Source: Silo: Psychologie IV
La substitution du moi par une force, un
esprit, un dieu ou la personnalité d'un envoûteur ou d'un
hypnotiseur fut chose courante dans l'histoire. Le fait de suspendre
le moi en évitant toute substitution, est également bien connu,
quoique moins courant, notamment dans un certain type de yoga et dans
quelques pratiques mystiques avancées. Cela dit, si quelqu'un
pouvait suspendre et ensuite faire disparaître le moi, il perdrait
tout contrôle structurel de la temporalité et de la spacialité de
ses processus mentaux. Il se retrouverait dans une situation
antérieure à celle de l'apprentissage de ses premiers pas dans la
petite enfance. Ses mécanismes de conscience ne seraient plus en
communication ni coordonnés. Il ne pourrait faire appel à sa
mémoire. Il ne pourrait se mettre en relation avec le monde ni ne
pourrait avancer dans son apprentissage. Nous ne serions pas
simplement en présence d'un moi dissocié sous certains aspects,
comme c'est le cas dans certains déréglements mentaux, mais nous
serions face à quelqu'un dans un état semblable au sommeil
végétatif. Par conséquent, ces sottises relatives à "la
suppression du moi" ou à "la suppression de l'ego" ne
sont pas possibles dans la vie quotidienne. Il est toutefois possible
de parvenir à la situation mentale de suppression du moi, non pas
dans la vie quotidienne mais dans des conditions déterminées qui
partent de la suspension du moi.
L'entrée dans les états profonds se
produit depuis la suspension du moi. Depuis cette suspension, des
registres significatifs de "conscience lucide" et de
compréhension de ses propres limitations mentales se produisent, ce
qui constitue déjà une grande avancée. Dans ce passage, on doit
tenir compte de certaines conditions incontournables :
1 – Que le pratiquant ait précisé
clairement sa Finalité, ce qu’il désire obtenir comme objectif
final de son travail.
2 – Qu'il dispose de d'énergie
psychophysique en quantité suffisante pour maintenir son attention
immergée en soi et concentrée sur la suspension du moi.
3 – Qu'il puisse continuer sans
solution de continuité dans l'approfondissement de l'état de
suspension jusqu'à ce que les références spatio-temporelles
disparaissent.
La Finalité correspond à la direction
de tout le processus mais sans que cela occupe tout le centre
attentionnel. C’est à dire que la Finalité doit être gravée
avec suffisamment de charge affective pour opérer de façon
coprésente tandis que l'attention est occupée dans la suspension du
moi et dans les pas suivants. Cette préparation conditionne tout le
travail postérieur. Quant à l'énergie psychophysique nécessaire
pour le maintien de l'attention dans un niveau intéressant de
concentration, la principale impulsion provient de l'intérêt qui
fait partie de la Finalité. Si l'on constate un manque de puissance
ou de permanence, il faudra réviser la préparation qui a été
faite de la Finalité. On a besoin d'une conscience débarrassée de
fatigue et d’une éducation minimum à la concentration
attentionnelle sur un seul objet. Continuer dans l'approfondissement
de la suspension jusqu'à parvenir au registre de "vide"
signifie que rien ne doit apparaître comme représentation, ni comme
registre de sensations internes. Il ne peut, ni ne doit y avoir de
registre de cette situation mentale. La position ou les incommodités
du corps déclencheront des impulsions qui produiront le retour à la
situation mentale de suspension ou à la veille habituelle.
On ne peut rien dire de ce "vide".
La récupération des significations inspiratrices, des sens profonds
qui sont au-delà des mécanismes et des configurations de
conscience, est réalisée depuis le moi quand celui-ci reprend son
travail normal de veille. Nous parlons de "traductions"
d'impulsions profondes, impulsions qui arrivent à mon intracorps
durant le sommeil profond, ou d'impulsions qui parviennent à ma
conscience dans une sorte de perception différente de celles connues
au moment du "retour" à la veille normale. Nous ne pouvons
pas parler de ce monde parce que nous n'avons pas de registre durant
l'élimination du moi ; nous disposons seulement des "réminiscences"
de ce monde, ainsi que Platon nous le commente dans ses mythes.
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