La « Charte pour un monde sans violence » est le résultat de plusieurs années de travail de personnes et d’organisations ayant reçu le prix Nobel de la paix. Une première ébauche a été présentée au 7e Sommet des prix Nobel en 2006 et la version finale a été approuvée lors du 8e Sommet en décembre 2007 à Rome. Ses points de vue et ses propositions sont très proches de ceux de la Marche.
Le 11 novembre 2009, lors du 10e Sommet mondial
qui se tiendra à Berlin, les lauréats du prix Nobel de la paix présenteront la
Charte pour un monde sans violence aux promoteurs de la Marche mondiale pour la
paix et la non-violence, qui agiront comme émissaires du document dans le cadre
de son effort de sensibilisation mondiale à la violence. Silo, fondateur de
l’humanisme universaliste et inspirateur de la Marche mondiale, parlera de la
signification de la paix et de la non-violence dans le moment présent.
Charte pour
un monde sans violence
La violence est une maladie évitable
Aucun État ni aucun individu ne peut être en
sécurité dans un monde instable. Les valeurs de non-violence dans l’intention,
la pensée et la pratique sont passées d’une option à une nécessité. Ces valeurs
s’expriment dans leur application entre États, groupes et individus.
Nous sommes convaincus que l’adhésion aux
valeurs de non-violence ouvrira la voie à un ordre mondial plus pacifique et
civilisé dans lequel une gouvernance plus efficace et plus juste, respectueuse
de la dignité humaine et du caractère sacré de la vie elle-même, pourra devenir
une réalité.
Nos cultures, nos histoires et nos vies
individuelles sont interconnectées et nos actions sont interdépendantes.
Aujourd’hui plus que jamais, nous croyons qu’une vérité s’offre à nous : notre
destin est un destin commun. Ce destin sera défini par nos intentions, nos
décisions et nos actions d’aujourd’hui.
Nous sommes en outre convaincus que la création
d’une culture de paix et de non-violence, bien que difficile et longue, est à
la fois nécessaire et noble. L’affirmation des valeurs contenues dans cette
Charte est une étape essentielle pour assurer la survie et le développement de
l’humanité et la réalisation d’un monde sans violence.
Nous, lauréats du prix Nobel de la paix et
organisations lauréates,
Réaffirmant notre attachement à la Déclaration
universelle des droits de l’homme ;
Motivés par le souci de mettre un terme à la
propagation de la violence à tous les niveaux de la société et en particulier
aux menaces qui pèsent à l’échelle mondiale sur l’existence même de l’humanité
;
Réaffirmant que la liberté de pensée et
d’expression est à la base de la démocratie et de la créativité ;
Reconnaissant que la violence se manifeste de
nombreuses manières, telles que les conflits armés, l’occupation militaire, la
pauvreté, l’exploitation économique, la destruction de l’environnement, la
corruption et les préjugés fondés sur la race, la religion, le sexe ou
l’orientation sexuelle ;
Conscients que la glorification de la violence
telle qu’exprimée par le biais du divertissement commercial peut contribuer à
l’acceptation de la violence comme une condition normale et acceptable ;
Sachant que ceux qui sont le plus touchés par
la violence sont les plus faibles et les plus vulnérables ;
Rappelant que la paix n’est pas seulement
l’absence de violence mais qu’elle est la présence de la justice et du
bien-être des peuples ;
Conscients que l’incapacité des États à prendre
suffisamment en compte la diversité ethnique, culturelle et religieuse est à
l’origine d’une grande partie de la violence dans le monde ;
Reconnaissant la nécessité urgente de
développer une approche alternative de la sécurité collective fondée sur un
système dans lequel aucun pays, ni groupe de pays, ne dépend des armes
nucléaires pour sa sécurité ;
Conscients que le monde a besoin de mécanismes
et d’approches mondiaux efficaces pour la prévention et la résolution non
violentes des conflits, et que ces mécanismes et approches sont plus efficaces
lorsqu’ils sont appliqués le plus tôt possible ;
Affirmant que les personnes investies du
pouvoir ont la plus grande responsabilité de mettre fin à la violence là où
elle se produit et de prévenir la violence chaque fois que cela est possible ;
Affirmant que les valeurs de la non-violence
doivent triompher à tous les niveaux de la société ainsi que dans les relations
entre les États et les peuples ;
Demandons à la communauté internationale de
promouvoir les principes suivants :
1.
Dans
un monde interdépendant, la prévention et la cessation des conflits armés entre
les États et au sein de ceux-ci peuvent nécessiter l’action collective de la
communauté internationale. La sécurité des États individuels peut être mieux
assurée en faisant progresser la sécurité humaine mondiale. Cela nécessite de
renforcer la capacité de mise en œuvre du système des Nations Unies ainsi que
des organisations régionales de coopération.
2.
Pour
parvenir à un monde sans violence, les États doivent respecter la primauté du
droit et honorer leurs engagements juridiques à tout moment.
3.
Il
est essentiel de progresser sans plus tarder vers l’élimination universelle et
vérifiable des armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Les
États qui possèdent de telles armes doivent prendre des mesures concrètes en
faveur du désarmement et d’un système de sécurité qui ne repose pas sur la
dissuasion nucléaire. Dans le même temps, les États doivent poursuivre leurs
efforts pour consolider le régime de non-prolifération nucléaire, en prenant
des mesures telles que le renforcement de la vérification multilatérale, la
protection des matières nucléaires et la promotion du désarmement.
4.
Pour
contribuer à éliminer la violence dans la société, la production et la vente
d’armes légères et de petit calibre doivent être réduites et strictement
contrôlées aux niveaux international, régional, national et local. En outre, il
faut assurer l’application intégrale et universelle des accords internationaux
de désarmement, comme le Traité d’interdiction des mines de 1997, et soutenir
les nouveaux efforts visant à éradiquer l’impact des armes déclenchées par les
victimes et qui frappent sans discrimination, comme les armes à sous-munitions.
Il faut également promulguer un traité complet et efficace sur le commerce des
armes.
5.
Le
terrorisme ne peut jamais être justifié, car la violence engendre la violence
et aucun acte de terreur contre la population civile d’un pays ne peut être
perpétré au nom d’une cause quelconque. La lutte contre le terrorisme ne peut
cependant justifier la violation des droits de l’homme, du droit international
humanitaire, des normes de la civilisation et de la démocratie.
6.
Mettre
fin à la violence domestique et familiale exige le respect inconditionnel de
l’égalité, de la liberté, de la dignité et des droits des femmes, des hommes et
des enfants par tous les individus, les institutions de l’État, la religion et
la société civile. Ces protections doivent être inscrites dans les lois et les
conventions aux niveaux local et international.
7.
Chaque
individu et chaque État partagent la responsabilité de prévenir la violence
contre les enfants et les jeunes, notre avenir commun et notre don le plus
précieux. Tous ont droit à une éducation de qualité, à des soins de santé
primaires efficaces, à la sécurité personnelle, à la protection sociale, à une
pleine participation à la société et à un environnement propice qui renforce la
non-violence comme mode de vie. L’éducation à la paix, la promotion de la
non-violence et la mise en valeur de la qualité humaine innée de la compassion
doivent être une partie essentielle du programme des établissements
d’enseignement à tous les niveaux.
8.
Pour
prévenir les conflits résultant de l’épuisement des ressources naturelles, en
particulier des ressources énergétiques et hydriques, les États doivent prendre
des mesures concrètes pour protéger l’environnement et encourager les
populations à adapter leur consommation en fonction de la disponibilité des
ressources et des besoins humains réels, en créant des mécanismes et des normes
juridiques.
9.
Nous
demandons à l’ONU et à ses États membres de promouvoir la valorisation de la
diversité ethnique, culturelle et religieuse. La règle d’or d’un monde non
violent est de traiter les autres comme on souhaite être traité.
10.
Les
principaux outils politiques pour faire naître un monde non violent sont des
institutions démocratiques fonctionnelles et un dialogue fondé sur la dignité,
la connaissance et le compromis, mené sur la base d’un équilibre entre les
intérêts des parties concernées et, le cas échéant, en incluant les
préoccupations relatives à l’ensemble de l’humanité et à l’environnement
naturel.
11.
Tous
les États, institutions et individus doivent soutenir les efforts visant à
remédier aux inégalités dans la répartition des ressources économiques et à
résoudre les inégalités flagrantes qui créent un terrain fertile pour la
violence. Le déséquilibre des conditions de vie conduit inévitablement à un
manque d’opportunités et, dans de nombreux cas, à une perte d’espoir.
12.
La
société civile, y compris les défenseurs des droits de l’homme, les militants
pour la paix et l’environnement, doit être reconnue et protégée comme
essentielle à la construction d’un monde non violent, car tous les
gouvernements doivent servir les besoins de leur peuple, et non l’inverse. Des
conditions doivent être créées pour permettre et encourager la participation de
la société civile, en particulier celle des femmes, aux processus politiques
aux niveaux mondial, régional, national et local.
13.
En
mettant en œuvre les principes de cette Charte, nous appelons chacun à œuvrer
ensemble pour un monde juste et sans meurtre, dans lequel chacun a le droit de
ne pas être tué et la responsabilité de ne pas tuer les autres.
Pour lutter contre toutes les formes de
violence, nous encourageons la recherche scientifique dans les domaines de
l’interaction humaine et du dialogue, et nous invitons les communautés
universitaires, scientifiques et religieuses à participer pour nous aider dans
la transition vers des sociétés non violentes et sans meurtre.
Signataires du prix Nobel
Mairead Corrigan
Maguire
Sa Sainteté le Dalaï
Lama
Mikhail Gorbatchev
Lech Walesa
Frederik Willem De Klerk
Archevêque Desmond
Mpilo Tutu
Jody Williams
Shirin Ebadi
Mohamed ElBaradei
John Hume
Carlos Filipe Ximenes Belo
Betty Williams
Muhammad Yunus
Wangari Maathai
Médecins
internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire
Croix-Rouge
Agence internationale
de l'énergie atomique
American Friends
Service Committee
Bureau international
de la paix
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