La substitution du moi par une force, un
esprit, un dieu ou la personnalité d'un envoûteur ou d'un
hypnotiseur fut chose courante dans l'histoire. Le fait de suspendre
le moi en évitant toute substitution, est également bien connu,
quoique moins courant, notamment dans un certain type de yoga et dans
quelques pratiques mystiques avancées. Cela dit, si quelqu'un
pouvait suspendre et ensuite faire disparaître le moi, il perdrait
tout contrôle structurel de la temporalité et de la spacialité de
ses processus mentaux. Il se retrouverait dans une situation
antérieure à celle de l'apprentissage de ses premiers pas dans la
petite enfance. Ses mécanismes de conscience ne seraient plus en
communication ni coordonnés. Il ne pourrait faire appel à sa
mémoire. Il ne pourrait se mettre en relation avec le monde ni ne
pourrait avancer dans son apprentissage. Nous ne serions pas
simplement en présence d'un moi dissocié sous certains aspects,
comme c'est le cas dans certains déréglements mentaux, mais nous
serions face à quelqu'un dans un état semblable au sommeil
végétatif. Par conséquent, ces sottises relatives à "la
suppression du moi" ou à "la suppression de l'ego" ne
sont pas possibles dans la vie quotidienne. Il est toutefois possible
de parvenir à la situation mentale de suppression du moi, non pas
dans la vie quotidienne mais dans des conditions déterminées qui
partent de la suspension du moi.
L'entrée dans les états profonds se
produit depuis la suspension du moi. Depuis cette suspension, des
registres significatifs de "conscience lucide" et de
compréhension de ses propres limitations mentales se produisent, ce
qui constitue déjà une grande avancée. Dans ce passage, on doit
tenir compte de certaines conditions incontournables :
1 – Que le pratiquant ait précisé
clairement sa Finalité, ce qu’il désire obtenir comme objectif
final de son travail.
2 – Qu'il dispose de d'énergie
psychophysique en quantité suffisante pour maintenir son attention
immergée en soi et concentrée sur la suspension du moi.
3 – Qu'il puisse continuer sans
solution de continuité dans l'approfondissement de l'état de
suspension jusqu'à ce que les références spatio-temporelles
disparaissent.
La Finalité correspond à la direction
de tout le processus mais sans que cela occupe tout le centre
attentionnel. C’est à dire que la Finalité doit être gravée
avec suffisamment de charge affective pour opérer de façon
coprésente tandis que l'attention est occupée dans la suspension du
moi et dans les pas suivants. Cette préparation conditionne tout le
travail postérieur. Quant à l'énergie psychophysique nécessaire
pour le maintien de l'attention dans un niveau intéressant de
concentration, la principale impulsion provient de l'intérêt qui
fait partie de la Finalité. Si l'on constate un manque de puissance
ou de permanence, il faudra réviser la préparation qui a été
faite de la Finalité. On a besoin d'une conscience débarrassée de
fatigue et d’une éducation minimum à la concentration
attentionnelle sur un seul objet. Continuer dans l'approfondissement
de la suspension jusqu'à parvenir au registre de "vide"
signifie que rien ne doit apparaître comme représentation, ni comme
registre de sensations internes. Il ne peut, ni ne doit y avoir de
registre de cette situation mentale. La position ou les incommodités
du corps déclencheront des impulsions qui produiront le retour à la
situation mentale de suspension ou à la veille habituelle.
On ne peut rien dire de ce "vide".
La récupération des significations inspiratrices, des sens profonds
qui sont au-delà des mécanismes et des configurations de
conscience, est réalisée depuis le moi quand celui-ci reprend son
travail normal de veille. Nous parlons de "traductions"
d'impulsions profondes, impulsions qui arrivent à mon intracorps
durant le sommeil profond, ou d'impulsions qui parviennent à ma
conscience dans une sorte de perception différente de celles connues
au moment du "retour" à la veille normale. Nous ne pouvons
pas parler de ce monde parce que nous n'avons pas de registre durant
l'élimination du moi ; nous disposons seulement des "réminiscences"
de ce monde, ainsi que Platon nous le commente dans ses mythes.
La conscience inspirée est une structure globale, capable d'accéder à des intuitions immédiates de la réalité. Par ailleurs, elle est apte à organiser des ensembles d'expériences et d'expressions, transmises habituellement à travers la philosophie, la science, l'art et la mystique.
Pour rester dans le style de notre développement, nous pourrions nous demander de façon quelque peu scolaire et répondre sur le même ton :
Est-ce que la conscience inspirée est un état d'altération ou un état d'immersion en soi ? Est-ce un état perturbé ? Est-ce une rupture de la normalité ? Est-ce une introjection ou une projection extrême ? Il est certain que la "conscience inspirée" est plus qu’un état, c’est une structure globale qui passe par différents états et qui peut se manifester dans différents niveaux. La conscience inspirée perturbe le fonctionnement de la conscience habituelle et rompt la mécanique des niveaux. Enfin, elle est davantage qu'une extrême introjection ou qu'une extrême projection car elle se sert des deux en alternance, et ce en regard de sa finalité. Celle-ci est manifeste quand la conscience inspirée répond à une intention présente, ou dans certains cas, lorsqu'elle répond à une intention non présente mais qui agit de manière coprésente.
En philosophie, les rêves inspirateurs et les inspirations soudaines sont peu nombreux mais quelques penseurs appliquent l'intuition directe pour appréhender les réalités immédiates de la pensée, sans l'intermédiaire de la pensée déductive ou discursive. Il ne s'agit pas des courants "intuitionnistes" en logique et en mathématiques mais de penseurs qui privilégient l'intuition directe, comme Platon avec les Idées, Descartes avec La pensée claire et distincte qui écarte le piège des sens, et Husserl avec ses descriptions des Noesis, "dans la suspension du jugement" (Épochè).i
Dans l'histoire de la science, on recense quelques exemples d'inspiration fulgurante qui provoquèrent d'importantes avancées. Le cas le plus connu, bien que sujet à caution, est celui de la fameuse "chute de la pomme" de Newton.ii Même si cela s'est réellement déroulé ainsi, nous devrions reconnaître, quoi qu'il en soit, que l'inspiration subite fut motivée par une recherche lente mais intense, dirigée vers le système cosmique et la gravité des corps. Nous pouvons citer d'autres exemples, comme ce qui est arrivé au chimiste Kekulé.iii Celui-ci a rêvé une nuit de plusieurs serpents entrelacés qui furent sa source d'inspiration pour développer ses traités sur la chimie organique. Il est certain que sa constante préoccupation de mettre en formules les liens entre les substances avait continué d'agir même dans le niveau de sommeil paradoxal pour emprunter la voie de la représentation allégorique.
On connaît de nombreux exemples de rêves inspirateurs dans l'art. Mary Shelley avait déclaré à ses amis qu'elle sentait cette « …vide incapacité de pouvoir inventer, ce qui est le plus grand malheur d'un auteur. »iv Mais cette nuit-là, elle vit dans ses rêves l'être horrible qui inspira sa nouvelle "Frankenstein ou le Prométhée moderne". Il se produisit la même chose pour R.L. Stevenson lorsqu'il entreprit, à partir d'un rêve, son récit fantastique "Le cas étrange du Dr Jekyll et de Mr Hyde".v Dans le domaine des arts, les inspirations de veille des écrivains et des poètes sont bien évidemment les plus connues, mais nous sommes parvenus par d'autres biais à connaître aussi les inspirations des peintres. Kandinsky, dans "le spirituel dans l'art" décrit la nécessité intérieure qui s'exprime en tant qu’inspiration de l'œuvre artistique.vi Des artistes plasticiens, écrivains, musiciens, danseurs et acteurs ont cherché l'inspiration en essayant de se placer dans des espaces physiques et mentaux non habituels. Les différents styles artistiques qui font écho aux conditions de l'époque ne sont pas simplement des modes ou des façons de générer, saisir et interpréter l'œuvre artistique mais des manières de "se prédisposer" pour recevoir et donner des impacts sensoriels. Cette "disposition" est ce qui module la sensibilité individuelle et collective et par conséquent, elle est le pré-dialogue qui permet d'établir la communication esthétique.vii
Il y a dans la mystique de vastes domaines d'inspiration. Précisons que lorsque nous parlons de "mystique" en général, nous faisons référence aux phénomènes psychiques "d'expérience du sacré" dans ses diverses profondeurs et expressions. Il existe une abondante littérature qui relate des rêvesviii, des "visions" en demi-sommeilix et des intuitions en veillex de personnages référents dans les religions, les sectes et les groupes mystiques.
Les états anormaux abondent également (dans ce domaine) ainsi que les cas extraordinaires d'expérience du sacré que nous pouvons classer comme suit : l'extase : situations mentales dans lesquelles le sujet reste comme suspendu, plongé à l’intérieur de lui-même, absorbé et ébloui ; le ravissement, caractérisé par une agitation émotive et motrice incontrôlable dans laquelle le sujet se sent transporté, emporté hors de lui, vers d'autres paysages du mental, d'autres temps, d'autres espaces ; enfin la reconnaissance dans laquelle le sujet croit comprendre le Tout en un instant.
À ce sujet, nous considérons la conscience inspirée dans son expérience du sacré, car la conscience est variable dans sa façon d'être face aux phénomènes extraordinaires, même si par extension, on a aussi attribué ces fonctionnements mentaux aux ravissements du poète ou du musicien, cas dans lesquels "le sacré" peut ne pas être présent.
Nous avons cité des structures de conscience que nous avons appelées "conscience inspirée" et nous avons relevé leur présence dans les vastes domaines que sont la philosophie, la science, l’art et la mystique. Mais la conscience inspirée apparaît aussi dans la vie quotidienne par les intuitions ou les inspirations de la veille, du demi-sommeil ou du sommeil paradoxal. Les exemples d'inspiration du quotidien sont ceux de l’état amoureux, des compréhensions subites de situations complexes, de la résolution instantanée de problèmes qui perturbaient le sujet depuis longtemps. Ces quelques cas mentionnés ne garantissent cependant pas la justesse, la vérité ou la coïncidence entre le phénomène et l’objet, même si les registres de "certitude" qui accompagnent ces états sont de grande importance.
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i Platon et Aristote connaissaient les différences entre le penser intuitif et le penser discursif, Platon privilégiant le premier. Pour lui, les Idées du Bon et du Beau dénotent la contemplation directe et sont réelles, tandis que les choses bonnes ou belles dérivent de ces Idées et ne possèdent pas la même réalité immédiate. Nous devons à Descartes, ce grand apport de la pensée qui pense sur elle-même sans intermédiaire et à Husserl le contact direct avec les noèses, les actes du penser et les noèmes, les objets liés intentionnellement aux actes du penser.
ii Isaac Newton, en 1666 à Woolsthorpe, Royaume-Uni.
iii Auguste Kekulé établit en 1865 à Bonn, Allemagne, la théorie de la quadrivalence du carbone et la formule hexagonale du benzène.
iv Mary Godwin. L'histoire se trouve dans les notes que Polidori écrivit dans son journal le 18 juin 1816 à la villa Diodati, à côté du lac Léman, Suisse.
vii SILO, Op. Cit. vol I., Conférence sur les conditions du dialogue donnée à l'Académie des Sciences de Moscou en 1999.
viii IV Brihadaranyaka Upanishad. "Quand l'esprit humain s'est retiré au repos, il retient avec lui les matériaux de ce monde dans lequel sont contenues toutes les choses, et alors il crée et détruit sa propre gloire et irradiation, car l'Esprit brille de sa propre lumière".
ix La Bible. Da-niyye-1. X, 7, version espagnole de Dujovne Kostantinovsky. "Et moi seul, Da Niyye-1, je vis la vision ; car les hommes qui étaient avec moi ne la virent pas, mais sur eux est tombée une grande terreur et ils coururent se cacher".
x L'Avesta. Les Gothas. Yasna XLV, 2-3. "Je proclamerai ce premier enseignement au Monde. Enseignement que m'a révélé l'Omniscient Ahura Mazda. Je parlerai des deux premiers Esprits du monde, et du bon qui dit au mauvais : Ni nos pensées, ni nos commandements, ni notre intelligence, ni nos croyances, ni nos œuvres, ni notre conscience, ni nos âmes ne sont d’accord en rien".
L'idée d'ajouter une annexe ne faisait en rien partie de mon intention de départ. L'annexe est venue, comme la monographie, d'un message du Profond. Alors que la traduction en français était presque terminée, j'étais prête à la mettre sur le site du Parc de La Belle Idée. Mais aujourd'hui, après la pratique de l'Ascèse, ce message me disant que je devais faire une annexe pour y mettre mes témoignages sur les signes, m'est arrivé. Je me suis sentie assez déstabilisée parce qu'il s'agissait de "montrer à tout le monde" mes expériences. Jusqu'à présent, je n'avais partagé mes expériences qu'avec quelques amis, je crois que j'ai toujours eu une certaine pudeur à parler de mon monde interne. Et là, on me demande de les publier ! Dans la monographie, nous avons dit :
"D'après
mon expérience, le signal a été capté dans des moments de forts contacts avec
le Profond. Le signal a fait irruption après une Demande très sentie, dans des
cas de situation limite ou quand le Dessein avait une forte charge affective.
Le signal, en veille, apparaît comme un rayon de lumière puissant et fugace,
comme s'il se produisait une décharge électrique qui traversait tout le corps.
Immédiatement, on le décode ou on le déroule, parfois
rapidement et parfois les traductions arrivent à des moments
inattendus, en général quand on ne les cherche pas, quand le Moi est occupé à
des tâches du plan moyen. Quand on traduit correctement le signal, il y
a un registre clair de certitude. Dans les rêves, les signaux
apparaissent presque toujours allégorisés même si certains ont surgi sans aucun
"déguisement", de façon très claire et directe. Ces signaux sont, en
général, en relation avec le processus de l'humanité, ils ne sont presque
jamais adressés à moi seule. Je suis seulement un canal à travers lequel le
signal s'exprime. Chaque fois que j'ai agi en direction de ce signal,
j'ai eu un registre d'unité interne."
Les
expériences que j'ai regroupées sont celles que j'ai vécues lors de la
réalisation de Cérémonies (Offices, Bien être et assistance) et une autre
expérience que j'ajoute dans cette seconde version, vécue lors d'une retraite
de Maîtres au Parc de La Belle Idée. Les témoignages sont tels que je les ai
écrits dans leur moment, j'ai seulement enlevé le nom des personnes impliquées.
11 avril
2003
Lors du
passage de la Force, je commence à sentir une forte tension dans la poitrine.
La sensation est qu'elle va se fendre en deux. La douleur parvient jusqu'aux
seins. Je demande au Guide qu'il m'aide. La tension baisse. Ensuite, dans
l'expérience de
58
Bien-être, je reconnecte
à cette sensation douloureuse. Mon amie apparaît. Nous nous connectons par un
petit tube qui sort de ma poitrine jusqu'à la sienne. Je sens que cette fois-ci, c'est
elle qui m'aide. Ensuite, nos poitrines se rapprochent, se touchent presque et
je sens sa chaleur. Là, je me détends un peu.
5 septembre
2003
J'intègre
cette amie comme un Guide, ma Grand-Mère apparaît aussi.
Durant ce
processus d'accompagnement de cette amie, une relation d'amitié avec beaucoup
d'amour s'installe en moi. Parfois je l'aide, parfois elle m'aide. Tout cela
sur le plan haut car je ne l'ai jamais vue et je n'ai jamais parlé avec elle.
11 septembre
2003
Dans la
cérémonie d'Office de la clôture du Conseil 9 apparaît ce nouveau Guide Ailé
qui s'était présenté la première fois dans un rêve. Un ange avec une grande
force et qui me donne un immense registre de protection.
26 septembre
2003
Une amie me
met en situation d'appeler mon amie au Chili pour lui raconter les expériences
que j'ai eu avec elle. Beaucoup de résistances mais finalement, je le fais.
J'appelle au Chili et c'est elle qui me répond directement au téléphone. Je me
présente et je lui raconte mes expériences. Elle me dit que ce que je lui
raconte est un cadeau, elle m'en remercie profondément. Je sens une grande
émotion. Je lui demande si elle croit possible de construire une relation avec
une autre personne depuis le plan haut et elle me dit qu'elle a la certitude
que c'est possible. "La mort n'existe pas" me dit-elle. Nous
nous quittons avec beaucoup d'émotion et quelques jours plus tard, elle quitte
ce plan moyen.
Après
quelques temps, cette amie se configure comme une guide "guérisseuse"
qui vient m'aider chaque fois que j'en ai besoin pour envoyer du bien-être aux
autres.
Je sens que
nous sommes restées liées l'une à l'autre par les actes unitifs, dans une
relation qui transcende cet espace-temps.
Les
expériences avec cette amie furent des références qui m'ont permis de dévoiler
progressivement le Dessein.
59
Janvier 2004
Dans la
cérémonie de Bien-être, ma grand-mère arrive. Elle me
chuchote à l'oreille d'avoir une attitude d'ouverture avec papa.
Je voyage en
Argentine en février. Je me sens disponible, ouverte à papa. Un jour, il me dit
qu'il doit me raconter quelque chose. Il me confie une grande souffrance du
passé qu'il ressent encore aujourd'hui.
5 septembre
2009
Décès de
papa samedi matin d'un arrêt cardio-respiratoire. Maman me laisse un
message sur le répondeur. Je pleure de tristesse, registre fort de devenir
orpheline. Un vide s'installe comme si j'avais perdu une partie de moi-même.
Après avoir
tout organisé pour le voyage en Argentine, nous faisons avec mon compagnon, une
cérémonie pour accompagner papa dans son voyage vers la Lumière.
Je ferme les
yeux et commence à sentir la Force. En peu de temps, je sens la présence de
papa, il est entouré de ce qui semble être un nuage obscur et épais. Je
commence à lui envoyer de l'énergie pour qu'il entame l'ascension. Résistance
forte de sa part, comme s'il faisait un effort pour rester. Je continue
d'envoyer de l'énergie, toujours vers le haut. Je commence à sentir que le
nuage se dissipe et il ne reste qu'une Lumière, cette Lumière est face à moi.
La Lumière commence à monter et depuis en haut, ma grand-mère le
reçoit dans ses bras. Elle me dit quelque chose comme : "Mon pauvre petit,
il était très fatigué." Registre de certitude que papa est en chemin vers
la Lumière et qu'il est guidé par sa mère.
Quand je
commente cette expérience à mon compagnon, je pleure beaucoup, mais cette fois-ci avec
une émotion positive, avec un registre d'unité d'avoir aidé papa dans ce
passage difficile. Mon compagnon me raconte son expérience qui est pratiquement
la même que la mienne, seulement qu'il a vu papa enveloppé de Lumière me
regardant avec beaucoup d'amour.
7 septembre
2009
Après 24
heures de voyage, j'arrive à la maison de mes parents. Avant de m'endormir, je
sens la présence de papa. Une lumière chaleureuse entre dans mon corps comme
s'il voulait m'accompagner de l'intérieur.
Le matin, je
vais au cimetière, je laisse à son corps des fleurs et une rose rouge. Je lis
la cérémonie de la Mort. Je reste en silence mais je ne connecte à rien de
spécial dans le cimetière. Il n'est déjà plus là.
60
20 septembre 2009
Nous faisons
une cérémonie avec mon compagnon pour accompagner une amie qui s'est cassé le
tibia et le péroné.
Beaucoup de
connexion avec elle, je sens encore une fois comme un soleil quand je la
registre. L'énergie est légère et j'ai des registres de joie.
À un moment,
je sens la présence de papa qui vient depuis la gauche et reste derrière moi.
L'énergie monte à la tête et j'expérimente des moments de silence mental.
Ensuite, une Lumière très forte m'envahit. Cette Lumière me donne Amour, je me
sens pleine d'Amour et de Lumière. Je me rends compte que c'est papa et je le
remercie du plus profond de mon cœur.
19 février
2011
Je reçois
l'appel d'une amie qui me raconte l'accident du fils d'un de ses amis, sans me
donner beaucoup de précisions. Elle demande que nous fassions des cérémonies de bien-être pour
lui.
À 14h30, nous
faisons la première avec mon compagnon.
Je ne
connais pas ce jeune mais ceci ne me préoccupe pas, je sais que je vais
connecter. Quand je sens la Force, je demande à mon Guide qu'elle vienne
m'aider, qu'elle me montre ce qu'il y a à faire. Immédiatement, j'ai une image
d'elle, derrière le garçon, lui massant la tête. Lui est dans le coma. Ensuite,
elle me dit qu'il doit choisir s'il veut rester ou partir et que, quelle que
soit la décision qu'il prenne, ce sera bien. Que je lui envoie de la Lumière
pour qu'il prenne la meilleure décision. Je le fais, je me connecte à lui, je
le sens un peu perdu, sans savoir quoi faire, alors je lui envoie la Lumière
pour qu'il décide et je lui chuchote à l'oreille qu'il doit choisir. Ensuite,
j'envoie de la Force à sa famille pour qu'ils acceptent sa décision.
Je reste
très émue par l'expérience, c'est la première fois que je connecte à cette
possibilité avec un jeune homme. Je me suis toujours identifiée en tant que
mère, en ressentant l'injustice de la mort d'un fils. Cette expérience changea
complètement ma vision et mon registre sur la vie et la mort d'un jeune.
Le dimanche,
une nouvelle expérience de bien-être. Connexion au garçon, je sens
qu'il commence à choisir et qu'il se décide pour la vie. Alors, je lui envoie
de la Force pour qu'il se rétablisse complètement. Une voix me dit : "Ce
doit être depuis l'Amour."
Nous
recevons des mails de son père qui corroborent ce que j'ai senti, c'est-à-direque
le garçon commence à se réveiller.
61
11 avril 2012
Jeudi passé, dans la cérémonie de Bien-être, nous avons demandé
pour un ami et sa maman. J'appelle la Guide et je demande ce qu'il y a à faire.
Il me vient une image d'une femme sur un lit d'hôpital, notre ami est à ses
côtés et lui tient la main. Je sens que c'est le geste qu'elle attendait, qu'à travers
ce geste passe toute l'affection qu'il sent pour sa maman. Le samedi, une amie
me raconte qu'elle a parlé avec notre ami et qu'elle lui a décrit cette vision.
Notre ami était ému et il lui a dit que c'était par ce geste, de lui prendre la
main, qu'il se connectait toujours avec elle.
Dans cette même cérémonie me vient l'image d'une tante et je lui envoie
aussi dubien-être. Avant-hier, j'ai parlé avec ma sœur et elle m'a
dit que la tante lui avait raconté qu'elle avait un kyste énorme à l'utérus et
qu'elle doit être opérée à la fin du mois.
23 mars 2013
Nous sommes à la retraite de Maîtres au Parc de La Belle Idée. Le dimanche,
je me lève et je discute avec une amie avec qui j'ai beaucoup de connexion. Je
sens l'inspiration venir (maintenant je connais certains signes) et je sens
comme un flash que me traverse le corps et qui me laisse toute tremblante. À ce moment-là, on
nous appelle parce que la réunion commence et j'oublie ce qui est arrivé. Le
lundi je rentre chez moi. Alors que je suis en train de faire des tâches
domestiques, apparaît la "décodification" de ce flash de dimanche
dernier :
Sur le chemin de l'Ascèse, nous rencontrons des
contenus biographiques que, dans la mesure où nous avançons, vont se faire plus
anciens et plus profonds. Mais dans les Espaces Sacrés, existent des contenus
qui ne sont pas liés à notre biographie personnelle. Ce sont les contenus de la
mémoire ancienne de l'humanité. Avec l'Ascèse, nous réconcilions les contenus
qui sont restés isolés, désintégrés dans l'histoire humaine. D'où l'importance
des monographies, les expériences communes dans lesquelles nous nous sentons
"appelés" par certains êtres. D'où l'importance que le Message de
Silo parvienne à de nombreuses personnes. Nous avons besoin de nous réconcilier
avec le passé de l'humanité pour faire le saut !
A un moment donné du jour ou de la nuit, inspire une bouffée d’air et imagine que tu amènes cet air à ton cœur. Alors, demande avec force pour toi et pour tes êtres les plus chers. Demande avec force, pour t’éloigner de tout ce qui t’apporte confusion et contradiction ; demande, afin que ta vie soit en unité. Ne dédie pas beaucoup de temps à cette brève oraison, à cette brève demande, parce qu’il te suffira d’interrompre un seul instant le cours de ta vie pour que, dans le contact avec ton intérieur, s’éclaircissent tes sentiments et tes idées.
"...Comme nous sommes aujourd’hui dans une célébration - et que dans certaines célébrations les gens échangent des présents - je voudrais te faire un cadeau et, bien sûr, c’est toi qui verras s’il mérite d´être accepté. Il s’agit, en réalité, de la recommandation la plus facile et la plus pratique que je sois capable d’offrir. C’est presque une recette de cuisine, mais j’ai confiance dans le fait que tu iras au-delà de ce qu’indiquent les mots...
A un moment donné du jour ou de la nuit, inspire une bouffée d’air et imagine que tu amènes cet air à ton cœur. Alors, demande avec force pour toi et pour tes êtres les plus chers. Demande avec force, pour t’éloigner de tout ce qui t’apporte confusion et contradiction ; demande, afin que ta vie soit en unité. Ne dédie pas beaucoup de temps à cette brève oraison, à cette brève demande, parce qu’il te suffira d’interrompre un seul instant le cours de ta vie pour que, dans le contact avec ton intérieur, s’éclaircissent tes sentiments et tes idées.
Eloigner la contradiction de soi-même, c’est dépasser la haine, le ressentiment, le désir de vengeance. Eloigner la contradiction, c’est cultiver le désir de réconciliation avec d’autres et avec soi-même. Eloigner la contradiction, c’est pardonner et réparer deux fois tout mal que tu aurais pu infliger à d’autres. Ça, c’est l’attitude qu’il convient de cultiver. Alors, à mesure que le temps passe, tu comprendras que le plus important est d’atteindre une vie d’unité intérieure qui fructifiera quand ce que tu penses, ce que tu sens et ce que tu fais, ira dans la même direction. La vie croît par son unité intérieure et se désintègre par la contradiction. Et il se trouve que ce que tu fais ne reste pas seulement en toi mais parvient aussi aux autres. C’est pourquoi, quand tu aides les autres à dépasser la douleur et la souffrance, tu fais grandir ta vie et tu apportes au monde. Inversement, quand tu augmentes la souffrance des autres, tu désintègres ta vie et tu envenimes le monde. Et qui dois-tu aider ? D’abord, ceux qui sont les plus proches. Mais ton action ne s’arrêtera pas à eux.
Avec cette « recette », l’apprentissage ne s’achève pas mais c’est plutôt là qu’il commence. Dans cette « recette-là », il est dit qu’il faut demander. Mais à qui demande-t-on ? Selon ce que tu crois, ce sera soit à ton dieu intérieur, soit à ton guide, soit à une image inspiratrice et réconfortante. Enfin, si tu n’as personne à qui demander, tu n’auras personne non plus à qui donner et donc mon cadeau ne méritera pas d’être accepté.
Plus tard, tu pourras prendre en considération ce qu’explique le Message dans son Livre, dans son Chemin et dans son Expérience. Et tu compteras aussi sur de véritables compagnons qui pourront entamer avec toi une vie nouvelle.
Dans cette simple demande, il y a aussi une méditation orientée vers sa propre vie. Et avec le temps, cette demande et cette méditation prendront de la force au point de transformer les situations quotidiennes.
En avançant ainsi, un jour peut-être, tu capteras un signal. Un signal qui se présente quelquefois avec des erreurs et quelquefois avec des certitudes. Un signal qui s’insinue avec beaucoup de douceur, mais qui, en de rares moments de la vie, fait irruption comme un feu sacré, donnant lieu au ravissement des amoureux, à l’inspiration des artistes et à l’extase des mystiques. Parce qu’il convient de le dire, autant les religions que les oeuvres d’art et les grandes inspirations de la vie sortent de là, des diverses traductions de ce signal, et ce n’est pas pour autant qu’il faut croire que ces traductions représentent fidèlement le monde qu’elles traduisent. Ce signal dans ta conscience est la traduction en images de ce qui n’a pas d’image, c’est le contact avec le Profond du mental humain, une profondeur insondable où l’espace est infini et le temps éternel."
Silo, Rencontre pour un dialogue philosophico-religieux. Syndicat Luz y Fuerza, Buenos Aires, Argentine, 29 octobre 1995
"Si Dieu n’est pas mort, les religions ont alors des responsabilités à assumer envers l’humanité. Elles ont aujourd’hui le devoir de créer un nouvel environnement psychosocial, de s’adresser à leurs fidèles avec une attitude pédagogique et d’éradiquer toute trace de fanatisme et de fondamentalisme. Elles ne peuvent rester indifférentes face à la faim, à l’ignorance, à la mauvaise foi et à la violence. Elles doivent fermement contribuer à renforcer la tolérance et le dialogue avec d’autres confessions et avec tous ceux qui se sentent responsables du destin de l’humanité. Elles doivent s’ouvrir, et je vous prie de ne pas prendre ceci pour une irrévérence, aux manifestations de Dieu dans les différentes cultures. Nous espérons d’elles cette contribution à la cause commune en un moment par ailleurs difficile. Au contraire, si Dieu est mort dans le cœur des religions, nous pouvons être certains qu’il renaîtra en une nouvelle demeure, comme nous l’enseigne l’histoire de l’origine de toutes les civilisations ; et cette nouvelle demeure sera dans le cœur de l’être humain, et elle sera fort éloignée de toute institution et de tout pouvoir"
(texte complete:)
"J’essaierai, dans les vingt minutes qui m’ont été accordées, de donner mon point de vue sur la première des questions de l’ordre du jour défini par les organisateurs de cet événement, à savoir La question de Dieu.
La question de Dieu peut être posée de différentes façons. Je choisirai le cadre historique-culturel, non par affinité personnelle, mais pour tenir compte du cadre implicite de cette rencontre. L’ordre du jour inclut en effet d’autres questions telles que “ la religiosité dans le monde contemporain ” et “ le dépassement de la violence personnelle et sociale ”. L’objet de cet exposé sera par conséquent “ la question de Dieu ”, et non “Dieu”.
Pourquoi devrions-nous nous intéresser à la question de Dieu ? Quel intérêt un tel sujet peut-il avoir pour nous qui appartenons déjà au XXIe siècle ? Ne l’avait-on pas considéré comme épuisé depuis l’affirmation de Nietzsche, “ Dieu est mort ” ? Apparemment, cette question n’a pas été réglée par simple décret philosophique. Et ceci pour deux raisons importantes : en premier lieu, on n’a pas compris exactement la signification d’une telle question ; en second lieu, nous nous rendons compte, à partir d’une perspective historique, que ce qui était considéré encore récemment comme “hors propos” soulève aujourd’hui de nouvelles questions. Et les interrogations sur ce sujet résonnent non dans les tours d’ivoire des penseurs ou des spécialistes, mais dans la rue et dans le cœur des gens simples. On pourra toujours dire que ce que l’on observe aujourd’hui est une simple croissance de la superstition ou un trait culturel de peuples qui, pour défendre leur identité, retournent avec fanatisme vers leurs livres sacrés et leurs leaders spirituels. Avec une approche pessimiste et en se fondant sur certaines interprétations historiques, on pourra aussi considérer que tout ceci signifie une régression vers d’obscures époques. A chacun son avis ; toutefois la question demeure, et c’est ce qui compte.
Je crois que l’affirmation de Nietzsche : “ Dieu est mort ” marque un moment décisif dans la longue histoire de la question de Dieu, du moins du point de vue d’une théologie négative ou “radicale”, comme voudront l’appeler les défenseurs de cette position.
Il est clair que Nietzsche ne se situait pas sur le terrain de la confrontation que les théistes, les athées, les spiritualistes ou les matérialistes fixaient habituellement pour leurs discussions. Nietzsche se demandait plutôt : croit-on encore en Dieu ? ou encore : le processus qui en finira avec la croyance en Dieu est-il déjà en marche ? Dans Ainsi parlait Zarathoustra, celui-ci dit : “ … Et c’est ainsi qu’ils se séparèrent l’un de l’autre, le vieillard et l’homme, riant comme rient deux petits garçons. Mais quand Zarathoustra fut seul, il parla ainsi à son cœur : “Serait-ce possible ! Ce vieux saint dans sa forêt n’a pas encore entendu dire que Dieu est mort !” ” Dans la IVe partie, Zarathoustra demande : “ Qu’est-ce que tout le monde sait aujourd’hui ? … Serait-ce ceci, que le Dieu ancien ne vit plus, le Dieu en qui tout le monde croyait jadis ? Tu l’as dit, répondit le vieillard attristé. Et j’ai servi le Dieu ancien jusqu’à sa dernière heure. ” D’autre part, dans Le gai savoir apparaît la parabole de l’insensé qui dit en cherchant Dieu sur la place publique : “ Où est allé Dieu ? … je veux vous le dire ! … Dieu est mort ! Dieu reste mort ! … ” Mais comme ceux qui l’écoutaient ne comprenaient pas, le fou leur expliqua qu’il était venu prématurément, et que la mort de Dieu était encore en train d’advenir.
Dans les passages cités, il est évident que l’on fait allusion à un processus culturel, au déplacement d’une croyance, en laissant de côté la détermination exacte de l’existence ou de la non-existence en soi de Dieu. Le déplacement de cette croyance a des conséquences considérables car elle entraîne tout un système de valeurs, du moins en Occident et à l’époque où Nietzsche écrit. La “ grande marée du nihilisme ”, prédite par l’auteur pour les temps à venir, a comme toile de fond la mort annoncée de Dieu.
Suivant cette conception, on peut penser que si les valeurs d’une époque sont fondées sur Dieu et que celui-ci disparaît, un nouveau système d’idées devra advenir, qui rendra compte de la totalité de l’existence et justifiera une nouvelle morale. Ce système d’idées devra rendre compte du monde, de l’histoire, de l’être humain et de leur signification, de la société et de la vie collective, de ce qui est bon et de ce qui est mauvais, de ce que l’on doit faire et ne pas faire. Or, de telles idées sont apparues depuis bien longtemps et ont abouti aux grandes constructions de l’idéalisme critique et de l’idéalisme absolu. Peu importe dans quelle direction – idéaliste ou matérialiste – un tel système de pensée a été appliqué car sa trame et sa méthodologie de connaissance et d’action étaient strictement rationnelles et ne rendaient jamais compte de la totalité de la vie. Dans l’interprétation nietzschéenne, les choses étaient à l’opposé : les idéologies surgissaient de la vie pour en donner une explication et une justification. A ce propos, n’oublions pas que Nietzsche et Kierkegaard, tous deux en lutte contre le rationalisme et l’idéalisme de l’époque, passent pour être les précurseurs des philosophies de l’existence. Cependant, la description et la compréhension de la structure de la vie humaine n’apparaissent pas encore dans l’horizon philosophique de ces auteurs – elles arriveront à une époque ultérieure. A leur époque, la définition de l’homme en tant “qu’animal rationnel” agit encore de manière sous-jacente : l’homme en tant que nature dotée d’une “raison” qui peut être comprise en termes d’évolution animale ou en termes de “réflexe”, etc. A cette époque, on pouvait encore penser légitimement que la “raison” primait sur le reste ou, à l’inverse, que les instincts et les forces obscures de la vie orientaient la raison, comme chez Nietzsche et chez les vitalistes en général. Mais après la “découverte” de la “vie humaine”, les choses changèrent… Et je dois m’excuser de ne pas développer ce point en raison du temps qui m’est imparti pour cet exposé.
Cependant, j’aimerais éclaircir sommairement la sensation d’étrangeté que l’on éprouve lorsqu’on affirme que “la vie humaine” n’a été découverte et comprise que récemment. En deux mots : depuis les premiers hommes jusqu’à nos jours, nous savons tous que nous vivons, que nous sommes humains et tous, nous faisons l’expérience de notre propre vie ; néanmoins, dans le domaine des idées, la compréhension de la vie humaine avec sa structure typique et ses caractéristiques propres est très récente. C’est comme si l’on disait que nous, humains, avons toujours vécu avec les codes de l’ADN et de l’ARN dans nos cellules, mais qu’il y a fort peu de temps que ceux-ci ont été découverts et que leur fonctionnement a été compris ; ainsi, des concepts comme ceux d’intentionnalité, d’ouverture, d’historicité de la conscience, d’intersubjectivité, d’horizon, etc. ont été précisés récemment dans le domaine des idées ; et grâce à eux, on a rendu compte de la structure de la “vie humaine”, et non de la vie en général. La définition qui en résulte est radicalement différente de celle de “l’animal rationnel”. Par exemple : la vie animale, la vie naturelle, commence au moment de la conception ; mais la vie humaine, quand commence-t-elle si elle est par définition “être-au-monde”, et que “être au monde” est ouverture et milieu social ? Ou bien : la conscience est-elle le reflet des conditions naturelles et “objectives” ou est-elle l’intentionnalité qui configure et modifie les conditions données ? Ou encore : l’être humain est-il définitivement achevé ou est-il un être capable de se modifier et de se construire lui-même, non seulement dans un sens historique et social, mais aussi biologique ? Ainsi, les découvertes concernant la structure de la vie humaine soulèvent d’innombrables questions qui nous poussent à dépasser l’horizon historique de l’époque où Nietzsche a pu affirmer que “ Dieu est mort ! ”, époque où prévalait encore la définition de l’être humain comme “animal rationnel”.
Revenons à notre sujet…
Si, à la mort de Dieu, on ne trouvait aucun substitut qui pose les fondements du monde et de l’action humaine ou si, face à cette mort, on imposait de force un système rationnel auquel échapperait le fondamental (la vie), ce serait le chaos et l’effondrement des valeurs, qui entraînerait avec lui toute la civilisation. C’est ce que Nietzsche a nommé “ la grande marée du nihilisme ” et parfois “ l’Abîme ”. Il est clair que ni les études qu’il a menées dans La Généalogie de la morale, ni les idées qu’il a développées dans Par-delà le bien et le mal ne sont parvenues à produire la “ transmutation des valeurs ” qu’il s’efforçait de rechercher. Au contraire, en cherchant quelque chose qui puisse dépasser son “dernier homme” du XIXe siècle, il construisit un Surhomme qui, comme dans les plus récentes légendes du Golem, se mit en marche sans contrôle, détruisant tout sur son passage. On érigea l’irrationalisme et la “ volonté de puissance ” en valeur suprême, constituant ainsi le tréfonds idéologique de l’une des plus grandes monstruosités dont se souvient l’Histoire.
Le “Dieu est mort” n’a pu être résolu ni dépassé par une base de valeurs nouvelle et positive. Et les grandes constructions de la pensée trouvèrent leur point d’orgue dans la première partie de ce siècle sans atteindre cet objectif. A l’heure actuelle, nous nous immobilisons face à ces questions : pourquoi devrions-nous être solidaires ? Pour quelle cause faudrait-il que nous risquions notre avenir ? Pourquoi devrions-nous lutter contre toutes sortes d’injustices ? Par simple nécessité, pour une raison historique ou à cause d’un ordre naturel ? L’ancienne morale basée sur Dieu, mais sans Dieu, est-elle ressentie comme une nécessité ? Tout cela est insuffisant !
Aujourd’hui, nous nous trouvons dans l’impossibilité historique que surgissent de nouveaux systèmes qui posent des fondements solides ; pourtant, la situation semble se compliquer. Nous devons rappeler que la dernière grande vision de la philosophie apparaît en 1900, dans les Recherches logiques de Husserl ; que la vision complète du psychisme humain, proposée par Freud dans L’interprétation des rêves, est de la même année ; la vision cosmique de la physique prend forme en 1905 et 1915 avec la relativité d’Einstein ; la systématisation de la logique, quant à elle, prend forme en 1910 dans les Principia Mathematica de Russel et Whitehead et en 1921, dans le Tractatus logico-philosophicus de Wittgenstein ; Etre et Temps de Heidegger date de 1927 et cette œuvre inachevée, qui prétendait jeter les bases d’une nouvelle ontologie phénoménologique, marque l’époque de rupture avec les grands systèmes de pensée.
Précisons que nous ne parlons pas de l’interruption de la pensée, mais de l’impossibilité de continuer à élaborer de grands systèmes capables d’apporter un fondement à toutes choses.
Le dynamisme de cette période se manifeste également dans le domaine esthétique, à travers “le grandiose” des œuvres. C’est Stravinsky, Bartok et Sibelius, Picasso, les muralistes Rivera, Orozco et Siqueiros ; ce sont des écrivains de grande ampleur comme Joyce, des cinéastes épiques comme Eisenstein, les constructeurs du Bauhaus avec Gropius à leur tête ; des urbanistes, des architectes tels Wright et Le Corbusier, aux œuvres spectaculaires. La production artistique se serait-elle arrêtée dans les années suivantes et encore à l’heure actuelle ? Je ne le crois pas. Cependant, elle prend un autre aspect, se module, se déconstruit, s’adapte aux moyens ; elle se réalise grâce à des équipes et des spécialistes, et utilise la technique à l’extrême.
Les régimes politiques sans âme qui, pendant ces périodes, s’imposent et donnent l’illusion du monolithisme et de la complétude, peuvent être compris comme les séquelles d’un romantisme délirant, comme des tentatives titanesques pour transformer le monde à n’importe quel prix. Ils inaugurent l’ère de la barbarie technicisée, de la suppression de millions d’êtres humains, de la terreur atomique, des bombes biologiques, de la contamination et de la destruction à grande échelle. Voilà la grande marée du nihilisme, celle qui annonçait la destruction de toutes les valeurs et la mort de Dieu de Zarathoustra ! En quoi l’être humain croit-il encore ? Croit-il en de nouvelles alternatives de vie ou bien se laisse-t-il emporter par un courant qui lui semble irrésistible et comme ne dépendant pas de son intention ?
C’est alors que s’installe fermement la prédominance de la technique sur la Science, la vision analytique du monde, la dictature de l’argent abstrait sur les réalités productives. Dans ce magma se ravivent les différences ethniques et culturelles que l’on croyait dépassées par le processus historique ; les systèmes sont rejetés par le déconstructivisme, le post-modernisme et les courants structuralistes. La frustration de la pensée devient un lieu commun chez des philosophes à l’intelligence faible.
Le méli-mélo des styles qui se supplantent les uns les autres, la déstructuration des relations humaines et la propagation de supercheries en tout genre rappellent les époques d’expansion impériale de la Perse ancienne, de l’hellénisme et de la Rome des Césars. Par cet exposé, je ne prétends pas présenter une morphologie historique type, un modèle de processus en spirale qui se nourrit d’analogies. En tout cas, je souligne des aspects qui ne nous surprennent pas et ne nous semblent pas incroyables car on les a observés, quoique dans un contexte différent de mondialisation et de progrès matériel. Je ne veux pas non plus transmettre l’atmosphère “d’inexorabilité” d’une séquence mécanique dans laquelle l’intention humaine ne compte pas. Je pense plutôt le contraire. Je crois que, grâce aux réflexions que suscite l’expérience historique de l’humanité, nous sommes aujourd’hui en mesure d’amorcer une nouvelle civilisation, la première civilisation planétaire. Mais les conditions requises pour ce saut sont extrêmement difficiles à remplir. Pensons à la manière dont s’élargit la brèche entre d’un côté les sociétés post-industrielles, les sociétés de l’information et de l’autre les sociétés où l’on souffre de la faim ; pensons à l’augmentation de la marginalisation et de la pauvreté dans les sociétés opulentes ; pensons à l’abîme entre les générations, qui semble freiner l’avancée de l’Histoire ; pensons à la dangereuse concentration du capital financier international, au terrorisme de masse, aux brusques sécessions, aux chocs ethnico-culturels, aux déséquilibres écologiques, à l’explosion démographique et aux mégalopoles au bord du collapsus… Pensons à tout ceci et, sans céder à une vision apocalyptique, il faudra bien admettre les difficultés que présente le scénario actuel.
Le problème se situe à mon avis dans cette difficile transition entre le monde que nous avons connu et le monde à venir. Et comme dans toutes les transitions entre la fin d’une civilisation et le début d’une autre, il faudra tenir compte de la possibilité d’un collapsus économique, d’une déstructuration administrative, d’un remplacement des Etats par des Para-Etats et par des bandes ; il faudra prendre garde au règne de l’injustice, au découragement, à l’amenuisement de l’être humain, à la dissolution des liens, à la solitude, à l’augmentation de la violence et à l’émergence de l’irrationalisme, tout cela dans un milieu de plus en plus accéléré et de plus en plus global. Par-dessus tout, il faudra examiner quelle sera la nouvelle image du monde à proposer : quel type de société, quel type d’économie, quelles valeurs, quel type de relations interpersonnelles, de dialogue entre chaque être humain et son prochain, entre chaque être humain et son âme
Néanmoins, toute proposition nouvelle devra tenir compte d’au moins deux limites : premièrement, aucun système complet de pensée ne pourra prendre pied dans une époque de déstructuration ; deuxièmement, aucune articulation rationnelle du discours ne sera défendable si elle va au delà des aspects immédiats de la vie pratique et de la technologie. Ces deux difficultés nuisent à la possibilité de fonder durablement de nouvelles valeurs.
Si Dieu n’est pas mort, les religions ont alors des responsabilités à assumer envers l’humanité. Elles ont aujourd’hui le devoir de créer un nouvel environnement psychosocial, de s’adresser à leurs fidèles avec une attitude pédagogique et d’éradiquer toute trace de fanatisme et de fondamentalisme. Elles ne peuvent rester indifférentes face à la faim, à l’ignorance, à la mauvaise foi et à la violence.
Elles doivent fermement contribuer à renforcer la tolérance et le dialogue avec d’autres confessions et avec tous ceux qui se sentent responsables du destin de l’humanité. Elles doivent s’ouvrir, et je vous prie de ne pas prendre ceci pour une irrévérence, aux manifestations de Dieu dans les différentes cultures. Nous espérons d’elles cette contribution à la cause commune en un moment par ailleurs difficile.
Au contraire, si Dieu est mort dans le cœur des religions, nous pouvons être certains qu’il renaîtra en une nouvelle demeure, comme nous l’enseigne l’histoire de l’origine de toutes les civilisations ; et cette nouvelle demeure sera dans le cœur de l’être humain, et elle sera fort éloignée de toute institution et de tout pouvoir.
Je vous remercie de votre attention."
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* Le terme registre constitue l’un des concepts centraux de la psychologie de Silo ; il signifie l’expérience vécue que l’on a d’un phénomène, c’est-à-dire la manière dont la conscience l’enregistre, “ l’impression ” du phénomène dans la conscience (n.d.t.).