2025/02/12

Charte pour un monde sans violence

La « Charte pour un monde sans violence » est le résultat de plusieurs années de travail de personnes et d’organisations ayant reçu le prix Nobel de la paix. Une première ébauche a été présentée au 7e Sommet des prix Nobel en 2006 et la version finale a été approuvée lors du 8e Sommet en décembre 2007 à Rome. Ses points de vue et ses propositions sont très proches de ceux de la Marche.

Le 11 novembre 2009, lors du 10e Sommet mondial qui se tiendra à Berlin, les lauréats du prix Nobel de la paix présenteront la Charte pour un monde sans violence aux promoteurs de la Marche mondiale pour la paix et la non-violence, qui agiront comme émissaires du document dans le cadre de son effort de sensibilisation mondiale à la violence. Silo, fondateur de l’humanisme universaliste et inspirateur de la Marche mondiale, parlera de la signification de la paix et de la non-violence dans le moment présent.

 

Charte pour un monde sans violence

La violence est une maladie évitable

Aucun État ni aucun individu ne peut être en sécurité dans un monde instable. Les valeurs de non-violence dans l’intention, la pensée et la pratique sont passées d’une option à une nécessité. Ces valeurs s’expriment dans leur application entre États, groupes et individus.

Nous sommes convaincus que l’adhésion aux valeurs de non-violence ouvrira la voie à un ordre mondial plus pacifique et civilisé dans lequel une gouvernance plus efficace et plus juste, respectueuse de la dignité humaine et du caractère sacré de la vie elle-même, pourra devenir une réalité.

Nos cultures, nos histoires et nos vies individuelles sont interconnectées et nos actions sont interdépendantes. Aujourd’hui plus que jamais, nous croyons qu’une vérité s’offre à nous : notre destin est un destin commun. Ce destin sera défini par nos intentions, nos décisions et nos actions d’aujourd’hui.

Nous sommes en outre convaincus que la création d’une culture de paix et de non-violence, bien que difficile et longue, est à la fois nécessaire et noble. L’affirmation des valeurs contenues dans cette Charte est une étape essentielle pour assurer la survie et le développement de l’humanité et la réalisation d’un monde sans violence.

Nous, lauréats du prix Nobel de la paix et organisations lauréates,

Réaffirmant notre attachement à la Déclaration universelle des droits de l’homme ;

Motivés par le souci de mettre un terme à la propagation de la violence à tous les niveaux de la société et en particulier aux menaces qui pèsent à l’échelle mondiale sur l’existence même de l’humanité ;

Réaffirmant que la liberté de pensée et d’expression est à la base de la démocratie et de la créativité ;

Reconnaissant que la violence se manifeste de nombreuses manières, telles que les conflits armés, l’occupation militaire, la pauvreté, l’exploitation économique, la destruction de l’environnement, la corruption et les préjugés fondés sur la race, la religion, le sexe ou l’orientation sexuelle ;

Conscients que la glorification de la violence telle qu’exprimée par le biais du divertissement commercial peut contribuer à l’acceptation de la violence comme une condition normale et acceptable ;

Sachant que ceux qui sont le plus touchés par la violence sont les plus faibles et les plus vulnérables ;

Rappelant que la paix n’est pas seulement l’absence de violence mais qu’elle est la présence de la justice et du bien-être des peuples ;

Conscients que l’incapacité des États à prendre suffisamment en compte la diversité ethnique, culturelle et religieuse est à l’origine d’une grande partie de la violence dans le monde ;

Reconnaissant la nécessité urgente de développer une approche alternative de la sécurité collective fondée sur un système dans lequel aucun pays, ni groupe de pays, ne dépend des armes nucléaires pour sa sécurité ;

Conscients que le monde a besoin de mécanismes et d’approches mondiaux efficaces pour la prévention et la résolution non violentes des conflits, et que ces mécanismes et approches sont plus efficaces lorsqu’ils sont appliqués le plus tôt possible ;

Affirmant que les personnes investies du pouvoir ont la plus grande responsabilité de mettre fin à la violence là où elle se produit et de prévenir la violence chaque fois que cela est possible ;

Affirmant que les valeurs de la non-violence doivent triompher à tous les niveaux de la société ainsi que dans les relations entre les États et les peuples ;

Demandons à la communauté internationale de promouvoir les principes suivants :

 

1.         Dans un monde interdépendant, la prévention et la cessation des conflits armés entre les États et au sein de ceux-ci peuvent nécessiter l’action collective de la communauté internationale. La sécurité des États individuels peut être mieux assurée en faisant progresser la sécurité humaine mondiale. Cela nécessite de renforcer la capacité de mise en œuvre du système des Nations Unies ainsi que des organisations régionales de coopération.

2.         Pour parvenir à un monde sans violence, les États doivent respecter la primauté du droit et honorer leurs engagements juridiques à tout moment.

3.         Il est essentiel de progresser sans plus tarder vers l’élimination universelle et vérifiable des armes nucléaires et autres armes de destruction massive. Les États qui possèdent de telles armes doivent prendre des mesures concrètes en faveur du désarmement et d’un système de sécurité qui ne repose pas sur la dissuasion nucléaire. Dans le même temps, les États doivent poursuivre leurs efforts pour consolider le régime de non-prolifération nucléaire, en prenant des mesures telles que le renforcement de la vérification multilatérale, la protection des matières nucléaires et la promotion du désarmement.

4.         Pour contribuer à éliminer la violence dans la société, la production et la vente d’armes légères et de petit calibre doivent être réduites et strictement contrôlées aux niveaux international, régional, national et local. En outre, il faut assurer l’application intégrale et universelle des accords internationaux de désarmement, comme le Traité d’interdiction des mines de 1997, et soutenir les nouveaux efforts visant à éradiquer l’impact des armes déclenchées par les victimes et qui frappent sans discrimination, comme les armes à sous-munitions. Il faut également promulguer un traité complet et efficace sur le commerce des armes.

5.         Le terrorisme ne peut jamais être justifié, car la violence engendre la violence et aucun acte de terreur contre la population civile d’un pays ne peut être perpétré au nom d’une cause quelconque. La lutte contre le terrorisme ne peut cependant justifier la violation des droits de l’homme, du droit international humanitaire, des normes de la civilisation et de la démocratie.

6.         Mettre fin à la violence domestique et familiale exige le respect inconditionnel de l’égalité, de la liberté, de la dignité et des droits des femmes, des hommes et des enfants par tous les individus, les institutions de l’État, la religion et la société civile. Ces protections doivent être inscrites dans les lois et les conventions aux niveaux local et international.

7.         Chaque individu et chaque État partagent la responsabilité de prévenir la violence contre les enfants et les jeunes, notre avenir commun et notre don le plus précieux. Tous ont droit à une éducation de qualité, à des soins de santé primaires efficaces, à la sécurité personnelle, à la protection sociale, à une pleine participation à la société et à un environnement propice qui renforce la non-violence comme mode de vie. L’éducation à la paix, la promotion de la non-violence et la mise en valeur de la qualité humaine innée de la compassion doivent être une partie essentielle du programme des établissements d’enseignement à tous les niveaux.

8.         Pour prévenir les conflits résultant de l’épuisement des ressources naturelles, en particulier des ressources énergétiques et hydriques, les États doivent prendre des mesures concrètes pour protéger l’environnement et encourager les populations à adapter leur consommation en fonction de la disponibilité des ressources et des besoins humains réels, en créant des mécanismes et des normes juridiques.

9.         Nous demandons à l’ONU et à ses États membres de promouvoir la valorisation de la diversité ethnique, culturelle et religieuse. La règle d’or d’un monde non violent est de traiter les autres comme on souhaite être traité.

10.     Les principaux outils politiques pour faire naître un monde non violent sont des institutions démocratiques fonctionnelles et un dialogue fondé sur la dignité, la connaissance et le compromis, mené sur la base d’un équilibre entre les intérêts des parties concernées et, le cas échéant, en incluant les préoccupations relatives à l’ensemble de l’humanité et à l’environnement naturel.

11.     Tous les États, institutions et individus doivent soutenir les efforts visant à remédier aux inégalités dans la répartition des ressources économiques et à résoudre les inégalités flagrantes qui créent un terrain fertile pour la violence. Le déséquilibre des conditions de vie conduit inévitablement à un manque d’opportunités et, dans de nombreux cas, à une perte d’espoir.

12.     La société civile, y compris les défenseurs des droits de l’homme, les militants pour la paix et l’environnement, doit être reconnue et protégée comme essentielle à la construction d’un monde non violent, car tous les gouvernements doivent servir les besoins de leur peuple, et non l’inverse. Des conditions doivent être créées pour permettre et encourager la participation de la société civile, en particulier celle des femmes, aux processus politiques aux niveaux mondial, régional, national et local.

13.     En mettant en œuvre les principes de cette Charte, nous appelons chacun à œuvrer ensemble pour un monde juste et sans meurtre, dans lequel chacun a le droit de ne pas être tué et la responsabilité de ne pas tuer les autres.

Pour lutter contre toutes les formes de violence, nous encourageons la recherche scientifique dans les domaines de l’interaction humaine et du dialogue, et nous invitons les communautés universitaires, scientifiques et religieuses à participer pour nous aider dans la transition vers des sociétés non violentes et sans meurtre.

 

Signataires du prix Nobel

Mairead Corrigan Maguire

Sa Sainteté le Dalaï Lama

Mikhail Gorbatchev

Lech Walesa

Frederik Willem De Klerk

Archevêque Desmond Mpilo Tutu

Jody Williams

Shirin Ebadi

Mohamed ElBaradei

John Hume

Carlos Filipe Ximenes Belo

Betty Williams

Muhammad Yunus

Wangari Maathai

Médecins internationaux pour la prévention de la guerre nucléaire

Croix-Rouge

Agence internationale de l'énergie atomique

American Friends Service Committee

Bureau international de la paix

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