2024/02/10

Connaissance de soi et évolution personnelle.

Exposé de Silo (1974)

Quelqu'un peut croire que la connaissance de soi est une connaissance égoïste qui exclut les autres ou qui favorise le repli sur soi et le retrait des activités quotidiennes.

La connaissance de soi ne se réfère pas à des questions si particulières qu'elles excluent du monde des relations humaines, bien au contraire.

Lorsque nous disons "connaissance de soi", nous pensons avant tout à la compréhension des conditions dans lesquelles on vit. Il s'agit donc d'une connaissance qui concerne les problèmes que les gens rencontrent au quotidien, dans leur travail, dans leur famille, avec leurs amis, etc.

Il est important de le préciser d'emblée, car il ne manque pas de personnes qui pensent qu'il peut y avoir une connaissance de soi séparée de toute situation quotidienne. Il est important de le préciser d'emblée, car les personnes qui pensent que la connaissance de soi peut être dissociée de toute situation quotidienne ne manquent pas.

La connaissance de soi renvoie à la compréhension de la situation quotidienne dans laquelle on vit.


Certes, la connaissance est importante, mais elle est incomplète si l'on ne peut pas en tirer des conséquences pratiques. C'est pourquoi on parle aussi d'évolution et on la comprend comme la modification favorable des situations de telle sorte que l'on éprouve une satisfaction croissante de soi-même et que l'on puisse apporter aux autres l'aide nécessaire pour qu'ils en tirent également profit.

En parlant d'"auto-évolution", certains ont tendance à penser que l'on propose le développement de certaines facultés psychiques telles que l'attention, la mémoire, etc. D'autres encore associent l'auto-évolution à des questions telles que le contrôle des émotions ou des pratiques compliquées et extravagantes.

Si l'on proposait d'éduquer l'attention ou la mémoire, on ne toucherait pas au point le plus important. Si l'on donnait des techniques partielles, on ne chercherait pas à résoudre les problèmes fondamentaux.

Tous les êtres humains, quelle que soit la diversité de leurs idées et de leurs pratiques, rencontrent un facteur défavorable dans leur développement. Ce facteur est la souffrance inutile.

Et nous disons "souffrance inutile" parce que nous faisons la distinction entre la souffrance physique ou douleur, causée par des accidents, des maladies, et la souffrance mentale, qui est un produit de l'imagination.


L'élimination de la douleur physique dépend du progrès de la science et de la technologie ; l'élimination de la souffrance mentale ne dépend pas de ce développement, mais du développement de nous-mêmes.

La connaissance de soi et l'évolution personnelle consistent donc précisément à comprendre les situations que l'on vit quotidiennement par rapport au problème de la souffrance inutile, afin de modifier cet état de fait en sa faveur et, par voie de conséquence, en faveur des autres qui vivent les mêmes difficultés.


Comment la souffrance se manifeste-t-elle en général ?


On souffre parce qu'on n'a pas ce qu'on veut. On souffre aussi parce que, ayant quelque chose, on pense qu'on peut le perdre. Et ce quelque chose que l'on vient à posséder ou que l'on craint de perdre se réfère aussi bien à des objets qu'à des personnes, à des situations, à des valeurs ou à des qualités de soi.

On souffre aussi de la peur de la solitude, de la maladie et de la mort. Et quand on voit ou imagine que d'autres souffrent pour certaines de ces raisons, on souffre aussi.

Si l'on se demande ce qui me fait souffrir dans mon travail, ce qui me fait souffrir dans ma famille, ce qui me fait souffrir dans ma vie de couple, ce que je veux obtenir et qui me fait souffrir, ce que je crains de perdre et qui me fait souffrir?


Si l'on répond correctement et en profondeur à ces questions, deux vérités apparaîtront : premièrement, même dans les choses les plus petites (par exemple, la souffrance que j'éprouve à la suite d'une parole d'une autre personne qui diminue l'image que j'ai de moi-même) ou dans les choses les plus graves, je peux réduire toutes sortes de souffrances à la possession (soit parce que je souhaite posséder quelque chose que je n'ai pas, soit parce que je crains de perdre quelque chose que je possède ou que je pense posséder).

Deuxièmement, je constate que je ne peux pas résoudre partiellement le conflit quotidien, car lorsque l'un disparaît, un autre apparaît. Si j'observe attentivement ma propre vie, je constate que lorsque j'ai cessé de souffrir pour une chose, j'ai commencé à souffrir pour une autre, et ainsi de suite.

Il est entendu que le problème de la souffrance ne peut être résolu partiellement. Même si l'on est végétarien, que l'on pratique le yoga, que l'on arrête de boire du café, que l'on croit en une religion ou que l'on est athée, le problème de la souffrance ne change pas du tout. Même en tant que père, fils, patron, subordonné, chef ou manager, le problème de la souffrance demeure et ne dépend pas exactement de ma position ; en tout cas, il est renforcé si j'accorde une attention particulière à ma position.


Nous avions l'habitude de parler de la douleur physique. On sait qu'il existe de nombreuses formes de douleur physique. On sait aussi que lorsque certains besoins ne sont pas satisfaits, la douleur se manifeste. Ainsi, satisfaire la faim est un besoin, protéger le corps est un besoin, et si vous ne répondez pas à ces besoins, vous risquez la destruction du corps et une grande douleur.

Un besoin est donc un besoin qui, s'il n'est pas satisfait, entraîne de la douleur et peut me détruire. En revanche, un désir possessif est un désir qui, s'il n'est pas satisfait comme je l'imagine, me crée une souffrance mentale.


Il est inéluctable que les êtres humains satisfassent leurs besoins, mais il n'est pas nécessaire qu'ils satisfassent leurs désirs possessifs imaginaires. Bien au contraire. En poursuivant cette possession imaginaire, on crée de la souffrance, et on crée de la souffrance dans le monde des autres êtres humains.

Si l'on a compris tout ce qui précède, on peut progresser dans la compréhension de la situation dans laquelle on vit par rapport au problème de la souffrance, et l'on peut aussi changer son attitude vis-à-vis de la vie en général, et pas seulement en partie. Et, par conséquent, l'être humain peut être libéré de la souffrance.

Le changement profond d'attitude est possible et permet l'évolution, car il donne d'énormes possibilités qui étaient bloquées par la souffrance et la peur.


Si l'objectif de la connaissance de soi a été rapidement esquissé, les techniques à mettre en œuvre n'ont pas été expliquées. Cependant, on peut dire en quelques mots que c'est de cela qu'il s'agit :

Il faut étudier sa propre vie, c'est-à-dire faire sa propre biographie depuis sa naissance jusqu'à aujourd'hui, en comprenant les événements les plus importants qui ont engendré la souffrance. Il doit également étudier la situation dans laquelle il vit actuellement dans son travail, sa famille, etc. et les désirs et frustrations auxquels il est soumis. Enfin, il doit étudier la racine de ses désirs imaginaires, de ses rêveries.

Tout cela, bien sûr, prend du temps. Mais pas plus que le temps que les gens perdent à se divertir.


Il existe un outil efficace pour changer son attitude face à la vie, et il s'appelle "Les Principes". Ces Principes sont bien compris et peuvent être appliqués correctement si une bonne connaissance de soi a été faite. On verra que certains d'entre eux présentent des difficultés, précisément parce qu'ils exigent un travail préalable de compréhension et parce que, en outre, il est nécessaire d'en expliquer correctement le sens et de donner des exemples qui en illustrent l'application.

Mais il faut bien comprendre qu'en parlant de "connaissance de soi et évolution de soi", la connaissance de soi remplit une fonction de compréhension des situations de souffrance quotidienne, et l'application des Principes remplit une tâche d'évolution. Bien sûr, l'une ne peut être séparée de l'autre, mais il s'agit de questions tout à fait différentes.

Il suffit d'ajuster son attitude face à la vie en fonction de ce que proposent les Principes pour parvenir à se réconcilier et à progresser en soi.


Les Principes :

  1. Aller contre l'évolution des choses, c'est aller contre soi-même.
  2. Quand on force quelque chose vers une fin, on produit le contraire.
  3. Ne vous opposez pas à une grande force. Reculez jusqu'à ce qu'elle s'affaiblisse, puis allez de l'avant avec résolution.
  4. Les choses sont justes lorsqu'elles fonctionnent ensemble, et non isolément.
  5. Si le jour et la nuit, l'été et l'hiver vous conviennent, vous avez surmonté les contradictions.
  6. Si vous recherchez le plaisir, vous vous enchaînez à la souffrance. Mais tant que vous ne nuisez pas à votre santé, jouissez sans inhibition lorsque l'occasion se présente.
  7. Si vous poursuivez une fin, vous vous enchaînez. Si tout ce que vous faites est fait comme une fin en soi, vous vous libérez.
  8. Vous ferez disparaître vos conflits lorsque vous les comprendrez à leur racine ultime, et non lorsque vous voudrez les résoudre.
  9. Lorsque vous faites du mal aux autres, vous êtes enchaîné. Mais si vous ne faites pas de mal aux autres, vous pouvez faire ce que vous voulez en toute liberté.
  10. Lorsque vous traitez les autres comme vous voulez être traité, vous êtes libre.
  11. Peu importe le camp dans lequel les événements vous ont placé, ce qui compte, c'est que vous réalisiez que vous n'avez pas choisi de camp.
  12. Les actes contradictoires ou unitifs s'accumulent en vous. Si vous répétez vos actes d'unité intérieure, rien ne peut vous arrêter.


La signification de "connaissance et évolution de soi" a déjà été expliquée ici. Ce qui n'est pas clair, en revanche, c'est la manière dont cela se passe, ni comment on expérimente ce changement libérateur et profond dans sa propre vie lorsqu'on surmonte des souffrances inutiles.

Pour aborder ce travail, il faut commencer par remettre en question deux préjugés couramment répandus. Le premier s'énonce ainsi : "la souffrance est nécessaire à l'activité humaine", le second : "la souffrance est inévitable".

Autant ces deux préjugés sont normalement affirmés, autant nous affirmons l'exact contraire et le prouvons dans la pratique. Mais celui qui nie cette possibilité ne prouve pas que l'homme est capable de progresser sur la souffrance (tout comme il a progressé dans sa science et sa technologie), mais prouve au contraire qu'il a peur de se libérer de ses chaînes et qu'il accepte psychiquement la servitude des préjugés fatals.

On s'est alors rendu compte que la connaissance de soi passe par la compréhension de ses propres souffrances dans la vie et que l'évolution et la satisfaction croissante de soi dépendent d'un changement fondamental de sa position face à la vie. Et, bien que les techniques n'aient pas été expliquées en détail, on a compris quelle est l'orientation générale de ces ouvrages, quels sont leurs objectifs et quel genre de questions se posent à quiconque souhaite sérieusement emprunter le chemin de la libération.

2024/02/01

La condition humaine. SILO - 2003

L'homme d'aujourd'hui a environ 40 000 ans. Presque rien comparé aux millions d'années de l'Univers. La curiosité, la détermination et la propension au changement sont quelques-unes des caractéristiques que l'être humain a manifestées depuis ses origines.


Quoi qu'il en soit, l'élément clé du changement a toujours été : différer la réponse, imaginer un avenir, sans le "prendre par surprise" avec des réponses mécaniques et réflexes à la manière des animaux. C'est-à-dire qu'il (l'homme) a été capable d'attendre et de se donner du temps pour donner la réponse ; il a été capable de se représenter dans sa tête quelque chose qui l'a fait différer la réponse.


Les transformations historiques ont toujours été provoquées par l'accumulation d'actions humaines allant dans le même sens, accumulation de réponses différées, de discussions avec l'établi, de futurs imaginés.


De grandes difficultés se sont présentées à l'être humain tout au long de son parcours : guerres, maladies, catastrophes naturelles, inquisitions, obscurcissement général de la conscience... il semblerait qu'au prix de grands efforts, de tentatives toujours renouvelées pour surmonter la souffrance, il soit parvenu à suivre sa propre voie.


Qu'est-ce que cette voie ? une lutte acharnée et persistante pour la préservation de l'espèce ? une course au progrès technologique indéfini qui ne vise rien ? une succession de générations dont l'objectif principal est l'appropriation du pouvoir ? une passion inutile dans laquelle les individus naissent et meurent sans avoir compris le sens de cette vie et de cette mort ?


Envisager l'existence d'une intentionnalité évolutive universelle permet de mieux comprendre le parcours de l'être humain et aussi son destin possible. Essayons cette hypothèse : "l'espèce humaine évolue vers l'amour et la compassion".


Si nous interprétons l'histoire de l'humanité de ce point de vue, nous pouvons clairement identifier les moments d'évolution et les moments de régression. Et aussi de choisir entre les possibilités, comme l'homme l'a toujours fait dans l'histoire, indépendamment de l'époque à laquelle sa vie s'est développée et de sa condition culturelle et sociale. Tel est le sens profond de l'action humaine, qui va au-delà de la réalisation de projets particuliers, immergée dans la dimension individuelle et temporelle elle-même.


C'est ce qui marque une différence profonde entre ceux qui s'efforcent de surmonter la souffrance en eux-mêmes et chez les autres et ceux qui semblent indifférents à la douleur d'autrui. Certains sont en phase avec le processus historique plus large, d'autres à contre-courant. Nous parlons d'accumulation historique, de courants évolutifs, d'invitation à se percevoir comme l'être historique et social que l'on est réellement.


En ce moment, le plus important est la possibilité que cette accumulation historique produise un changement significatif dans l'être humain ; les processus cumulatifs ont tendance à produire - à certains moments - des sauts qualitatifs.


Bien qu'aucun changement biologique significatif n'ait été observé au cours des 10 000 dernières années, un désir de changer la structure même de la conscience humaine peut maintenant émerger. Il est possible de tenter de se transformer en changeant la façon de penser et la façon de structurer ce que nous appelons la réalité. Un changement dans le fonctionnement des ressorts profonds de la conscience, porté par l'accumulation du processus historique, est possible.


Cette tendance est détectable. On peut la déceler en soi et chez les autres, dans le comportement, dans l'approche, dans la manière d'aborder les problèmes individuels et sociaux. À notre époque, les êtres humains ont commencé à modifier leur structure corporelle : ils modifient leurs tissus, leurs os, leurs organes, etc., ils implantent de nouvelles prothèses et, bientôt, ils commenceront à modifier leur structure génétique.  Mais une modification plus profonde est en cours : celle de l'intentionnalité de sa conscience.

2023/12/11

La formation de l'Esprit

Silo,  1974

Supposons que je puisse faire disparaître mon corps en ne laissant qu'un conglomérat d'énergie. Une partie de l'énergie ira dans la rue et l'autre dans une autre direction. Supposons que nous appelions cette énergie une âme, et que cette âme soit pleine de trains dans des directions opposées. Si je le souhaite, cette énergie peut alors partir dans différentes directions, de sorte que nous ne pouvons pas parler d'immortalité ou de quoi que ce soit d'autre. 

À la dissolution du corps correspondrait la dissolution de l'énergie. Tant que mon corps sert de centre de gravité à cette énergie, celle-ci reste attachée. Mais si j'enlève le corps, cette énergie se dissipe. Quand on parle de centre de gravité, on parle d'une certaine manière qui permet d'harmoniser cette énergie et de la faire aller dans une direction centrale, et non pas vers l'extérieur. Si j'étais un homme pratiquant une religion extérieure, toutes mes tendances seraient dirigées vers Dieu, le ciel et les choses extérieures. Si j'enlève mon corps, l'énergie ira aussi dans ces directions ; nous n'avons pas d'unité intérieure, nous n'avons pas de centre de gravité.

Il s'agit de créer ce centre de gravité. Nous avons déjà dit que l'énergie peut se densifier jusqu'à former des corps solides. Nous disons maintenant que l'énergie qui circule autour de nous peut atteindre une plus grande solidité par un travail intérieur, qu'elle peut revendiquer son propre centre, ce que nous appelons l'esprit. Tous les êtres vivants, même les minéraux, possèdent cette énergie. L'énergie en mouvement ou ce que les anciens appelaient l'âme, nous pourrions l'appeler le champ énergétique. Il semble que l'être humain ait la possibilité de penser et de sentir à propos de lui-même, ce qui est différent du cas de la plante et du minéral, qui dépendent de choses extérieures. Il semble que dans l'être humain, quelque chose puisse s'inverser. C'est donc dans l'être humain que cette énergie peut générer un centre créatif.

L'être humain peut fonctionner comme les espèces animales. Il peut vivre toute sa vie préoccupé par les choses extérieures. Il peut certainement mourir orienté uniquement vers les choses qu'il peut percevoir par ses sens. Il peut donc passer toute sa vie sans se créer un centre de gravité. On dit que l'homme naît sans centre de gravité, que son centre de gravité est provisoire, ce centre de gravité est son corps.

Nous disons que sans centre de gravité, rien ne peut être permanent. Seul l'homme peut atteindre la permanence en lui-même. Et cela ne peut être acquis que par les exemples d'un travail intérieur ou par les exemples d'un grand amour, même si ce travail intérieur n'existe pas, mais par les exemples de l'histoire, beaucoup de gens ont connu ce grand amour intérieur, même s'ils n'ont pas connu de grandes théories ou de grandes formes de travail intérieur.

Et ce grand amour intérieur a produit l'unité, il a brisé les contradictions, il a existé dans ces circonstances qui ne sont pas appelées ainsi, mais qui sont plutôt des saints.

Les saints sont des personnes dont le centre de gravité est très fort. Ces personnes ont un grand amour intérieur qu'elles ne connaissent probablement pas. Ce n'est pas un problème pour certaines personnes. D'un autre côté, nous trouvons des personnes qui ont un grand développement intellectuel mais pas de développement intérieur. On peut alors concevoir un être très humble, qui ne sait probablement ni lire ni écrire, mais qui a un grand amour intérieur. Nous ne pouvons pas le confondre avec quelqu'un qui en sait peut-être beaucoup sur ces choses, mais qui n'a pas ce centre développé.

Cela ne signifie donc rien pour nous en termes de niveau intérieur, qu'une personne en sache beaucoup sur ces choses. Nous ne pouvons pas mesurer le niveau des gens par ce qu'ils disent ou peuvent expliquer, mais nous pouvons le mesurer par ce qu'ils peuvent expérimenter. Et comme nous ne savons pas comment les autres font leur expérience, nous ne pouvons pas juger du niveau intérieur d'une personne et, de toute façon, pourquoi voudrions-nous connaître le niveau intérieur des autres (rires).

Vivre 3000 ou 4000 ans ?

Silo. 1989.

Conséquences de la révolution technologique.

"Que se passe-t-il si vous imaginez que vous allez vivre 3 000 ou 4 000 ans (pour ne pas vous effrayer avec le mot "immortel") ? Immédiatement, "tout" change. En effet, le temps (et l'infini) est le conditionnement le plus important de notre vie. La disparition du temps en tant que limite serait un saut qualitatif aussi important pour notre conscience que l'opposition du pouce chez les primates. De nouvelles fonctions ont généré de nouvelles connexions nerveuses, une modification du système en général et, en synthèse, une autre espèce".   

Il y a quatre questions qui, comme les intuitions, opèrent dans les profondeurs de la conscience humaine depuis des temps immémoriaux. Elles sont toutes les quatre liées les unes aux autres et renvoient à la même chose, bien qu'elles se présentent sous des formulations différentes.

1 - Il y a un Ordre (ce qui suppose un sens antérieur, un responsable, un créateur, etc.)

2 - L'homme est une espèce rare, unique.

3.- Tout est vide, il n'y a rien.

4.- La mort est quelque chose d'absurde.     

De ces intuitions sont nés les dieux, les religions, les philosophies, etc. Cette situation s'est maintenue pendant des milliers d'années, mais elle semble aujourd'hui sur le point de changer, en raison des progrès technologiques.     

En effet, les possibilités offertes à la recherche en général, et en particulier à l'exploration de l'espace et aux progrès des communications, ont fait que ces formulations ont commencé à passer du domaine de l'intuition à celui de la perception et de la vérification : ondes radio, rayons laser, satellites de toutes sortes, etc. ont produit et continuent de produire des informations qui corroborent les intuitions susmentionnées.     

Dans tout ce qui est traversé ou reconnu, on découvre des lois ("quelqu'un s'amuse avec tout ça") ; dans toute la Voie lactée - c'est-à-dire au moins dans cette galaxie, on ne sait pas dans d'autres - nous sommes une espèce unique et rare : les énormes distances spatio-temporelles, celles qui séparent une planète d'une autre, parlent de l'énorme vide, du néant dans lequel nous sommes suspendus ; et tout cela renforce l'impression de l'absurdité de la mort.     

En même temps, la communication sur la planète permet la circulation de ces données entre tous les humains, de sorte qu'il est possible de supposer à court terme (maximum 20 ans) la réalisation d'une expérience sans précédent : la réalisation commune de toute l'espèce à cet égard, ce qui pourrait entraîner une décision sur la direction dans laquelle s'oriente la vie humaine.

L'enjeu est de taille : les moyens existent déjà - ils ont été scientifiquement élaborés - pour prolonger indéfiniment la vie humaine.     

Les principaux aspects concernés sont : l'alimentation (on serait capable de fournir toute la nourriture nécessaire à n'importe quel nombre de personnes) ; la population (l'espace, le vide, pourrait être peuplé) ; la santé (outre ce qui serait résolu par la seule alimentation et l'organisation de la vie, il y a aussi des avancées significatives dans le domaine de la biogénétique - clones, greffes, etc.)     

La réalisation de cet objectif nécessite de mettre toutes les ressources dont dispose l'espèce au service de cet objectif (et non au service de celles proposées par le système : armement, guerre, etc.) En d'autres termes, le système doit changer.     

Que se passe-t-il si l'on imagine que l'on va vivre 3 000 ou 4 000 ans (pour ne pas faire peur avec le mot "immortel"). Immédiatement, "tout" change. C'est parce que le temps (et l'infini) est le conditionnement le plus important de notre vie. La disparition du temps en tant que limite serait un saut qualitatif aussi important pour notre conscience que l'opposition du pouce chez les primates. De nouvelles fonctions ont généré de nouvelles connexions nerveuses, une modification du système en général et, en bref, une autre espèce.     

La question de savoir si cela se produira ou non sera tranchée dans les 20 prochaines années. Dans l'état actuel des choses (consolidation du système et croyance en la mort), il ne semble pas que l'option de prolonger indéfiniment la vie humaine soit retenue. En fait, l'information sur l'existence de cette possibilité n'est pas secrète, les données circulent, mais personne ne veut y croire. Les citoyens contribuables vont manifester pour exiger du système, mais ils ne le font pas pour exiger que l'on fasse des recherches pour prolonger leur vie ou celle de leurs enfants. (*) Nous sommes les seuls à être en faveur de la vie et du saut qualitatif. Si nous ne sommes pas influents dans les lieux clés au moment de prendre cette décision - (transformer le système et le mettre au service de la prolongation de la vie) - cela ne se fera pas.

—-

(*) NOTE DU COPYISTE : Le fait qu'il existe des connaissances scientifiques nécessaires pour produire un certain progrès ne signifie pas qu'une telle chose se produira nécessairement si les conditions de l'environnement social qui la rendent possible ne sont pas réunies. Au Ve siècle avant J.-C., les Grecs avaient déjà découvert la machine à vapeur (les plans et explications correspondants ont été trouvés). Cependant, elle n'a été ni produite ni utilisée. Certains commentateurs affirment que, comme leur ordre social incluait l'esclavage, la machine à vapeur n'était non seulement pas nécessaire pour eux, mais que son incorporation aurait été risquée pour le mode de vie et l'organisation qu'ils avaient conçus.

2023/12/08

Le mythe de l’argent

Source: Silo. présentation du livre "Mitos raíces universales". Buenos Aires. 18 avril 1991

…Les croyances faibles avec lesquelles nous évoluons dans notre vie quotidienne sont facilement remplaçables dès que nous prouvons que notre perception des faits était erronée. En revanche, lorsque nous parlons de croyances fortes sur lesquelles nous construisons notre interprétation globale des choses, nos goûts et dégoûts plus généraux, notre échelle irrationnelle de valeurs, nous touchons à la structure du mythe que nous ne voulons pas discuter en profondeur parce qu'il nous compromet totalement. De plus, lorsque l'un de ces mythes s'effondre, il s'ensuit une crise profonde dans laquelle nous nous sentons comme des feuilles emportées par le vent. Ces mythes privés ou collectifs guident notre comportement et de leur action profonde, nous ne pouvons percevoir que certaines images qui nous guident dans une certaine direction.


Chaque moment historique a des croyances de base fortes, avec une structure mythique collective, sacralisée ou non, qui sert à la cohésion des groupes humains, qui leur donne une identité et une participation à une sphère commune. Discuter des mythes fondamentaux d'une époque, c'est s'exposer à une réaction irrationnelle dont l'intensité varie en fonction de la puissance de la critique et de la force de la croyance touchée. Mais, logiquement, les générations se succèdent et les moments historiques changent, de sorte que ce qui était repoussé commence à être accepté naturellement comme s'il s'agissait de la vérité la plus complète. Parler du grand mythe de l'argent à l'heure actuelle, c'est provoquer une réaction qui empêche le dialogue.


Ce mythe désacralisé a souvent opéré à proximité des dieux. Ainsi, nous savons tous que le mot "monnaie" dérive de Juno Moneta, Juno la gardienne, près du temple de laquelle les Romains frappaient les pièces. On demandait à Junon Moneta une abondance de biens, mais pour les croyants, Junon était plus importante que l'argent dont elle tirait sa bonne volonté. Aujourd'hui, les vrais croyants demandent à leurs dieux divers biens et donc de l'argent. Mais s'ils croient vraiment en leur divinité, celle-ci reste au sommet de leur échelle de valeurs. L'argent en tant que fétiche a subi des transformations. Pendant longtemps, du moins en Occident, il a été garanti par l'or, ce métal mystérieux, rare et attirant pour ses qualités particulières. L'alchimie médiévale s'est attachée à le produire artificiellement. C'était un or encore sacralisé, auquel on attribuait le pouvoir de se multiplier sans limite, qui servait de médecine universelle et qui donnait longévité et richesse. Cet or a également fait l'objet de nombreuses recherches sur les terres d'Amérique. Je ne parle pas seulement de la soi-disant "fièvre de l'or" qui animait les aventuriers et les colonisateurs aux États-Unis, mais plutôt de l'El Dorado recherché par certains conquistadors, qui était également associé à des mythes mineurs tels que la fontaine de jouvence.


Notre interlocuteur se défend rapidement en affirmant, par exemple : "comment l'argent est un mythe, s'il est nécessaire pour vivre !"; ou : "un mythe est quelque chose de faux, quelque chose qui ne se voit pas ; l'argent, par contre, est une réalité tangible à travers laquelle les choses bougent", etc, etc, etc. Il ne nous sert à rien d'expliquer la différence entre le tangible de l'argent et l'intangible que l'on croit que l'argent peut réaliser ; il ne nous sert à rien d'observer la distance entre un signe représentant la valeur attribuée aux choses et la charge psychologique que ce signe a. Nous sommes déjà devenus des suspects. Nous sommes déjà devenus des suspects. Immédiatement, notre adversaire commence à nous observer avec un regard froid qui parcourt nos vêtements, exorcise l'hérésie tout en calculant les prix de nos vêtements, des vêtements qui coûtent sans aucun doute de l'argent..., réfléchit à notre poids et aux calories quotidiennes que nous consommons, pense à l'endroit où nous vivons et ainsi de suite. À ce stade, nous pourrions adoucir notre discours en disant quelque chose comme ceci : "Vous devez vraiment faire la distinction entre l'argent dont vous avez besoin pour vivre et l'argent dont vous n'avez pas besoin"... mais cette concession n'arrive pas au bon moment. Après tout, il y a des banques, des établissements de crédit, de la monnaie sous ses différentes formes. En d'autres termes, des "réalités" différentes qui témoignent d'une efficacité que nous semblons nier. Tout compte fait, dans cette fiction pittoresque, nous n'avons pas nié l'efficacité instrumentale de l'argent, nous l'avons même doté d'un grand pouvoir psychologique en réalisant que l'on attribue à cet objet plus de magie qu'il n'en a réellement. Il nous donnerait le bonheur et en quelque sorte l'immortalité, dans la mesure où il nous éviterait de nous préoccuper du problème de la mort.


Mais un mythe profondément enraciné fait tourner autour de son noyau les mythes moins importants. Ainsi, dans l'exemple qui nous occupe, de nombreux objets sont nimbés de charges transférées depuis le noyau central. La voiture qui nous est utile est aussi le symbole de l'argent, du "statut" qui ouvre la porte à plus d'argent. Greeley dit : "Il suffit de visiter le salon annuel de l'automobile pour y reconnaître une manifestation religieuse profondément ritualisée. Les couleurs, les lumières, la musique, la révérence des adorateurs, la présence des prêtresses du temple (les mannequins), le faste et le luxe, le gaspillage d'argent, la masse compacte (tout cela constituerait dans une autre civilisation un office véritablement religieux). Le culte de l'automobile sacrée a ses fidèles et ses initiés. Les gnostiques n'attendent pas plus impatiemment la révélation oraculaire que les adorateurs de l'automobile n'attendent les premières rumeurs sur les nouveaux modèles. C'est à ce moment du cycle périodique annuel que les pontifes du culte (les vendeurs de voitures) prennent une importance nouvelle, en même temps qu'une foule inquiète attend avec impatience l'avènement d'une nouvelle forme de salut.


Bien sûr, je ne suis pas d'accord avec la dimension, avec la dimension que cet auteur attribue à la dévotion au fétiche automobile. Mais elle a néanmoins la vertu d'approcher la compréhension du thème mythique dans un objet contemporain. Il s'agit bien d'un mythe désacralisé et, par conséquent, on peut peut-être y voir une structure similaire à celle du mythe sacré, mais précisément sans sa caractéristique fondamentale de force autonome, pensante et indépendante. Si l'auteur prend en compte les rites de la périodicité annuelle, sa description s'applique également aux célébrations des anniversaires, du Nouvel An, de la remise des Oscars ou d'autres rites civils similaires qui n'impliquent pas une atmosphère religieuse comme dans le cas des mythes sacralisés…

———

Vidéo avec traduction : 

https://m.youtube.com/watch?si=zT_4wngLqcWBEHij&v=PraYRHZj8Bk&feature=youtu.be


2023/11/27

Sur la peur de la mort

"La vie physique n'est pas en soi pleinement satisfaisante et significative

tant que l'on n'est pas capable de choisir consciemment pour soi-même une autre valeur

une autre valeur qu'ils considèrent plus chère que la vie elle-même".

Rollo May.


Peu d'expériences humaines sont aussi quotidiennes et mal comprises que l'expérience de la mort. La mort est la dernière étape d'un processus biologique qui commence avec la conception, de sorte que, comme le dit la sagesse populaire, la chose la plus sûre que nous ayons dans cette vie, c'est la mort.

Cependant, à travers les époques et les cultures, l'attitude de l'homme face à la mort a énormément varié. De la mort comme émancipation des limites matérielles à la mort comme le plus grand malheur qui puisse arriver, en passant par les diverses croyances, les menaces d'outre-tombe et les mesures visant à assurer une mort sans douleur.

À l'heure actuelle et dans notre culture, la mort est quelque chose de très indésirable pour les nôtres, quelque chose de souvent désirable pour nos ennemis, et quelque chose qui nous laisse souvent indifférents lorsqu'il s'agit d'un étranger.

La culture occidentale se caractérise par une attitude déséquilibrée à l'égard du phénomène de la mort physique : alors que beaucoup se donnent beaucoup de mal pour l'éviter (jusqu'à trahir leurs idéaux et leurs amis, ou se trahir eux-mêmes, ou payer de grosses sommes d'argent pour la retarder ou l'éviter, etc.


Qu'est-ce qui se cache derrière la peur de la mort ?

La peur de la mort est inversement proportionnelle au degré de satisfaction personnelle éprouvé dans la vie. En d'autres termes, plus une personne vit sa vie de manière complète et cohérente, moins elle sera tourmentée par l'idée ou la possibilité de mourir. En revanche, plus une personne a de projets personnels en suspens, plus elle a le sentiment qu'il lui reste des choses à faire, moins l'idée de sa propre mort lui plaira.

Par conséquent, pour de nombreuses personnes, la peur de la mort est la peur de ne pas pouvoir éprouver des sentiments, des états ou des situations désirés qui n'ont pas encore été réalisés ou que l'on souhaite vivre encore plus longtemps. L'expression cathartique et révélatrice du jeune homme ou de la jeune femme après l'initiation à des relations sexuelles intimes en est un exemple : "Maintenant, je peux mourir en paix".

La peur de la mort est la peur de ne pas avoir la possibilité de se racheter ou d'introduire des correctifs dans la relation avec d'autres personnes. Ainsi, lorsqu'une personne proche meurt, un parent ou un être aimé, par exemple, l'endeuillé souffre et pleure non seulement et pas tellement pour la personne décédée, mais pleure son impossibilité objective de lui dire dans la vie tout ce qu'il aurait voulu lui dire, tout ce qu'il n'a pas su lui dire.

Dans d'autres cas, la peur de la mort de l'être aimé est l'expression inconsciente d'une colère ou d'un ressentiment à l'égard de cette personne : après avoir intérieurement effleuré le souhait "j'aimerais qu'il/elle meure", je suis effrayé(e) par cette idée, je m'autocensure pour oser y penser, et ce ressentiment ou cette colère inexprimés s'expriment intérieurement sous la forme de la peur de la mort de l'autre. La peur de la mort de l'autre peut donc aussi être une formation réactive résultant d'un ressentiment non exprimé.

Il y a aussi la peur égocentrique de la mort de l'autre proche. Dans ce cas, la position existentielle est la suivante : "Je pleure ce que je perds ou ce que j'ai perdu". Dans ce cas, l'endeuillé s'apitoie sur son sort parce qu'il sait ou croit que la satisfaction de ses propres besoins ou plaisirs, dont la satisfaction était liée à la compagnie de l'autre, sera compromise.

Considérons également le pendant de la situation précédente : la peur de mourir avec abnégation. Dans ce cas, la position existentielle serait : "Je ne peux pas encore mourir car mes proches ont besoin de moi", cette personne se sait ou se considère nécessaire à la satisfaction des besoins matériels ou affectifs de ses enfants ou de ses proches. Il en découle un corollaire politique : si la société dans son ensemble est organisée de telle sorte que les citoyens bénéficient d'un bon système de sécurité sociale contre les vicissitudes et les accidents, les gens pourraient mourir plus sereinement.

La peur de la mort est aussi la peur de "cesser d'être MOI" et cette peur est le produit du type d'éducation promu par le système de valeurs qui prévaut aujourd'hui dans notre contexte socioculturel : un système qui hypertrophie l'importance du Moi. L'accent mis sur la consommation, le sensualisme et l'individualisme dans notre éducation fait que la personne se sent propriétaire non seulement de son corps et de son esprit, mais aussi de ses biens matériels et de ses possessions, qu'elle s'identifie à eux et qu'elle souffre de leur sort. Nous vivons dans une société où les êtres humains sont valorisés en fonction de leur capacité à consommer, à acheter. En témoigne le message récurrent de la publicité qui invite à la jouissance et au plaisir. Ne pas utiliser, ne pas posséder ou ne pas consommer nous semble être l'une des expériences les plus indésirables. Et quoi de plus semblable au fait de ne pas consommer et de ne pas jouir que le fait de mourir ?


Peur de la mort et idéologie.

Aujourd'hui, derrière la peur de mourir se cache une idéologie dangereuse : cette idéologie tacite et inconsciente qui, dans la grande majorité des cas, fait partie du curriculum caché que les agents éducatifs transmettent aux nouvelles générations, selon laquelle l'être humain est un être "naturel" qui, comme tout ce qui est naturel, naît, grandit, se nourrit, se reproduit et meurt. Ou appliqué au contexte de l'être humain naturalisé : il naît, grandit, va à l'école s'il le peut, se marie, travaille pour sa subsistance et celle de sa progéniture, vieillit et meurt... Y a-t-il une différence essentielle avec la vie d'un animal ?

Les conséquences d'une vision naturaliste de l'être humain sont désastreuses. En développant une telle vision, il s'avère que "tout vaut mieux que mourir". Sur la base d'une telle vision, l'être humain va jusqu'à se trahir et trahir les autres, à renoncer à ses idéaux parce qu'ils sont peu utiles à la subsistance, à piétiner des amitiés et des villages entiers parce que "c'est nécessaire et vital pour notre subsistance". Tout cela pour rester en vie, pour ne pas mourir, pour survivre, même dans la nullité affective la plus réifiante ou dans la soumission la plus aberrante de sa propre volonté aux autres. Les puissants et les violents profitent et alimentent la peur de mourir des gens pour les faire chanter, les soumettre et les exploiter, parce que... "Ils supportent tout tant qu'ils ne meurent pas".

Celui qui nie la réalité se soumet à l'assaut de la réalité, celui qui nie la mort comme faisant partie de la vie se condamne à être l'esclave de la peur de la mort.

Cet état de fait prend l'ampleur d'une tragédie psychosociale lorsque l'idéologie du "tout pour maintenir mon corps en vie" est brandie comme un argument prétendument scientifique selon lequel le soi-disant instinct de conservation est l'instinct le plus fort qui existe chez l'être humain, et qu'aucune force psychologique ne peut s'y opposer (vous en avez entendu d'autres dire : "il y aura toujours des guerres"...).

Face à cet état de fait, il convient de s'interroger sur la déclaration suivante de la psychologue humaniste May Rollo : "la vie n'acquiert son plein sens que lorsqu'on embrasse une cause pour laquelle on est prêt à donner sa vie". Nous devons être attentifs à détecter et à dénoncer les tentatives de naturaliser l'être humain, de lui demander de se comporter comme un animal, en lui déniant sa capacité proprement humaine, essentiellement humaine, de transcender ses déterminismes instinctifs en tant qu'individu biologique. L'être humain est bien plus qu'un animal rationnel : l'être humain est conscience, il est "l'être historique dont le mode d'action sociale transforme sa propre nature", il est créateur de sens, constructeur de réalités objectives et subjectives. Même son corps physique fait partie de ce qui lui est extérieur et est également susceptible de se transformer[1] L'être humain est un "être historique, dont le mode d'action sociale transforme sa propre nature".

En survalorisant l'aspect biologique de l'être humain, en le réduisant à un être naturel, nous sommes à deux doigts d'accepter l'hégémonie des "races supérieures" sur les races supposées inférieures, l'inéluctabilité de la guerre et de la violence de l'homme contre l'homme, en attribuant ces comportements à des pulsions naturelles invincibles. Ces positions naturalistes ont déjà causé suffisamment de dommages au développement humain.


Quel rôle ont joué la science officielle et les universités.

Quelle a été la position du monde scientifique et universitaire sur la mort ? À partir du XVIIIe siècle, avec la montée du rationalisme puis du pragmatisme, le monde scientifique a traité le sujet de la mort de manière simpliste et préjudiciable : dès l'école, nous avons accepté le syllogisme selon lequel

- L'esprit, et donc l'expérience subjective, est un produit de l'activité du cerveau.

- Le cerveau meurt avec la mort du corps,

- Ainsi, l'expérience subjective prend fin avec la mort du corps.

Et c'est tout. Et c'est la fin de l'affaire. Et quiconque soutenait le contraire était ostracisé et répudié par les personnes prestigieuses du monde académique et scientifique.

Mais pour le citoyen ordinaire, ce froid syllogisme n'était pas suffisant. Cela ne le libérait pas de ses craintes quant au destin tragique de l'existence humaine ; cette explication ne le rassurait pas, elle ne résolvait pas ses inquiétudes et ses doutes quant à la possibilité d'une transcendance et à la manière d'agir pour l'obtenir. Ses intuitions sur le sens de la vie sont restées latentes, et c'est ainsi qu'en l'absence de réponses dans le domaine scientifique, de nombreuses propositions, des métiers, des hobbies et des entreprises prospères ont vu le jour autour du thème de la mort et des possibilités et conditions de la transcendance.

C'est ainsi que l'être humain contemporain se trouve aujourd'hui aux prises, de manière incongrue, avec des visions du monde antagonistes : d'un côté, il se déclare rationaliste, de l'autre, il craint les menaces d'outre-tombe et se retrouve dans une immense confusion intérieure ; il finit par se sentir tiraillé dans différentes directions et par éprouver de graves conflits au moment de prendre des décisions importantes dans le domaine interpersonnel et social. L'être humain d'aujourd'hui se sent - quand il se sent - déchiré et confus. Pour échapper à cette douleur (parce que nous sommes aussi une culture agliophobe), les faiseurs d'opinion génèrent des mécanismes hypnotiques qui créent chez l'individu une insensibilité et un acritisme à l'égard de ses propres registres internes, de ses propres expériences internes. Ils nous disent quoi, quand, comment, où et pourquoi nous devons être heureux et tristes.

Les scientifiques et les universitaires commencent à ouvrir leurs portes et leurs esprits à des sujets auparavant interdits. Des problèmes anciens et nouveaux commencent à présenter un intérêt scientifique : les expériences subjectives des mourants, les états de conscience altérés, les expériences en état de privation sensorielle, l'effet subjectif des hallucinogènes sur la conscience, les expériences de ceux qui ont été proches de la mort. De plus en plus de chercheurs comprennent que les expériences et les récits de la mort individuelle, en tant que réalités subjectives dans lesquelles certaines constantes sont notées, méritent d'être étudiées de manière impartiale.

Dans un monde en crise, confronté à la perte des références externes, à l'épuisement des idéologies qui assuraient autrefois la cohésion du corps social, la validation des références internes est urgente. C'est pourquoi la compréhension de questions telles que l'expérience de la mort et d'autres expériences psychiques hors normes n'est pas aujourd'hui seulement une question de curiosité, d'évasion ou de naïveté : c'est une question d'importance vitale face à l'effondrement du modèle de l'être humain que nous avions jusqu'à présent, qui ne l'explique plus et ne l'englobe plus. L'être humain est un être en constante redéfinition et construction.

La peur de la mort dans notre culture reflète la confusion sur la façon de vivre la vie elle-même.

Apprendre à mourir est une partie essentielle de l'apprentissage de la vie.

—-

"Maintenant que l'état transitoire de la plus grande réalité brille sur moi, abandonnant toute crainte, peur et terreur, je peux reconnaître tout ce qui apparaît, mes propres productions, et les connaître comme des apparitions dans l'état transitoire.

Maintenant que j'ai atteint ce point crucial, que je ne crains pas les énergies spécifiques et colériques, mes propres projections".

Extrait du Bardo Todol (livre tibétain des morts)

[1] Voir : Internationale Humaniste. Florence, 1989 https://www.internationalhumanistparty.org/es/doc/tesis

2023/11/09

Les scénarios mondiaux du XXIe siècle dans le contexte de la méga-histoire

Santa Clara - Cuba 

Akop Nazaretián, 24 de abril de 2018


Hier, notre collègue, Maria Teresa, nous a parlé des conceptions de l’histoire de Hegel et du marxisme. La semaine prochaine, le 5 mai, nous célébrons le bicentenaire de Karl Marx. C’est pourquoi j’aimerais commencer par une citation. Dans la première moitié du XIXe siècle, Marx et Engels on écrit : « Nous ne connaissons qu’une science, la science de l’histoire. Seule l’histoire peut être considérée sous les deux aspects, se divisant en histoire de la nature et histoire de l’humanité ». Ils ont anticipé beaucoup des progrès de la science, mais ils n’auraient pas pensé que l’histoire de la nature aurait englobé bien plus que l’histoire de la Terre… Les scientifiques matérialistes de cette époque imaginaient que l’évolution n’englobait que la Terre et le système solaire. L’univers n’avait pas de commencement ni de fin, il résultait donc antihistorique. On a pensé ainsi pendant plusieurs décennies.


Je vais citer un autre scientifique très connu : Michio Kaku. Il a dit : « Les générations actuelles sont les plus importantes de toute l’histoire de l’humanité et de la préhistoire ». En effet, ce sont elles qui détermineront si l’humanité progressera vers son nouvel objectif évolutif.


Nos épouses donnent peut-être naissance à des dieux potentiels, qui auront accès à quelques formes d’immortalité et de maîtrise cosmique ou qui seront une génération de kamikazes qui entameront la chute irréversible de l’anthroposphère.


En ce qui concerne l’histoire universelle, telle que nous la comprenons maintenant, durant les XVIIIe et XIXe siècles, trois modèles de l’histoire ont été établis en Europe. D’abord un nouveau modèle, celui du progrès et du développement, géo-centriste ou linéaire, allant du pire scénario au meilleur. Telle était la vision en Europe centrale. L’Europe orientale, la Chine, le Japon, l’Amérique étaient considérés périphériques.


Selon un autre modèle plus traditionnel, le monde est sur une trajectoire descendante (depuis l’âge d’or…). Cela était soutenu par la thermodynamique (la croissance de l’entropie au fil du temps).


Certains physiciens ont dit que ces deux modèles ne pouvaient être vrais. On s’amusait alors à comparer la thermodynamique à une vieille tante, qui n’est pas sympathique mais a toujours raison.


Ils ont ensuite commencé à penser que l’histoire n’est pas généralisée à toutes les civilisations.


C’est à cette époque, à la fin du XVIIIe siècle, qu’a été élaborée la conception de l’histoire au sens que nous lui donnons aujourd’hui ; auparavant, on utilisait le terme « histoire » au pluriel, comme s’il s’agissait du récit d’événements distincts.


Au début du XXe siècle, les Européens entrèrent dans une vague d’espoir. Tout serait mieux qu’avant : la morale, l’économie, etc. Cela était écrit dans d’excellents ouvrages et on disait qu’il ne pourrait jamais plus y avoir des guerres ! On réservait celles-ci à l’Afrique, l’Asie ou l’Amérique ; mais l’Europe serait libre de guerres pour toujours. L’histoire et les guerres étaient des choses du passé. Mais les deux guerres mondiales en Europe ont changé l’humeur des Européens. Ils ont dû admettre qu’ils s’étaient trompés. Toynbee écrivit qu’il devait finir son livre en 16 volumes sur l’histoire seulement parce qu’il avait promis de le faire.


La conception de l’histoire globale est apparue dans les années 80. L’histoire de l’humanité ne peut être dissociée des processus évolutifs de la nature, puisque l’histoire de la Terre elle-même fait partie de l’histoire de l’univers. Pendant quelque 14 milliards d’années, des structures de plus en plus complexes se sont développées. Depuis le Big Bang – qui est l’horizon de notre vision rétrospective – les transformations de l’univers suivent certains vecteurs… Dans les années 70 et 80, on a découvert la flèche du temps cosmique. Jusque-là, personne n’avait pu contredire la flèche du temps thermodynamique.


De nos jours, les astrophysiciens présentent deux flèches : la flèche du temps thermodynamique et celle du temps cosmique. Ces flèches nous montrent le vecteur du développement à partir des conditions les plus chaotiques, aléatoires et simples jusqu’aux conditions les plus complexes. Parmi les effets fascinants de ce processus, il y a nous, notre cerveau et notre esprit.

C’est ainsi qu’on a fait une distinction entre l’histoire de l’humanité et l’histoire universelle.

Au cours du premier milliard d’années d’évolution, depuis le Big Bang, la vitesse des processus a ralenti. Cela a été considéré comme la première étape de l’évolution. Puis, à -10 milliards d’années, les éléments lourds ont été synthétisés dans les entrailles de la première génération d’étoiles, ce qui a produit une deuxième vague d’accélérations à partir de l’explosion de supernovæ. À ce moment, un nouveau mécanisme d’auto-organisation a été créé, différent des processus précédents (parce que les éléments lourds ont besoin d’énergie gratuite de l’extérieur). Le développement de la matière organique commença, ainsi qu’une nouvelle accélération. Il en a résulté l’apparition du système solaire et de la Terre.

Si vous observez l’évolution de la Terre, vous obtenez les graphiques suivants :

Vertical de Snooks-Panov

Beaucoup de raisons permettent d’affirmer que la vie n’est pas apparue sur terre à l’origine. L’idée selon laquelle les premiers organismes vivants sont plus vieux que les océans est largement acceptée. Ce sont des organismes qui peuvent voyager dans le cosmos dans des conditions extrêmes (sans eau et soumis à de fortes radiations…).

Dans la première phase de l’évolution, l’activité météorique a été très intense. Lorsque cette activité s’est ralentie, les organismes ont pu commencer leur processus d’évolution.

Plusieurs scientifiques ont observé que l’évolution avait un rythme régulier… En comparant précisément les périodes d’existence sans crises mondiales, des chercheurs de différents pays – de façon indépendante et presque simultanée – ont fait une découverte surprenante. Il s’agit du scientifique australien Graeme Snooks, du scientifique russe Alexander Panov et du scientifique américain Raymond Kurzweil, qui, en trouvant une séquence strictement logarithmique dans le changement accéléré des phases de l’évolution sociale et présociale – sans encore soupçonner le travail de leurs collègues – ont essayé de continuer rétrospectivement la courbe obtenue.

Tous les trois ont trouvé le même fait : après 4 milliards d’années, l’accélération continue, suivant de manière précise une formule logarithmique. L’intervalle entre les catastrophes mondiales et les transitions de phases est réduit d’un tiers. L’évolution suivait un rythme extrêmement régulier jusqu’à l’apparition de l’homo sapiens, ce facteur insensé doté d’une volonté propre.

Sur Terre, il y a eu des fluctuations climatiques, le niveau des océans a changé, les continents ont dérivé, les volcans ont explosé, des corps célestes sont tombés, les pôles magnétiques se sont déplacés ; à tout cela s’est ajouté le libre arbitre de l’extravagante humanité. Cependant, les transitions de phases irréversibles de l’évolution mondiale se sont succédées chronométriquement. Ce fait surprenant apporte la preuve que les sauts révolutionnaires dans l’histoire de la nature et de la société ont été provoqués, non pas par des cataclysmes accidentels, mais par des crises endo-exogènes qui sont devenues plus fréquentes à mesure que l’activité antientropique s’est intensifiée.

Cet état de fait est expliqué dans les modèles que nous appelons synergétiques. Les Américains l’appellent théorie du chaos, les Chiliens autopoïèse, les Français thermodynamique du déséquilibre.

Au 21e siècle, nous pouvons construire un modèle du passé grâce au fait qu’à toutes les étapes critiques de l’évolution de la terre, des attracteurs étranges verticaux ont été produits.

Certains de ces épisodes cruciaux auraient peut-être pu être résolus en fonction d’un scénario différent et les événements auraient pu se dérouler dans la direction d’un attracteur simple ou horizontal. Le premier cas est celui d’une dégradation de la biosphère (ou anthroposphère) ; le deuxième, celui d’une suspension prolongée de l’évolution avec stabilisation, d’après le modèle écologique-mathématique proies-prédateurs.

Vers le milieu du XXIe siècle, ce qu’on appelle en mathématiques le point de singularité est apparu. C’est le point de l’hyperbole où la valeur des fonctions tend vers l’infini et la courbe se transforme en ligne droite.

En Amérique, la NASA a créé l’Université de la singularité. À Moscou, nous avons créé, en préparation de l’avenir, le Centre de méga-histoire et de prévision systémique.

La réalité objective est que mathématiquement parlant, nous arrivons à une singularité. Mais qu’est-ce qui se trouve derrière cela ? C’est là l’objet de notre étude. Nous arrivons donc à une croisée des chemins. Le dernier milliard d’années d’évolution doit être résolu dans les décennies à venir.

Derrière la singularité peut commencer la branche descendante de l’histoire. L’attracteur indique que la Terre sera à nouveau un corps normal comme la Lune ou Mars, dépourvu de vie (spirituelle, philosophique, etc.). Cela ne prendra pas des millions d’années, c’est peut être une question de jours ou de millénaires, parce que ce sera le résultat de l’activité humaine. Plusieurs philosophes ont spéculé sur cette possibilité, mais ont imaginé qu’elle se produirait dans des dizaines de millions d’années, comme un processus naturel.

Le père de la nanotechnologie, Eric Drexler, a prévenu que des nanobactéries offensives pourraient bientôt être disponibles. Les bombes atomiques sont de vieilles armes qui ne servent plus à maintenir l’équilibre ; les nouvelles armes sont plus modernes, moins chères et peut-être plus accessibles. L’un des scénarios est donc la possibilité d’éliminer toute la population d’un groupe ethnique donné.

Un autre attracteur, l’attracteur horizontal, indique que l’humanité, ayant atteint une stabilité suffisante, se désintéresse de la vie extérieure et s’échappe vers la vie virtuelle (toute l’activité vitale est effectuée dans le monde virtuel).

L’autre possibilité est que le cycle planétaire de l’évolution peut être transformé en un grand cycle cosmique accompagné de transformations profondes de l’être humain (une onde de choc intellectuel issue de la « planète refuge »).

Les physiciens du XXe siècle ont écrit presque à l’unanimité que l’esprit, l’intellect, la culture spirituelle et l’ensemble de la société sont des épiphénomènes du développement des structures physiques et rien d’autre, et ne peuvent donc jouer aucun rôle dans la vie de l’univers ; ils sont un phénomène secondaire.

Au XXe siècle, seuls quelques physiciens soviétiques, influencés par ce qu’on appelle le cosmisme russe (philosophie cosmiste), ont osé écrire que, peut-être, l’homme pourrait changer hypothétiquement les structures de l’univers par l’intellect.

Steven Weinberg (lauréat du prix Nobel de physique en 1979) a écrit : « L’effort consenti pour comprendre l’univers est l’une des rares choses qui élèvent la vie humaine au-dessus du niveau de la farce, et lui confèrent un peu de la dignité de la tragédie. » Notre existence est une farce. Et les philosophes matérialistes ont écrit la même chose, que du point de vue cosmique, ce que nous faisons est une farce. Cela nous confère une nuance de grande tragédie.

D’autres se sont exprimé en ce sens de la croissance de l’entropie et des déchets cosmiques (en l’assimilant au processus humain).

Ces hypothèses exotiques datent du siècle dernier, mais à partir du XXIe siècle, l’environnement intellectuel dans le domaine de la physique commença à changer radicalement. Aujourd’hui, il est possible de lire dans la presse spécialisée que la conscience est une essence cosmologique, que notre présence dans l’Univers n’est pas accidentelle, que la conscience est une réalité plus fondamentale que les atomes et que l’avenir de l’Univers dépend de la connaissance humaine au sens large.

Ce ne sont pas des Russes, ni des philosophes, ni des psychologues, qui affirment cela. Si des psychologues l’avaient écrit…. Ce sont des astrophysiciens professionnels qui disent que, lorsque l’intellect s’alimente des processus physiques de l’Univers, il forme de nouveaux Univers au moyen d’une explosion dirigée vers un trou noir. Ils parlent aussi d’une sélection Darwinienne des univers (cela semble un peu farfelu, mais c’est écrit sérieusement par des scientifiques de renommée mondiale). Les univers formés artificiellement rejetteraient ceux qui sont formés naturellement… (1).

[(1) : Note de la rédaction :

De nombreuses approches visant à aligner les dernières découvertes de la physique et de la cosmologie sur d’autres domaines de la pensée humaine font partie du principe dit « anthropogénique » apparu à la fin du XXesiècle.

En référence à ce que Nazaretian a dit lors de son intervention, Michio Kaku explique ce qui suit dans son livre « La physique de l’impossible » :

« En confinant suffisamment d’énergie en un simple point, tout ce que nous obtiendrions serait l’effondrement de l’espace-temps en trou noir » (…) « Il est tout à fait concevable qu’une civilisation ayant plusieurs milliers ou millions d’années d’avance sur la nôtre soit capable d’orienter les émissions d’un trou noir en direction d’une cible donnée. » Fin de la NDR.]

 

La psychologie, en particulier Gestalt, a montré que le diapason de la gestion de l’énergie cosmique n’a pas de limites, que toute constante existe en tant que norme au sein d’un certain modèle. Vous pouvez toujours trouver un métamodèle même si les formes varient. D’après cela, le Cosmos devrait être rempli de puissantes civilisations. Mais depuis le début des années 1950, le grand physicien italien Enrico Fermi a énoncé un paradoxe : où sont-ils ?

Selon toutes les théories cosmologiques actuelles, la vie a dû apparaître à certains endroits bien avant d’apparaître sur Terre. Au cours des dernières années, les techniques astronomiques ont permis de découvrir deux nouvelles planètes par semaine. Certaines sont très similaires à la Terre, mais il n’existe aucune preuve d’activité intellectuelle à l’extérieur de la Terre, de sorte que le paradoxe de Fermi s’accentue de plus en plus.

Face à cela, il y a plusieurs théories pittoresques, comme celle selon laquelle les extraterrestres se cachent en attendant que l’humanité surmonte l’étape de l’agressivité. Plus récemment, on parle de silence du Cosmos : le Cosmos est peut-être silencieux parce que la métagalaxie n’a pas encore produit un intellect à la mesure de son objectif universel.

Dans l’histoire de l’évolution, les événements auraient pu se produire d’une façon différente chaque fois. Prenons par exemple la crise des missiles à Cuba. C’est un miracle qu’une guerre nucléaire n’ait pas éclaté à l’époque. À l’époque, on ne craignait pas particulièrement une guerre nucléaire. En Chine, par exemple, on a même dit que les survivants d’une guerre nucléaire vivraient mieux.

À cette époque, on ne croyait pas en l’avenir. Les hippies, par exemple, parlaient de liberté immédiate, de vivre dans l’instant présent, d’amour immédiat. Le XXe siècle s’est pratiquement terminé dans ces conditions.

Selon le principe de mise en œuvre, tout ce qui peut arriver arrive. Alors il devrait y avoir d’autres planètes où des scénarios différents se sont produits.

Dans une hyperbole, lorsque nous analysons chaque transition, nous voyons clairement que le contraire aurait pu se produire : la dégradation. Nous vivons sur cette planète grâce au fait que, chaque fois, l’attracteur étrange vertical a été réalisé.

Il doit y avoir d’autres planètes où une crise comme celle des Caraïbes ou du Paléolithique aurait été définitive. Nous pouvons supposer que très peu d’entre elles ont atteint leur objectif d’évolution et que beaucoup demeurent à l’état de débris de l’évolution.

Si nous acceptons cela, nous pouvons penser que la situation actuelle correspond à une étape décisive du processus évolutif

L’un des scénarios destructeurs à l’heure actuelle est le suivant :

Nous observons et étudions maintenant en détail la situation en Amérique du Nord, en Amérique latine, au Moyen-Orient, en Russie… nous constatons qu’il y a un processus de renaissance religieuse, une renaissance du fondamentalisme socialiste, patriotique, nationaliste… La même idée des intérêts nationaux, quand personne ne peut choisir la nation dans laquelle elle naît… Et quelle est la différence entre intérêt, ambition, profit ou fantaisie ? Quelle est la différence ? Et ce sont ces phrases vides qui la véhiculent.

Si ce processus de fondamentalisme se poursuit, il pourrait se révéler irréversible ; on tomberait dans le Moyen Âge. Mais le Moyen Âge de notre temps ne peut pas nourrir 7 milliards de personnes. Cela signifie la perte de la mémoire, avec les anciennes technologies. Commence ensuite la guerre de tous contre tous. En outre, toutes les armes chimiques et atomiques qui sont négligées… C’est ainsi qu’on arrive à ce que les scientifiques appellent la sphère d’équilibre. Nous vivons maintenant à une époque de déséquilibre durable. La vie est l’équilibre durable.

Ensuite, nous parlerons de l’humanisme, de la façon dont l’avenir dépend du développement de l’humanisme. Ce n’est pas la fantaisie de quelques – « bonnes personnes, humanistes » – c’est l’impératif de survie de notre planète et de l’espèce humaine.