2016/09/03

Le phenomenon de l'illumination


Silo. Canarie 2 – 1978 
 
4° Jour.
A mesure que l’on descend dans l’espace de représentation, cet espace s’obscurcit. A mesure que l’on monte dans cet espace il s’éclaircit. Comme vous le savez bien. Cette obscurité dans la descente et cette clarté dans la monté sont en rapport avec deux phénomènes : un l’éloignement des centres optiques et le système habituel d’idéation et l’autre le système habituel de perception par lequel nous avons associé la lumière du soleil avec le ciel, etc… l’absence de lumière avec les profondeurs.
Ceci ne signifie pas que les objets, placés dans les hauteurs ou les profondeurs ne soient pas clairs, car il y a des objets dans les hauteurs qui sont obscurs même lorsque l’espace de représentation est plus illuminé, et il y a des objets qui sont clairs dans les profondeurs de l’espace de représentation. Mais il y a des points limites, aussi bien dans la montée que dans la descente, dans l’espace de représentation, et ainsi en arrivant aux limites, tant en bas qu’en haut, tout l’espace se trouve obscurci. Il se trouve obscurci parce que nous arrivons aux sensations limites du corps. Il est obscur parce qu’au-delà il n’y a pas de signal. De sorte qu’en descendant ou en montant, même lorsqu’en haut nous voyons de la clarté, si l’on monte bien au-delà, au-delà de la clarté, l’espace de représentation s’obscurcit aussi. Enfin l’espace de représentation, aussi bien en bas qu’en haut, dans ses limites, se trouve totalement obscur.
Dans les profondeurs ou dans les hauteurs peuvent apparaître des objets plus ou moins lumineux. Je peux représenter ces objets, mais cela ne modifie pas le ton général de lumière qui peut exister dans l’espace de représentation. Cependant dans certaines conditions et toujours aux limites de l’espace de représentation, uniquement dans des conditions déterminées, un curieux phénomène de lumière se produit, il fait irruption en illuminant tout l’espace de représentation. Ainsi cette lumière qui illumine tout l’espace de représentation s’impose de telle façon que même si notre sujet monte ou descend, dans tous les cas l’espace de représentation demeure illuminé. Cette lumière ne dépend pas d’un objet spécialement illuminé, mais tout l’écran est maintenant très brillant. C’est comme si vous mettiez la T.V., complètement lumineuse. Il ne s’agit pas de voir un objet plus illuminé qu’un autre, mais il y a une brillance particulière qui n’est pas en fonction de ce qui se passe dans les figures, la brillance générale sur tout l’écran est extrême. Dans certains processus transférentiels, après avoir enregistré ce phénomène, notre ami ressort en veille, et sa perception du monde continue à être modifiée par cette curieuse transformation qui s’est opérée dans son espace de représentation. Selon les descriptions, les objets lui semble plus brillants, plus nets, avec plus de profondeur, etc.… C’est-à-dire qu’en produisant ce curieux phénomène d’illumination de l’espace de représentation, quelque chose aussi s’est produit non seulement dans le système de représentation mais aussi ce système de représentation à modifié les perceptions du monde, selon ce que nous venons de voir. IL est très accidentel que les deux phénomènes se produisent : l’obscurité de la limite, le dépassement de cette barrière, fréquemment décrite et l’accès à une sorte de lumière illuminant l’espace de représentation.
Par contre dans les processus autotransférentiels, l’intention finale de ce processus, est de transcender les limites de la représentation de cet espace qui finalement s’obscurcit. De même, empiriquement, sans grande connaissance technique, ou peut-être avec une connaissance mais sans l’afficher, dans de nombreuse religions et pratique mystiques, il s’agit de se mettre en contact avec cette lumière ou avec ce phénomène transcendant le système de représentation, qui soudain fait irruption dans la conscience.
Avec différents procédés ascétiques, parfois rituels, parfois hallucinatoire, au moyen du jeûne, de la prière, de la répétition, par de nombreux moyens, beaucoup de rites dans tous les cas supérieurs et beaucoup de religions prétendent obtenir ce contact avec une sorte de source de lumière. Dans les processus transférentiels et autotransférentiels, que ce soit par accident dans le premier cas ou de façon dirigée dans le deuxième, on a quelque connaissance de ce phénomène, et on sait que ceci peut se produire quand le sujet a reçu une forte commotion psychique, c’est-à-dire que son état est proche d’un état altéré de conscience. La littérature universelle est également remplie de considérations sur ces phénomènes. Lorsqu’après sa commotion spirituelle, ou interne, Moïse va sur la montagne et rencontre la lumière, un buisson ardent devant lui, et qu’il se prosterne devant ce buisson ardent et que sans le regarder il dit : «  Et toi qui es-tu ? », le buisson ardent, chose étrange, lui parle, c’est-à-dire communique avec lui et lui répond : «  je suis celui qui est ». C’est une réponse intéressante. Lorsque Paul qui à l’apparition du christianisme s’adonnait à la persécution des chrétiens, c’était un hobby pour lui, (rires), lorsque Paul poursuivait les chrétiens mais certainement sous une forte commotion spirituelle et une puissante recherche, vit soudain une grande lumière qui le fit tomber de son cheval, qui le rendit quasi aveugle, et la lumière lui demande : « Saül pourquoi, me poursuis-tu ? » C’est ainsi que Paul s’appelait : Saül. Il aurait pu s’appeler Ramon, par exemple (rire), mais il s’appelait ainsi. « Saül, pourquoi me poursuis-tu ? » De plus Saül resta aveugle, il fut aveuglé à cause de cette lumière. Et Saül se convertit au christianisme et devint le plus grand organisateur du christianisme, saint Paul.
Aujourd’hui, sans aller si loin, on aperçoit de nombreux objets dans les cieux. Les gens voient des lumières. Si notre ami est un monsieur qui conduit une voiture, et qu’en pleine nuit, il voit devant lui une lumière, une lumière qui se déplace, il arrête sa voiture. Cette lumière continue à se déplacer très vite et que ce n’est pas la lumière d’un autre véhicule, c’est une lumière qui se déplace dans toutes les directions, s’il n’y a pas de référence spatiale- des cabines téléphonique, des maisons etc…- à quelle distance se trouve cette lumière ? Est-elle derrière le pare-brise ? Ou devant ? Ou dans sa conscience ? Et cette représentation est en train de modifier sa perception. Puis, il y a beaucoup d’autres phénomènes qui n’ont rien à voir avec la lumière que nous évoquions dans le cas de Saül ou de Moïse, etc…
On observe bien d’autres cas : des cas de luminescence, etc… dans la chambre du silence etc… avec des drogues hallucinogènes, les gens observent aussi certaines choses mais sans rapport avec la lumière qui aveugle. Dans la chambre du silence, le sujet qui flotte, et son visage hors de l’eau et certaines parties de son corps aussi, à un moment donné le sujet voit une lune d’argent par exemple. Cette lune d’argent n’est rien d’autre que la traduction à l’image visuelle de ses sensations tactiles de cette partie du visage restée hors de l’eau, la forme de cette lune croissante ou décroissante, n’est autre que la forme du visage de notre ami. Cette lumière, à son tour devient plus indépendante et le sujet, comme il n’a plus de limites corporelles, ne sait pas si cette lumière est hors de lui ou bien, si elle est une projection d’un phénomène traduit de représentations internes. Ainsi donc ces lumières que l’on voit, peuvent être dues aussi, à des anesthésies intracorporelles qui, en raison de forts systèmes de tensions dans la société contemporaine, inhibent des impulsions et se traduisent alors en images déterminées qui peuvent se projeter dans un état altéré de conscience.
Cela se complique lorsqu’il s’agit d’un petit disque qui va et vient, mais que soudain ce phénomène fait irruption avec une grande force, il fait irruption avec une grande Force illuminant d’une grande lumière le sujet qui observe. Et le sujet reste parfois aveugle. Il ne s’agit pas d’un petit disque. Toujours et quand nous accordons du crédit aux choses que les gens racontent. Il arrive aussi, dans le cas de ces puissantes lumières, que le sujet parle de connexion avec cette lumière et il semblerait alors, qu’il parle avec cette lumière et qu’il y ait une sorte de contact télépathique dans lequel la Lumière leur indique des choses, ou ils communiquent avec cette lumière. De même que Moïse en son temps se connectait avec la ronce ou Saül se connectait avec cette lumière qui le fit tomber de cheval. Nos contemporains qui voient des choses dans les cieux communiquent aussi parfois avec ces puissantes sources de lumière qui semblent leur donner des messages et en reçoivent et ainsi de suite. Déjà dans l’Iliade et dans d’autres textes, certains commentent qu’il leur parut mourir et sont revenus, ils ont eu l’impression d’abandonner leur corps et de s’orienter vers une lumière toujours plus vive sans pouvoir bien le raconter, ce n’est pas le cas de l’Iliade, mais de nos contemporains, sans pouvoir bien relater si c’était eux qui avançaient vers la lumière ou la lumière vers eux. Le fait est qu’ils rencontrent cette lumière, et cette lumière, a la propriété de se communiquer avec eux d’une certaine façon, de parler avec eux ou de leur donner des indications. Que les lumières parlent est un peu étrange comme vous le savez. Dons ces lumières donnent des indications et le contact s’établit. Et bien sûr, pour pouvoir raconter cette histoire, que ce soit pour avoir reçu un choc électrique dans le cœur ou autre chose du même style et alors ils sentent qu’ils reviennent ou s’éloignent de cette fameuse lumière avec laquelle ils étaient sur le point d’établir un intéressant contact. Mais bien sûr, s’ils établissaient ce contact, nous n’en serions pas informés (rires). Il est donc bon dans tous les cas qu’ils reviennent. (Rires).
Il existe de nombreuses explications à ces phénomènes, des explications du côté de l’anoxie, d’autres parlent de l’accumulation de dioxyde de carbone, il y a beaucoup d’explications sur ce phénomène de lumière. Mais pour nous, comme d’habitude, les explications qui sont aujourd’hui d’une sorte et demain d’une autre, ne nous intéressent pas beaucoup ; nous nous intéressons plutôt au système de registre, l’emplacement, le registre affectif que vit le sujet, et par-dessus tout autre chose, cette sorte de grand sens que cela semble donner au sujet et qui avec certitude change sa vie. La vie de Moïse change, la vie de Paul change, la vie des sujets qui croient avoir eu une forte expérience avec cette lumière et combien d’autres cas. Ceux qui croient être revenus de la mort, etc. ce changement de sens de sa propre vie du fait de l’expérience du contact avec un phénomène extraordinaire qui soudain fait irruption chez le sujet et que le sujet ne parvient pas à comprendre s’il s’agit d’un phénomène de perception ou de représentation. Mais dans ce cas, pour toutes les situations, ce phénomène semble d’une grande importance, et du fait de sa présence, il a l’aptitude de changer subitement le sens de la vie humaine.
Demain nous poursuivrons sur ce thème.

5° Jour.
Outre les états crépusculaires, nous distinguons aussi des états qui peuvent être occasionnels et des états que nous pourrions très bien appeler états supérieurs de conscience. Nous avons classé les états supérieurs de conscience depuis longtemps comme états d’extase, de transport extatique, et de reconnaissance. Celui qui s’introduit assez souvent dans l’expérience, le fait d’abord par les états les plus primaires, c’est-à-dire les états d’extase. Ces états ont habituellement des concomitances motrices, une certaine agitation, certains mouvements du corps. Les états de transport extatique ont plutôt des concomitances émotives, et souvent une joie intense envahit le sujet, un état ineffable l’envahit. Nous pourrions dire que les états supérieurs de reconnaissance sont plutôt intellectuels, dans le sens où le sujet croit un instant comprendre le “tout“. En un instant le sujet croit qu’il n’y a pas de différence entre ce qui est “lui “ et ce qu’est le “monde“, comme si le moi avait disparu. Notre ami maintenant ne se préoccupe pas de son n° d’identité, de son poids, de sa taille, de tout ce qui lui fait sentir qu’il est lui : “ moi maintenant j’ai un état intéressant“. Mais ce moi semble plutôt avoir complètement disparu, et lui est simplement présent, comme dans certaines représentations de certaines religions, une sorte de grand œil, et non un monsieur qui regarde derrière les trous de serrures. Ces états supérieurs de conscience peuvent avoir leurs concomitances motrices, émotives et intellectuelles.
Il est clair que sans arriver à des choses aussi extraordinaires : qui peut dire qu’il n’a pas une fois dans sa vie, sans rien faire de spécial, senti subitement une joie sans raison, une joie subite croissante étrange, mais une joie tout de même ? Qui peut dire qu’il ne lui est pas arrivé, comme ça, de se rendre compte que les choses sont telles qu’elles sont, mais de s’en rendre compte en profondeur et avec une grande signification ? Imaginez cela-même, et plus encore. (Rires).
Le travail avec l’expérience peut très bien se faire et se poursuivre dans le calme, être développée peu à peu, sans précipitation, sans inquiétude, parce qu’après tout nous ne cherchons pas ces expériences comme un but, mais comme des références capables d’orienter la conscience dans une direction croissante. Il ne s’agit pas de se lancer dans l’expérience pour une sorte d’hédonisme spirituel, pour avoir des expériences, disons pour manger plus de fraises. (Rires). Si vous voulez additionner les expériences vous trouvez n’importe quoi. Il ne semble pas qu’il s’agisse de ça… je vous le dis parce que notre époque est très portée sur la consommation, donc beaucoup d’expériences. (Rires). Il ne s’agit pas de ça, accumuler des expériences, -“ homme de beaucoup d’expérience“- mais d’obtenir quelques références capables d’orienter dans un sens intéressant. On peut travailler avec ces expériences lentement, sans grandes difficultés, comprenant que ce que l’on cherche au fond de tout c’est un sens plus qu’une expérience.
Et qu’est-ce que l’expérience ? C’est une sorte d’intermédiaire avec le sens.

Chacun son "paysage"


Quand je perçois le monde externe, quand je me développe quotidiennement en lui, non seulement je le constitue avec des représentations qui me permettent de m’y reconnaître et d’agir, mais je le constitue en plus avec des systèmes coprésents de représentation. Cette structuration que je fais avec le monde, je l’appelle “paysage“ et je constate que la perception du monde est toujours la reconnaissance et l’interprétation d’une réalité, en accord avec mon paysage. Ce monde que je prends pour la réalité même, c’est ma propre biographie en action et cette action de transformation que j’effectue dans le monde, c’est ma propre transformation. Et quand je parle de mon mode interne, je parle également de l’interprétation que j’en fais et de la transformation que j’effectue en lui. 

Silo: Psychologie de l’Image, 1990  

2016/09/01

Se rendre compte qu’on existe!

On est ce que l’on fait et c’est ce l’on croit. Ton futur sera selon ce que tu crois, c’est ainsi. Selon l’image que j’ai, mon futur sera ainsi. Selon le Dieu que tu appelles, il sera d’une forme ou d’une autre. Le dieu que tu appelles viendra, c’est la même chose avec le guide, viendra celui que tu appelles et non un autre…, cela pourrait être ainsi mais ça dépend de ce que tu veux faire de ta vie. Il existe beaucoup de ces êtres et tu peux les appeler. Nous avons cette capacité de faire ça, mais nous ne nous le proposons jamais. Ceci est possible si je lui donne de la permanence.

Si tu t’acharnes tu peux mettre en marche des forces internes très profondes, de plus, certaines qui attendent que tu les appelles. « Nous sommes une brise dans un coin perdu d’un Univers ». Ceci est beaucoup plus que ce qu’on imagine … Seul, les grandes nécessités peuvent réveiller de leur sommeil millénaire les Guides les plus profonds…

…Être conscient de soi-même est une chose très inspiratrice…Se rendre compte qu’on existe !, faire attention…, diriger l’attention…, est une avancée. Mais ça ne rapporte rien, ça ne donne pas d’argent. A quoi ça sert … ? On est dans l’externe, on rêve. Etre conscient de soi est une chose inspiratrice (c’est une porte qui s’ouvre), me rendre compte que j’existe ! De moi-même ! Investir dans ça c’est ce qui rapporte le plus. C’est le meilleur placement en bourse… se rendre compte… prendre conscience de soi. Si tu y ajoutes ces actions qui transcendent le personnel, si de plus tu l’accompagne de travaux énergétiques… ceci est une technologie de pointe. Pour que l’autre puisse t’entendre il faut que tu profites des recoins du chemin parce que sinon, il ne peut t’écouter, il doit être en échec, s’arrêter.




Silo, Mendoza 24 juin 2003



 

2016/08/31

Sur la Religion Intérieure

Dans toutes les religions il y a des récits extraordinaires à propos de l’entrée de l’esprit, à propos de la perte de conscience, à propos des phénomènes extraordinaires. Actuellement des formes raffinées de modifier les états de conscience sont de mode, comme dans l’action des drogues. Par le biais de l’action de drogues certains font des récits extraordinaires d’autres niveaux, d’autres états, et d’une compréhension différente du monde. En effet, ces états existent. Mais il se trouve qu’en aucun de ces cas (celui des religions et celui de l’action des drogues) il n’y a contrôle du phénomène. 

Nous, nous parlons d’un travail conscient et ceux qui ont participé de ce travail savent ce que c’est de libérer cette énergie interne, c’est-à-dire : atteindre un niveau de «réveil » plus grand. Nous connaissons plusieurs techniques. Une d’elles a à voir avec cette sensation interne d’une forme sphérique dans la poitrine et dont l’expansion progressive, d’un seul coup libère le mécanisme d’énergie alors on commence à transiter par des états plus conscients (non par les états de perte de conscience, qui est la voie de chute, cette voie que nous appelons « crépusculaire »). 

Il y a une autre technique qui se réfère à un travail avec les formes, mais pas comme le fond les orientaux avec leurs « yantras ». Il y a une autre technique : en ne remplissant pas la conscience de contenus, mais en vidant la conscience de contenus. Mettons un exemple : si ici réunis on suggère : « cherchez à l’intérieur de vous-même, ce que vous avez cherché toute votre vie », vous direz : mais que dois-je trouver ? Si je devais trouver un vase à fleurs, ou une image, ou le cœur, en dernier ressort la chose serait facile. Mais qu’est-ce que c’est ce « chercher à l’intérieur de soi-même, et que j’ai cherché durant toute la vie ? » Ceci n’est pas clair. Alors bien, c’est en cela que se trouve la technique, elle se base sur, la non-suggestion d’un objet déterminé. 

Si nous suggérions un objet interne déterminé, l’acte s’y référant se complèterait en lui et s’arrêterait. Si nous ne suggérons pas d’objet, mais que nous lançons un acte de recherche de quelque chose, et nous ne savons pas de quoi il s’agit, alors se produit le phénomène suivant : une image apparait, une automobile par exemple et je dis : « ce n’est pas ce que j’ai cherché toute ma vie », apparait un chien « non ça non plus ». Alors, ce qui se passe, c’est que tous les contenus qui surgissent ne sont pas l’objet proposé et je reconnais par élimination qu’il ne s’agit d’aucun d’entre eux. En fait, je ne sais pas quelle est cette chose que j’ai cherchée durant toute ma vie. C’est un sentiment profond, c’est un sentiment très à l’intérieur de soi-même auquel on parvient à mesure que l’on écarte tous les contenus et toutes les images auxquelles nous nous sommes habitués ordinairement. Par ce procédé de vidage mental, surgit alors d’un seul coup le phénomène que nous connaissons comme la Force. 

Il y a aussi une quatrième forme qui est par le vide mental. Mais avant, faisons une petite digression. Vous reconnaissez qu’il y a des personnes capables d’imaginer très bien un objet, et il y en a d’autres qui n’ont pas la capacité pour imaginer des objets. Il y des personnes qui se rappellent très bien les visages, et par contre il y a des personnes qui se rappellent très bien les voix. Il y a des personnes qui apprennent mieux en lisant, et il y des personnes qui apprennent mieux en écoutant. Nous parlons de deux formes de mémoire connues depuis très longtemps : la forme de mémoire visuelle et la forme auditive. Il y a des personnes qui ont une meilleure mémoire par les représentations visuelles et d’autres par les représentations auditives. Alors ce qui se passe, c’est que certains, les plus visuels, peuvent imaginer des choses et travailler avec elles, mais les autres ne les imaginent pas bien. Tous, visuels ou pas, peuvent se concentrer sur eux-mêmes, et écouter les « bruits » de leur propre conscience. Ce ne sont pas des bruits d’os, ce ne sont pas des bruits cérébraux ; je me réfère aux contenus de la conscience qui, si on les observe bien, sont comme si on les écoutait. 


Nous ne parlons pas de cas pathologiques, d’hallucinés qui entendent des voix ; nous disons que parfois nous sommes en conversation avec nous-mêmes, que nous nous rappelons des conversations etc. donc, toute cette chose auditive qui travaille à l’intérieur de nous-même, c’est celle-ci qu’il nous intéresse de vider de notre conscience. Alors il nous intéresse de faire attention à ces sons. Commençons par écouter ces sons. Nous voyons qu’entre un son et un son, entre un contenu et un contenu parfois un silence se produit, puis la chansonnette continue et « la conversation » continue. Entre un problème et un autre problème surgit un silence. C’est ce silence qui nous importe. Lorsque nous travaillons en faisant attention au silence, nous provoquons aussi un vide mental de la même manière que lorsque nous écartions des contenus. Maintenant, en écartant des sons mentaux, nous écartons non seulement des sons mais aussi des images visuelles. Nous faisons attention à ce vide mental, à ce silence mental, et dans ce travail c’est lorsque d’un coup, survient aussi ce que nous nous connaissons comme la Force.

Tous ceux qui ont travaillé avec ça, reconnaissent les différentes techniques. Il y d’autres personnes qui ne sont pas si psychologiques, qui sont un peu plus étranges, et qui semblent mieux manier le plan du transcendantal, de l’action de la Force externe que, pour le moment nous ne discuterons pas.

Pour finaliser cette causerie, revenons pour considérer ce qui a été dit. Lorsque nous parlons de Religion Intérieure, nous ne parlons pas d’une forme organisée de culte, de sacrements, ni de prêtres. Nous parlons d’un sentiment religieux qui a à voir avec le travail interne. Et ce travail interne se manie avec trois techniques. Une technique (dans la vie quotidienne) de l’attention dirigée ; une technique d’oraison dans le sens dont nous l’avons décrite, une oraison repliée sur soi-même et sans faire appel à des intermédiaires, et enfin ce travail très occasionnel qui a à voir avec le maniement de la force.

Sur la Religion Intérieure, 30 Aout 1974, Silo

Construire un paysage de formation différent


Ayant reçu une éducation dans un certain type de culture, il y a des choses qui nous échappent et que nous ne pouvons pénétrer. Ceci provient de la valorisation sociale et des codes que l'on porte en soi. Ceci est dû à une mémoire agissante, ce dont l'on se souvient. 

Il existe une mémoire profonde qui détermine la façon de voir le monde, c'est le "paysage de formation". L'individu ne pourra s'approcher de ces thèmes par pur volontarisme. Cela dépendra du moment historique dans lequel il est placé. 

Dans l'Antiquité, sur la place publique, on débattait du nombre d'anges pouvant tenir sur une tête d'épingle ; aujourd'hui l'on parle des entreprises. En 1970, on savait vers où l'on allait (en termes de dynamique historique) ; aujourd'hui, on ne sait pas où l'on va. C'est la mémoire agissante : elle se met dans tout, elle est liée aux valorisations et aux recherches et elle n'est pas "plane". 

Lorsque nous parlons de transformations profondes, nous faisons une sorte de substitution du paysage de formation, qui nous pousse et "provient d'avant" ; nous le substituons par quelque chose de plus conscient. Nous ne sommes pas conscients du monde dans lequel nous nous formons, et cependant ce paysage agit sur nous. Mais lorsque nous le substituons, nous remplaçons ce monde pour nous mouvoir selon les desseins que nous formons. 

C'est un long travail de formation de desseins, qui ont à voir avec les valorisations, les tons affectifs et les quêtes. C'est une chose sérieuse ; c'est sortir du paysage de formation donné et entrer dans un paysage construit par soi-même. Construire un "dessein", c'est construire un paysage de formation différent. 

De grandes modifications de paysages de formations se produisent également par des accidents sociaux. Parfois le monde change et c'est toute une position face au monde qui tombe, car apparaît soudain un paysage différent qui choque avec ce qui était établi. Par exemple, on peut observer toutes les transformations qui se sont produites lors du surgissement des grandes religions. 

Il y a là un grand changement dans le thème des paysages. Ou bien l'on change par action intentionnée, ou bien l'on change par accident. Il y a un conflit entre ce dont on se souvient et ce que l'on vit aujourd'hui. Il y a une grande différence et ce sont les charges affectives qui décident. Sans la charge affective, rien ne change, celle-ci étant profondément cénesthésique. Ce sont les sens profonds qui travaillent et leurs représentations sont profondes. 
Silo: 
Antécédents des Disciplines

2016/08/21

L’entrée aux espaces profonds


Source: 
Espacede représentatio, Profondeur, Pointde contrôle

Parc d’Etude et de Réflexion Punta de Vacas, octobre 2015

… Depuis les espaces profonds, on peut comprendre comment la “transe“, l’entrée dans certaines enceintes ou espaces profonds ne peuvent pas s’effectuer au moyen des images “ traceuses“ correspondant aux 5 sens externes, sinon avec des images profondes qui utilisant les images traceuses “externes “ bougent l’intracorps vers les espaces profonds.
… En somme, dans n’importe quel travail vers les espaces internes (et plus encore dans n’importe quel cas de travail pour entrer dans les espaces sacrés), il y a une “transe“, une déstructuration du “moi“ quotidien, qui constitue la porte d’entrée de ces espaces si profonds. Pour mettre cette “transe“, un mécanisme comme la verbalisation est indispensable. Tout ce qui est antérieur, les exercices simples comme les oraisons et les contemplations d’images, sont propédeutiques, elles introduisent les processus plus complexes qui facilitent “l’entrée“.
… Avec l’espace de l’Autel on peut entrer en “transe“ et continuer d’intérioriser. On peut se concentrer vers le “profond“ et assister à l’apparition d’images et des conversions d’énergie, ou bien on peut s’ouvrir vers l’Autel dans une contemplation qui amène aux pas de l’Ascèse vers des accumulations, des conversions et des projections dans un parcours que nous connaissons et qui a une forte signification mystique.
… Comme exemple d’une expérience intéressante (de la Force), la sphère devrait se situer dans un espace profond où se réveillent et se mobilisent des émotions.
… Il est nécessaire de situer dans les espaces profonds. Une façon d’entrer dans ces espaces profonds est celle-ci :
On commence en se relaxant avec les yeux fermés. On regarde les paumières depuis l’intérieur. Lorsque les yeux se tranquillisent (ce qui signifie qu’il n’y a plus d’image ou de bruit mentaux), la sensation des paupières commence à se déplacer vers l’intérieur, poussant le regard vers l’intérieur jusqu’à parvenir à un espace profond. (Ceci pourra avoir une concomitance kinesthésique : le mouvement de la tête vers l’arrière). Dans cet espace profond où nous allons travailler les pas de la discipline que nous avons décidés préalablement. Ce mouvement vers l’intériorité se fait en amenant l’espace de représentation vers l’intérieur.
Dans cet espace profond on pourrait rester là sans rien faire, attendant que quelque chose se manifeste en silence (Nirvana). De cette manière Bouddha parvint à l’illumination. Des images inspiratrices de tous types pourraient paraitre aussi. Ces images nous les appelons conversions
… Ceci est la préoccupation des différentes Ascèses, bien que vous pensiez que ces espaces sacrés soient hors de nous-mêmes. Espace et temps différents : sacrés, nous ne disons pas qu’ils sont dehors ou dedans, mais qu’ils existent. Les catégories « espace et temps » sont des choses qui ont à voir avec l’expérience humaine. La grande modification du temps et de l’espace est intéressante ; c’est un espace sacré qui n’a rien à voir avec l’espace et le temps de la vie quotidienne. Pas plus que le temps et l’espace des philosophes.
Les gens ont une expérience quotidienne de l’espace et du temps. Dans cet espace, nous sommes en contact avec les gens, avec nos souvenirs, notre “moi“ et notre monde.
Lorsque nous parlons de ces espaces sacrés, nous n’en avons que plus ou moins des lueurs dans nos expériences, via les disciplines, à travers les Ascèses, et il y des informations des autres Ascèses. Ceci a toujours été actif dans les diverses cultures : la mystique des religieux est celle de l’Ascèse. Celle que font certains sujets pour se connecter avec les espaces sacrés.
… Les Ascèses, sont l’entrée des espaces profonds et l’entrée est par les registres cénesthésiques.
… Quelle sera l’entrée, la porte qui me donne le registre d’une réalité différente ? Le travail des différentes Ascèses est pour entrer dans ces espaces et temps profonds qui transcendent le connu. La profondeur qui peut transcender la connexion avec le monde.
… Tu dois écarter le “moi“, pour entrer dans un autre espace et un autre temps, ce sera l’espace de représentation, mais dans d’autres zones, les profondes et non les périphériques.
Tu dois avoir des signifiants, des commotions internes pour entrer.
… Les mantras sont des mots. Il s’agit d’utiliser un son pour entrer. Comment l’ajustons-nous vers l’intérieur ? Que va-t-on utiliser ? Un mot (chargé) comme “seigneur“ (coprésence complexe avec des signifiants), [...] que je puisse me l’amener à l’intérieur, que cela connecte avec la cénesthésie et ne soit pas dans l’oreille mais dans la cénesthésie du “cœur“ vers l’intérieur de mes espaces de représentation. Je commence avec l’ouïe (représentation) par la mémoire de l’ouïe : “Seigneur“. Entrons dans le registre du mot. Je le lie à la cénesthésie, je le lie à l’intérieur. On est affecté par les émotions, le cœur, la respiration qui correspond aux émotions.
Ces concomitances de respiration et cardiaques doivent apparaître ; nous sommes dans le niveau de représentation et nous l’avons fait avec le système de représentations cénesthésiques. C’est intense! “Seigneur“ se trouve au centre (éliminer toute distraction). Ôtons tout ce que nous savons pour voir l’apparition du registre central. Saisissons le rythme pour être dans ça et que n’entre aucun élément externe qui nous distraie ; puis, à un moment tu passes dans un autre espace interne. Nous sommes dans la technologie de l’Entrée, et la répétition agit afin de pouvoir passer la porte vers un autre espace-temps.
Nous devons trouver le rythme du métronome. Dans certains cas, ce peut être la respiration.
Le thème est que ne rentre rien d’autre de ce monde.

(Silo: Mythes, racines universelles : La Profondeur, dans le taoïsme, est considérée comme “ l’infiniment petit“ et la Profondeur de la Profondeur comme “ l’infinie petitesse de l’infinie petitesse“.)

2016/08/19

Le Chemin

Si tu crois que ta vie se termine avec la mort,
ce que tu penses, sens et fais n’a pas de sens.
Tout s’achève dans l’incohérence, dans la désintégration.

Si tu crois que ta vie ne se termine pas avec la mort,
ce que tu penses doit coïncider avec ce que tu sens et ce que tu fais.
Tout doit avancer vers la cohérence, vers l’unité.

Si tu es indifférent à la douleur et à la souffrance des autres,
toute aide que tu demandes ne trouvera pas de justification.

Si tu n’es pas indifférent à la douleur et à la souffrance des autres,
tu dois faire en sorte que coïncide ce que tu sens
avec ce que tu penses et ce que tu fais pour aider les autres.

Apprends à traiter les autres de la manière dont tu veux être traité.
Apprends à dépasser la douleur et la souffrance en toi,
dans ton prochain et dans la société humaine.
Apprends à résister à la violence qu’il y a en toi et en dehors de toi.
Apprends à reconnaître les signes du sacré en toi et en dehors de toi.

Ne laisse pas passer ta vie sans te demander : « Qui suis-je ? »
Ne laisse pas passer ta vie sans te demander : « Vers où vais-je ? »
Ne laisse pas passer un jour sans te répondre qui tu es.
Ne laisse pas passer un jour sans te répondre vers où tu vas.
Ne laisse pas passer une grande joie sans remercier en ton intérieur.
Ne laisse pas passer une grande tristesse sans réclamer en ton intérieur cette joie qui est restée conservée.

N’imagine pas que tu es seul dans ton village, dans ta ville, sur la Terre et dans les mondes infinis.
N’imagine pas que tu es enchaîné à ce temps et à cet espace.
N’imagine pas que dans ta mort s’éternise la solitude.

                                                                           Le Message de Silo