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2016/01/03

La “religion extérieure” et la réligion intérieure

1.     Ce que l'on dit des choses et des faits ne sont ni les choses ni les faits, mais leurs “figures” avec lesquelles ils ont une certaine structure en commun. C'est grâce à cette structure commune que l'on peut mentionner les choses et les faits. Quant à cette structure, elle ne peut pas être mentionnée de la même manière que les choses parce que c'est la structure de ce qui se dit (ainsi que celle des choses et des faits). Conformément à cela, le langage peut montrer mais non dire quand il se réfère à ce qui “inclut” tout (y compris le langage lui‑même). Tel est le cas pour “Dieu”.
2.     On a dit diverses choses sur Dieu, mais cela apparaît comme un contresens dès que l'on observe ce qui se dit, ce que l'on prétend dire.
3.     De Dieu, on ne peut rien dire. On peut seulement dire à propos de ce qui a été dit sur Dieu. Nombreuses sont les choses dites sur lui et beaucoup peut être dit sur ces dires sans pour autant avancer sur la question de Dieu, c'est‑à‑dire à propos de Dieu lui‑même.
4.     Indépendamment de ces jeux de mots, les religions ne peuvent être d'un profond intérêt que si elles prétendent montrer Dieu et non dire sur lui.
5.     Mais les religions montrent ce qui existe dans leurs paysages respectifs. C'est pourquoi une religion n'est ni vraie ni fausse car sa valeur n'est pas logique. Sa valeur se fonde sur le type de registre intérieur qu'elle suscite, dans l'accord de paysages entre ce que l'on veut montrer et ce qui est effectivement montré.
6.     La littérature est en général liée à des paysages extérieurs et humains ; les caractéristiques et les attributs des dieux n'échappent pas à ces paysages. Néanmoins, même si les paysages extérieurs et humains se modifient, la littérature religieuse peut traverser les âges. Cela n'est pas étonnant puisque un autre genre de littérature (non religieuse) peut également être suivi avec intérêt et avec une vive émotion à des époques très éloignées. La permanence dans le temps d'un culte n'en dit pas beaucoup sur sa “vérité”, puisque les formalités légales et les cérémonies sociales passent de culture en culture et que l'on continue de les observer en ignorant, cependant, leur signification d'origine.
7.     Les religions surgissent dans un paysage humain et dans un moment historique ; on dit alors que Dieu “se révèle” à l'homme. Mais quelque chose s'est passé dans le paysage intérieur de l'être humain pour qu'à ce moment historique une telle révélation soit acceptée. L'interprétation de ce changement s'est faite généralement du “dehors” de l'homme, situant ce changement dans le monde extérieur ou dans le monde social ; ainsi, on a gagné sous certains aspects mais on a perdu en compréhension du phénomène religieux quant au registre intérieur.
8.     Les religions, elles aussi, se sont présentées comme externalité ; ainsi, elles ont préparé le terrain aux interprétations mentionnées.
9.     Quand je parle de “religion extérieure”, je ne me réfère pas aux images psychologiques projetées sous forme d'icônes, peintures, statues, édifices, reliques (propres à la perception visuelle). Je ne mentionne pas non plus leur projection sous forme de cantiques, prières (propres à la perception auditive), ni à leur projection sous forme de gestes, postures et orientations du corps dans des directions précises (propres aux perceptions kinesthésique et cénesthésique). Enfin, je ne dis pas non plus qu'une religion est extérieure parce qu'elle s'appuie sur ses livres sacrés ou sur des sacrements, etc. Je ne désigne même pas une religion comme extérieure parce qu'elle ajoute une église à sa liturgie, une organisation, des dates de culte, un certain état physique ou un certain âge des croyants pour effectuer des opérations déterminées. Non. Cette forme, où les partisans de telle ou telle religion luttent entre eux de façon mondaine – chaque camp attribuant à l'autre divers degrés d'idolâtrie pour le type d'image préférée avec lequel les uns et les autres travaillent –, cette forme ne constitue pas la substance du sujet (sauf pour montrer la totale ignorance psychologique des adversaires).
10. J'appelle “religion extérieure” toute religion qui prétend dire sur Dieu et sur la volonté de Dieu, au lieu de dire sur le religieux et sur le registre intime de l'être humain. Le soutien par un culte extériorisé pourrait même avoir un sens si, avec de telles pratiques, les croyants éveillaient en eux‑mêmes (montraient) la présence de Dieu.
11. Toutefois le fait que les religions aient été jusqu'à présent extérieures correspond au paysage humain dans lequel elles sont nées et se sont développées. La naissance d'une religion intérieure est possible, de même que la conversion des religions à la religiosité intérieure, si, toutefois, elles survivent. Mais cela arrivera dans la mesure où le paysage intérieur sera en condition d'accepter une nouvelle révélation. Et déjà, on commence à l'entrevoir dans les sociétés où le paysage humain fait l'expérience de changements si sévères que le besoin de références intérieures se fait de plus en plus impérieux.
12. Rien de ce qui a été dit sur les religions ne peut aujourd'hui se maintenir debout, car ceux qui s'en sont fait les apologistes ou les détracteurs ont cessé depuis longtemps de remarquer le changement intérieur chez l'être humain. Si certains pensaient les religions comme des somnifères de l'activité politique ou sociale, aujourd'hui ils y sont confrontés à cause de leur forte poussée dans ces domaines. Si d'autres les imaginaient imposant leur message, ils trouvent que leur message a changé. Ceux qui croyaient qu'elles allaient durer pour toujours doutent aujourd'hui de leur “éternité”, et ceux qui supposaient leur disparition à court terme assistent avec surprise à l'irruption de formes mystiques manifestes ou larvées.

13. Et dans ce domaine, peu nombreux sont ceux qui pressentent ce qu'offre le futur, parce que rares sont ceux qui s'attellent à la tâche de comprendre dans quelle direction marche l'intentionnalité humaine qui, résolument, transcende l'individu humain. Si l'homme veut que quelque chose de nouveau “se montre”, c'est parce que ce qui tend à “se montrer” est déjà à l'œuvre dans son paysage intérieur. Mais ce n'est pas en prétendant être le représentant d'un dieu que le registre intérieur de l'homme devient la demeure ou le paysage d'un regard (d'une intention) transcendant.

Voir Humaniser la terre, chap. XII.
  

2015/12/31

Le Moi, la réminiscence et l'origine des religions exterieures

Le double a besoin de sensations ; sans sensations, la conscience ne pourrait pas fonctionner, elle ne pourrait pas structurer et tout serait foutu. Sensations des sens externes et des sens internes. Tu ne peux enlever ton “moiˮ comme disent certains. Il ne s’agit pas non plus d’annuler le “moiˮ, car on ne pourrait pas se bouger dans ce temps et dans cet espace. Enlève les sensations à la conscience et tu vas voir le bazar que ça produit : 40 minutes dans une chambre de silence et tu commences à voir des petits anges… la conscience ne peut fonctionner sans les sensations. 
La structure de la conscience n’a pas d’autonomie des sensations internes et externes, lorsque se rompt cet équilibre du “moiˮ, tout s’arrête. Dans la mort, le “moiˮ disparait, tu restes sans rien.

Le “moiˮ permet que l’on se meuve dans ce monde, mais si le “moiˮ “s’envolait, s’il se déconnectait un instant, en reconnectant, tu ne saurais que dire de ce qu’il s’est passé, tu aurais seulement un vague souvenir, une réminiscence. De “celaˮ, on ne sait rien, seulement des traductions. Lorsque tu parlerais de “çaˮ, ce seront des traductions, ce n’est pas ce monde, parce que “çaˮ se meut dans d’autres temps et dans d’autres espaces : ce sont des traductions de ces temps et de ces espaces Sacrés.

Si on suspendait pour un instant le fonctionnement du “moiˮ et que l’on connectait avec le Profond, on pourrait expérimenter une quantité de choses qui se passent dans cet instant sans temps et sans espace. Qui après pour être racontées dans ce temps et dans cet espace, devront être traduites d’une certaine manière, parce que si tu ne les traduis pas, il n’y a pas de façon de les décrire, c’est seulement en les traduisant, en accord avec le paysage de chacun et de l’époque. Et tu peux le faire par le souvenir que tu as ou la réminiscence de ce que tu as expérimenté. Au mieux, tu racontes une chose parmi celles qui se sont passées… dans le temps d’un clignement d’œil…

C’est avec les traductions de ces réminiscences, de ces contacts avec le Profond que se sont montées les religions externes. Sans aucun doute, ont-ils eu ces contacts, imaginez Mahomet ou Bouddha, les choses qu’ils ont traduites après, pour raconter cette expérience. 

On peut faire différents récits du Profond, des dieux et des autres choses, mais ce qui existe ce sont les signifiants profonds, qui peuvent donner un sens à tout. Pour nous, ce qui nous intéresse, c’est l’expérience, les procédés pour parvenir “là où demeurent les dieuxˮ. Les signifiants des choses, dans la vie quotidienne, sont comme des signifiants tombés de ceux plus profonds…

… L’espace interne est incommensurable, il correspond au Profond de l’œil vers l’intérieur. On a le vertigeˮ du Profond. Le Sacré est notre thème, mais on ne peut parler du Sacré ; les religions se sont spécialisées dans la traduction du Sacré en langage quotidien. 
Ce qui nous intéresse surtout, ce sont les procédés pour arriver à ça, les procédés pour arriver à la demeure des dieux. Si vous faites ces procédés, vous allez entrer dans ce monde.

Le matériel de la R.I. prend de la force. Mais maintenant, dans le moment actuel, où les gens ont-ils la tête ? Ils ont un bruit important. Nous verrons dans l’avenir ce qui se passe dans la tête humaine.

Compilation partielle.Version 18 juillet 2012 
Andrés K.

2015/04/23

À propos des signaux des espaces sacrés et de leurs traductions en mythes-racines

Extraits de: 
Investigation sur le Dessein d’Homo sapiens au Paléolithique supérieur : de la quête de survie à la quête de transcendance.

"Par moment, quand tout va mal pour les êtres humains d'une région ou d'une époque, cela génère une "grande clameur".
Alors, le Dessein émerge des Profondeurs et susurre à l’oreille de l’homme : N’imagine pas que tu es enchaîné à cet espace et à ce temps13.
Alors, l’homme chevauche la Direction transcendante qui le conduit dans son intériorité profonde et il a le registre que ces espaces et ces temps sont au-delà de son espace-temps habituel, au-delà de sa mort.
Alors, l’homme capte des "signaux" qu’il va traduire en mythes ; mythes qui génèrent une spiritualité (ou une mystique ou une religion) donnant lieu à une culture qui, à son tour, donnera identité à une région, comme par exemple à l’Europe du Paléolithique supérieur.

Question à Silo : Comment peut-on expliquer que les mythes-racines qui ont donné naissance à tant de civilisations importantes, trouvent leur origine chez des peuples primitifs ?

Réponse : Les peuples sont considérés primitifs ou pas selon leur niveau d’organisation sociale et, en ce sens, il existe toute une panoplie de peuples, depuis les troglodytes jusqu’aux peuples avec un niveau de développement comme celui d’aujourd’hui, mais quant au développement de leur fonctionnement interne, les troglodytes sont très semblables aux contemporains… Les signaux qui sont à l'origine du mythe proviennent de l'équipement avec lequel naît l'être humain et ils peuvent être traduits de manières très diverses. Mais encore s'agit-il de les écouter et de les traduire. Ces signaux existent dans l'équipement de tous les êtres humains. Écouter ou ne pas écouter ces signaux, c’est ce qui fait la différence… Ce qui se produit en réalité, c'est qu’à chaque époque, l'être humain traduit ces signaux provenant de ces autres espaces-temps. Il peut les traduire de différentes manières, sous forme de dieux, de déesses, de plusieurs dieux, d'un seul dieu, ou encore sans dieu...

Q. : Qu'est-ce qui détermine la traduction de ces signaux ?
R. : Les conditionnements de la perception. La structure de la perception dépend du monde que tu vois à l'extérieur de la peau, le monde de l'espace-temps du moi. Ne te trompe pas en croyant que tes images, tes pensées, tes émotions, tes registres sont d'un autre monde. Les images qui sont dans ta mémoire sont des images du monde de dehors, les registres que tu expérimentes dans ta cénesthésie sont des registres de ton interaction avec ce monde, les émotions sont des émotions de ton interaction avec ce monde. Les pensées sont des pensées ayant ce monde pour base. Il n’y a pas de perception des espaces-temps du monde interne profond, du monde qui transcende celui-ci...

Q. : Comment se traduisent les signaux qui sont à l'origine du mythe ?
R. : Si tu ne te places pas dans cet autre monde, tu ne peux pas traduire ces signaux. La vision qu'il y a quelque chose au-delà de la perception est nécessaire. Il faut se placer dans un espace interne différent de celui de la perception habituelle pour reconnaître le sens de ces signaux internes et pour que le mythe puisse être traduit en soi-même.

Voilà à quoi servent les expériences inspiratrices : servir de pont de liaison entre les mondes. Si tu te places dans ce monde, tu reconnaîtras au moins les signaux de ce monde à travers ses traductions.14"

12 Silo, Psychologie IV dans Notes de Psychologie, www.silo.net
13 Silo, Le Message de Silo, Éd. Références, Paris, 2010, p.153
14 Notes d’une conversation entre Enrique Nassar et Silo, Mendoza, Argentine, 26 Novembre 2006
15 Explications sur le Message de Silo, Santiago du Chili 8/09/2001, http://silo.videos.mensajedesilo.cl