentrionale, au Tibet et en Chine, chez les anciens Indoeuropéens, en Amérique du Nord et du Sud, dans le Sud-Est asiatique et en Océanie.
iii Les anciens appelaient l'épilepsie la "maladie divine". Ils croyaient voir dans les convulsions produites par ce mal une lutte dans laquelle le sujet se défendait de l'altération qui lui arrivait. Les dieux annonçaient ainsi leur arrivée apportant au sujet une "aura" qui le prévenait. Après "l'attaque", le sujet était supposé être inspiré pour prophétiser. Il est pertinent qu'on ait prétendu qu'Alexandre, César et même Napoléon souffraient du "mal divin" car, après tout, ils étaient des hommes de lutte.
iv Dérivé du Togo et du Bénin.
v TOUSSAINT, R., De la mort à la vie : essai sur le phénomène de la zombification à Haïti,Ontario, Éd. Ife, 1993.
vi Dérivé du peuple Yoruba du Togo, du Bénin et du Nigéria, mais aussi d'influences sénégalaises et d'Afrique Occidentale en général.
vii Il est évident que du "magnétisme animal" de Mesmer et de Puységur, à l'hypnose moderne qui commença avec J. Braid, on a pu éliminer tout un attirail totalement accessoire.
viii La tradition de la "prière du cœur" remonte au XIVe siècle au Mont Athos en Grèce. En 1782, elle s'étendit hors des monastères avec la publication de la Philocalie, du moine grec Nicodème l'Hagiorite. La Philocalie fut éditée peu après en russe par Paisij Velitchkovsky.
ix Évagre le Pontique, des "Pères du Désert", écrivit ses apophtegmes au IVe siècle. Il est considéré comme l'un des précurseurs des pratiques du Mont Athos.
x Les aphorismes du Yoga ou Yoga Sutra, rassemblés par Patanjali au IIe siècle est le premier livre de Yoga ayant intégralement conservé ses 195 brèves et magistrales sentences.
xi Techniques du Yoga. Lire également ELIADE M., Le Yoga. Immortalité et liberté.

L'accès aux niveaux profonds


Source: Silo: Psychologie IV

La substitution du moi par une force, un esprit, un dieu ou la personnalité d'un envoûteur ou d'un hypnotiseur fut chose courante dans l'histoire. Le fait de suspendre le moi en évitant toute substitution, est également bien connu, quoique moins courant, notamment dans un certain type de yoga et dans quelques pratiques mystiques avancées. Cela dit, si quelqu'un pouvait suspendre et ensuite faire disparaître le moi, il perdrait tout contrôle structurel de la temporalité et de la spacialité de ses processus mentaux. Il se retrouverait dans une situation antérieure à celle de l'apprentissage de ses premiers pas dans la petite enfance. Ses mécanismes de conscience ne seraient plus en communication ni coordonnés. Il ne pourrait faire appel à sa mémoire. Il ne pourrait se mettre en relation avec le monde ni ne pourrait avancer dans son apprentissage. Nous ne serions pas simplement en présence d'un moi dissocié sous certains aspects, comme c'est le cas dans certains déréglements mentaux, mais nous serions face à quelqu'un dans un état semblable au sommeil végétatif. Par conséquent, ces sottises relatives à "la suppression du moi" ou à "la suppression de l'ego" ne sont pas possibles dans la vie quotidienne. Il est toutefois possible de parvenir à la situation mentale de suppression du moi, non pas dans la vie quotidienne mais dans des conditions déterminées qui partent de la suspension du moi.
L'entrée dans les états profonds se produit depuis la suspension du moi. Depuis cette suspension, des registres significatifs de "conscience lucide" et de compréhension de ses propres limitations mentales se produisent, ce qui constitue déjà une grande avancée. Dans ce passage, on doit tenir compte de certaines conditions incontournables :
1 – Que le pratiquant ait précisé clairement sa Finalité, ce qu’il désire obtenir comme objectif final de son travail.
2 – Qu'il dispose de d'énergie psychophysique en quantité suffisante pour maintenir son attention immergée en soi et concentrée sur la suspension du moi.
3 – Qu'il puisse continuer sans solution de continuité dans l'approfondissement de l'état de suspension jusqu'à ce que les références spatio-temporelles disparaissent.
La Finalité correspond à la direction de tout le processus mais sans que cela occupe tout le centre attentionnel. C’est à dire que la Finalité doit être gravée avec suffisamment de charge affective pour opérer de façon coprésente tandis que l'attention est occupée dans la suspension du moi et dans les pas suivants. Cette préparation conditionne tout le travail postérieur. Quant à l'énergie psychophysique nécessaire pour le maintien de l'attention dans un niveau intéressant de concentration, la principale impulsion provient de l'intérêt qui fait partie de la Finalité. Si l'on constate un manque de puissance ou de permanence, il faudra réviser la préparation qui a été faite de la Finalité. On a besoin d'une conscience débarrassée de fatigue et d’une éducation minimum à la concentration attentionnelle sur un seul objet. Continuer dans l'approfondissement de la suspension jusqu'à parvenir au registre de "vide" signifie que rien ne doit apparaître comme représentation, ni comme registre de sensations internes. Il ne peut, ni ne doit y avoir de registre de cette situation mentale. La position ou les incommodités du corps déclencheront des impulsions qui produiront le retour à la situation mentale de suspension ou à la veille habituelle.
On ne peut rien dire de ce "vide". La récupération des significations inspiratrices, des sens profonds qui sont au-delà des mécanismes et des configurations de conscience, est réalisée depuis le moi quand celui-ci reprend son travail normal de veille. Nous parlons de "traductions" d'impulsions profondes, impulsions qui arrivent à mon intracorps durant le sommeil profond, ou d'impulsions qui parviennent à ma conscience dans une sorte de perception différente de celles connues au moment du "retour" à la veille normale. Nous ne pouvons pas parler de ce monde parce que nous n'avons pas de registre durant l'élimination du moi ; nous disposons seulement des "réminiscences" de ce monde, ainsi que Platon nous le commente dans ses mythes.

La "conscience inspirée"


Source: Silo, psychologie IV

La conscience inspirée est une structure globale, capable d'accéder à des intuitions immédiates de la réalité. Par ailleurs, elle est apte à organiser des ensembles d'expériences et d'expressions, transmises habituellement à travers la philosophie, la science, l'art et la mystique. 

Pour rester dans le style de notre développement, nous pourrions nous demander de façon quelque peu scolaire et répondre sur le même ton : 

Est-ce que la conscience inspirée est un état d'altération ou un état d'immersion en soi ? Est-ce un état perturbé ? Est-ce une rupture de la normalité ? Est-ce une introjection ou une projection extrême ? Il est certain que la "conscience inspirée" est plus qu’un état, c’est une structure globale qui passe par différents états et qui peut se manifester dans différents niveaux. La conscience inspirée perturbe le fonctionnement de la conscience habituelle et rompt la mécanique des niveaux. Enfin, elle est davantage qu'une extrême introjection ou qu'une extrême projection car elle se sert des deux en alternance, et ce en regard de sa finalité. Celle-ci est manifeste quand la conscience inspirée répond à une intention présente, ou dans certains cas, lorsqu'elle répond à une intention non présente mais qui agit de manière coprésente.

En philosophie, les rêves inspirateurs et les inspirations soudaines sont peu nombreux mais quelques penseurs appliquent l'intuition directe pour appréhender les réalités immédiates de la pensée, sans l'intermédiaire de la pensée déductive ou discursive. Il ne s'agit pas des courants "intuitionnistes" en logique et en mathématiques mais de penseurs qui privilégient l'intuition directe, comme Platon avec les Idées, Descartes avec La pensée claire et distincte qui écarte le piège des sens, et Husserl avec ses descriptions des Noesis, "dans la suspension du jugement" (Épochè).i

Dans l'histoire de la science, on recense quelques exemples d'inspiration fulgurante qui provoquèrent d'importantes avancées. Le cas le plus connu, bien que sujet à caution, est celui de la fameuse "chute de la pomme" de Newton.ii Même si cela s'est réellement déroulé ainsi, nous devrions reconnaître, quoi qu'il en soit, que l'inspiration subite fut motivée par une recherche lente mais intense, dirigée vers le système cosmique et la gravité des corps. Nous pouvons citer d'autres exemples, comme ce qui est arrivé au chimiste Kekulé.iii Celui-ci a rêvé une nuit de plusieurs serpents entrelacés qui furent sa source d'inspiration pour développer ses traités sur la chimie organique. Il est certain que sa constante préoccupation de mettre en formules les liens entre les substances avait continué d'agir même dans le niveau de sommeil paradoxal pour emprunter la voie de la représentation allégorique.

On connaît de nombreux exemples de rêves inspirateurs dans l'art. Mary Shelley avait déclaré à ses amis qu'elle sentait cette « …vide incapacité de pouvoir inventer, ce qui est le plus grand malheur d'un auteur. »iv Mais cette nuit-là, elle vit dans ses rêves l'être horrible qui inspira sa nouvelle "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Il se produisit la même chose pour R.L. Stevenson lorsqu'il entreprit, à partir d'un rêve, son récit fantastique "Le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde".v Dans le domaine des arts, les inspirations de veille des écrivains et des poètes sont bien évidemment les plus connues, mais nous sommes parvenus par d'autres biais à connaître aussi les inspirations des peintres. Kandinsky, dans "le spirituel dans l'art" décrit la nécessité intérieure qui s'exprime en tant qu’inspiration de l'œuvre artistique.vi Des artistes plasticiens, écrivains, musiciens, danseurs et acteurs ont cherché l'inspiration en essayant de se placer dans des espaces physiques et mentaux non habituels. Les différents styles artistiques qui font écho aux conditions de l'époque ne sont pas simplement des modes ou des façons de générer, saisir et interpréter l'œuvre artistique mais des manières de "se prédisposer" pour recevoir et donner des impacts sensoriels. Cette "disposition" est ce qui module la sensibilité individuelle et collective et par conséquent, elle est le pré-dialogue qui permet d'établir la communication esthétique.vii



Il y a dans la mystique de vastes domaines d'inspiration. Précisons que lorsque nous parlons de "mystique" en général, nous faisons référence aux phénomènes psychiques "d'expérience du sacré" dans ses diverses profondeurs et expressions. Il existe une abondante littérature qui relate des rêvesviii, des "visions" en demi-sommeilix et des intuitions en veillex de personnages référents dans les religions, les sectes et les groupes mystiques.

Les états anormaux abondent également (dans ce domaine) ainsi que les cas extraordinaires d'expérience du sacré que nous pouvons classer comme suit : l'extase : situations mentales dans lesquelles le sujet reste comme suspendu, plongé à l’intérieur de lui-même, absorbé et ébloui ; le ravissement, caractérisé par une agitation émotive et motrice incontrôlable dans laquelle le sujet se sent transporté, emporté hors de lui, vers d'autres paysages du mental, d'autres temps, d'autres espaces ; enfin la reconnaissance dans laquelle le sujet croit comprendre le Tout en un instant. 

À ce sujet, nous considérons la conscience inspirée dans son expérience du sacré, car la conscience est variable dans sa façon d'être face aux phénomènes extraordinaires, même si par extension, on a aussi attribué ces fonctionnements mentaux aux ravissements du poète ou du musicien, cas dans lesquels "le sacré" peut ne pas être présent.

Nous avons cité des structures de conscience que nous avons appelées "conscience inspirée" et nous avons relevé leur présence dans les vastes domaines que sont la philosophie, la science, l’art et la mystique. Mais la conscience inspirée apparaît aussi dans la vie quotidienne par les intuitions ou les inspirations de la veille, du demi-sommeil ou du sommeil paradoxal. Les exemples d'inspiration du quotidien sont ceux de l’état amoureux, des compréhensions subites de situations complexes, de la résolution instantanée de problèmes qui perturbaient le sujet depuis longtemps. Ces quelques cas mentionnés ne garantissent cependant pas la justesse, la vérité ou la coïncidence entre le phénomène et l’objet, même si les registres de "certitude" qui accompagnent ces états sont de grande importance. 

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i Platon et Aristote connaissaient les différences entre le penser intuitif et le penser discursif, Platon privilégiant le premier. Pour lui, les Idées du Bon et du Beau dénotent la contemplation directe et sont réelles, tandis que les choses bonnes ou belles dérivent de ces Idées et ne possèdent pas la même réalité immédiate. Nous devons à Descartes, ce grand apport de la pensée qui pense sur elle-même sans intermédiaire et à Husserl le contact direct avec les noèses, les actes du penser et les noèmes, les objets liés intentionnellement aux actes du penser.

ii Isaac Newton, en 1666 à Woolsthorpe, Royaume-Uni.
iii Auguste Kekulé établit en 1865 à Bonn, Allemagne, la théorie de la quadrivalence du carbone et la formule hexagonale du benzène.
iv Mary Godwin. L'histoire se trouve dans les notes que Polidori écrivit dans son journal le 18 juin 1816 à la villa Diodati, à côté du lac Léman, Suisse.
v R.L. Balfour, dans les îles Samoa en 1886.
vi Wassily Kandinsky, en 1911 à Moscou.
vii SILO, Op. Cit. vol I., Conférence sur les conditions du dialogue donnée à l'Académie des Sciences de Moscou en 1999.
viii IV Brihadaranyaka Upanishad. "Quand l'esprit humain s'est retiré au repos, il retient avec lui les matériaux de ce monde dans lequel sont contenues toutes les choses, et alors il crée et détruit sa propre gloire et irradiation, car l'Esprit brille de sa propre lumière".
ix La Bible. Da-niyye-1. X, 7, version espagnole de Dujovne Kostantinovsky. "Et moi seul, Da Niyye-1, je vis la vision ; car les hommes qui étaient avec moi ne la virent pas, mais sur eux est tombée une grande terreur et ils coururent se cacher".
x L'Avesta. Les Gothas. Yasna XLV, 2-3. "Je proclamerai ce premier enseignement au Monde. Enseignement que m'a révélé l'Omniscient Ahura Mazda. Je parlerai des deux premiers Esprits du monde, et du bon qui dit au mauvais : Ni nos pensées, ni nos commandements, ni notre intelligence, ni nos croyances, ni nos œuvres, ni notre conscience, ni nos âmes ne sont d’accord en rien".

2013/04/25

LES QUATRE DISCIPLINES


Depuis des temps anciens ont existé des procédés capables de conduire les personnes vers des états de conscience exceptionnels, états dans lesquels une plus grande amplitude et une plus grande inspiration mentale se juxtaposaient à la torpeur des facultés habituelles. Ces états altérés présentaient des similitudes avec le rêve, l’ivresse, certaines intoxications et la démence. 
Fréquemment, la production de telles anomalies a été associée à des "entités" personnelles ou animales, ou bien à des "forces" naturelles qui se manifestaient précisément dans ces paysages mentaux spéciaux. À mesure que l’on a commencé à comprendre l’importance de ces phénomènes, des explications et des techniques ont été précisées dans l’intention de donner une direction à des processus sur lesquels, au début, il n’y avait pas de contrôle. Déjà à ces époques historiques, dans différentes cultures (et souvent dans l’ombre des religions), des écoles mystiques se sont développées, mettant à l’épreuve leurs voies d’accès au Profond. De nos jours encore, on peut apprécier dans la culture matérielle, dans les mythes, dans les légendes et dans les productions littéraires, des fragments de conceptions et de pratiques en groupes et individuelles très avancées pour les époques auxquelles vivaient ces personnes.