2023/11/01

La signification évolutive du développement spirituel

John E. Stewart
Academia.Edu

La capacité d'adaptation est d'une importance capitale dans le processus d'évolution. C'est grâce à l'adaptation que les organismes sont capables de survivre dans des environnements changeants, de mieux s'adapter à leur environnement existant ou de s'étendre à de nouveaux environnements. En général, on peut s'attendre à ce que les organismes qui s'adaptent mieux réussissent mieux en termes d'évolution. Une amélioration importante de la capacité d'adaptation constitue un progrès évolutif majeur.
L'homme est l'organisme le plus adaptable vivant sur cette planète. Nous utilisons les progrès rapides de la science et de la technologie pour survivre et satisfaire nos objectifs d'adaptation dans un large éventail d'environnements. Quel que soit le problème d'adaptation auquel nous nous attaquons, nous pouvons généralement trouver une solution. Nous nous sommes révélés beaucoup plus adaptables que les organismes qui évoluent par le biais de l'évolution génétique. Il a fallu des millions d'années à l'évolution génétique pour découvrir comment produire des reptiles capables de voler, alors que l'homme a développé la technologie nécessaire pour y parvenir en quelques milliers d'années. Les améliorations adaptatives massives observées dans les capacités humaines au cours des derniers siècles sont bien plus importantes que ce que l'évolution génétique aurait pu réaliser sur des centaines de millions d'années.

Quels que soient nos désirs, quels que soient nos besoins, nous sommes très efficaces pour trouver des moyens de manipuler notre environnement afin de les réaliser. En revanche, nous sommes très peu doués pour réaliser ce que nous ne voulons pas. Nous n'utilisons pas notre créativité pour trouver de meilleurs moyens de réaliser ce qui ne nous motive pas. En termes d'évolution, il s'agit là de la principale limite à la capacité d'adaptation de l'homme.
En général, nous ne voyons pas cela comme une limitation. Elle ne nous empêche pas de faire ce que nous voulons. Elle ne nous empêche pas de vivre une vie heureuse et épanouie. Nous ne nous sentons pas limités parce que nous n'avons pas envie de faire ce que nous n'avons pas envie de faire. Si nous évaluons notre capacité d'adaptation en nous demandant si elle nous permet de satisfaire nos besoins et nos désirs, nous continuons à nous considérer comme très adaptables.
Mais si nous mesurons notre capacité d'adaptation en termes d'évolution, nous arrivons à une conclusion très différente. Et si la poursuite de notre succès évolutif exigeait que nous nous adaptions d'une manière qui entre en conflit avec la satisfaction de nos besoins et de nos désirs existants ? Que se passe-t-il si nos motivations et nos besoins actuels ne produisent pas les comportements qui sont les meilleurs du point de vue de l'évolution ? Ces types de conflits entre nos besoins et ceux de l'évolution semblent très probables au cours de notre évolution future. Il est improbable que les besoins et les désirs implantés en nous par notre passé évolutif produisent le comportement qui est également optimal pour notre avenir. Cela signifie que notre capacité d'adaptation est sérieusement limitée en termes d'évolution.

Il existe un large éventail de comportements, de modes de vie et de technologies dont nous ne voudrions pas compte tenu de nos besoins et motivations actuels. Pourtant, ils pourraient s'avérer d'une importance cruciale pour la réussite de l'évolution à l'avenir. Nous avons un très grand angle mort dans l'évolution. Nous ne sommes pas motivés pour explorer une immense variété de possibilités adaptatives, quelle que soit leur utilité en termes d'évolution. Tant que nous n'aurons pas surmonté cette limitation, nous continuerons à utiliser le génie génétique, l'intelligence artificielle et d'autres avancées technologiques pour satisfaire nos besoins et conditionnements évolutifs passés, plutôt que pour atteindre le succès évolutif futur.

Si nous voulons réussir en termes d'évolution à l'avenir, nous devrons surmonter cette limite adaptative. Nous devrons être capables de faire tout ce qu'il faut pour réussir à l'avenir. L'humanité devra se libérer des besoins et des désirs installés en nous par notre passé biologique et culturel. Pour ce faire, nous devrons nous développer selon des méthodes traditionnellement qualifiées de spirituelles. L'humanité devra adopter largement les pratiques actuellement associées au développement spirituel si nous voulons continuer à réussir en termes d'évolution.

Pour mieux comprendre comment l'adaptabilité humaine devrait évoluer à l'avenir, il est utile de voir comment l'adaptabilité s'est améliorée au cours de l'évolution passée de la vie sur Terre. Cela nous permettra de situer le niveau actuel d'adaptabilité humaine dans une longue séquence d'améliorations évolutives. Nous verrons comment notre niveau actuel a dépassé les capacités antérieures, mais comment il est également limité. Cela nous aidera à identifier les nouvelles capacités que nous devrions développer si nous voulons dépasser ces limites. Cela permettra d'identifier les nouvelles compétences et capacités psychologiques dont nous avons besoin pour surmonter nos déficiences actuelles.
Il existe un certain nombre de mécanismes bien distincts qui adaptent les organismes de notre planète1. L'un des premiers à apparaître a été la sélection naturelle basée sur les gènes. Grâce à ce mécanisme, les organismes produisent des descendants qui diffèrent génétiquement les uns des autres et de leurs parents. La différence génétique peut entraîner un changement au sein de l'organisme qui en est porteur. Cette caractéristique modifiée peut à son tour rendre l'individu plus performant et lui permettre d'avoir un plus grand nombre de descendants survivants. Si c'est le cas, la proportion d'individus porteurs de la différence génétique augmentera et la différence génétique se répandra dans la population. La population sera mieux adaptée, ayant acquis une caractéristique améliorée. La sélection naturelle basée sur les gènes découvre les adaptations en testant les changements parmi les descendants.
Mais la sélection naturelle fondée sur les gènes n'opère qu'à travers les générations. Elle n'adapte pas les organismes individuels au cours de leur vie. Elle est incapable de découvrir de nouvelles adaptations en essayant des changements au sein de l'individu pendant sa vie. Il est évident qu'un mécanisme adaptatif capable de le faire aurait un avantage significatif en termes d'évolution. Il pourrait découvrir et mettre en œuvre des adaptations améliorées en permanence au sein des individus, bien avant que l'évolution génétique n'en soit capable.

De manière quelque peu ironique, les mécanismes adaptatifs qui opèrent au sein des organismes au cours de leur vie ont été découverts et établis par l'évolution génétique. L'évolution génétique a mis au point des mécanismes adaptatifs supérieurs qui pourraient la remplacer, du moins chez l'homme. Les premiers mécanismes adaptatifs établis par l'évolution génétique ont recherché une meilleure adaptation en essayant des changements au sein de l'organisme, en procédant par essais et erreurs. Mais comment les systèmes de l'organisme pouvaient-ils savoir si un changement particulier avait amélioré l'adaptation de l'organisme ? Il s'agissait là d'un défi majeur pour l'évolution génétique : il fallait doter l'organisme d'un moyen d'identifier les changements internes bénéfiques en termes d'évolution.
Ce défi était plus facile à relever dans le cas de changements qui produisaient une amélioration immédiate du fonctionnement de l'organisme. L'efficacité d'un changement pouvait être jugée en fonction de ses effets immédiats au sein de l'organisme. Par exemple, les modifications de la quantité d'oxygène fournie à un tissu pouvaient être évaluées en fonction de leur effet sur le taux métabolique du tissu.
Le défi ne pourrait pas être relevé aussi facilement pour les changements susceptibles de produire un avantage évolutif à plus long terme, sans effets bénéfiques immédiats sur l'organisme. Les comportements qui conduisent à la reproduction sexuelle en sont un bon exemple. Ces comportements n'ont pas de retombées immédiates pour l'organisme. Ils n'améliorent pas son fonctionnement et peuvent même l'entraver. Comment l'évolution a-t-elle pu adapter les organismes de manière à ce qu'ils mettent en œuvre des changements de comportement qui conduisent à une reproduction réussie, et à ce qu'ils rejettent les comportements qui n'y conduisent pas ?

La réponse découverte par l'évolution génétique a consisté à doter les organismes d'un système de récompense interne. Ce système récompense intérieurement les individus lorsqu'ils adoptent des comportements bénéfiques en termes d'évolution, et les punit dans le cas contraire. Nous ressentons ces récompenses internes sous la forme de divers types de sentiments, de motivations et d'émotions attrayants. Les habitudes et les modèles de comportement qu'un organisme adopte sont ceux qui sont renforcés positivement par son système de récompense interne. Son comportement et son mode de vie sont façonnés par les objectifs fixés par ses motivations et ses émotions.
Les récompenses et les punitions internes agissent comme des indicateurs du succès de l'évolution. L'évolution génétique règle le système de motivations et d'émotions de telle sorte que lorsqu'un organisme recherche ses récompenses internes, il agit d'une manière qui conduit au succès de l'évolution. Les motivations et les émotions d'un organisme l'incitent à découvrir et à mettre en œuvre des adaptations qui sont bénéfiques en termes d'évolution. Si les circonstances changent et qu'un comportement particulier n'est plus optimal en termes d'évolution, l'évolution génétique modifiera le système de récompense interne de sorte que le comportement ne soit plus renforcé. L'évolution génétique adapte le système de récompense interne de manière à ce que les objectifs de l'organisme continuent d'être alignés sur le succès de l'évolution.
L'apprentissage et l'imitation constituent d'autres développements importants dans l'évolution des mécanismes adaptatifs au sein des organismes. Une fois qu'un organisme a découvert par essai-erreur qu'un changement particulier était utile dans des circonstances particulières, l'apprentissage lui permet de mettre en œuvre ce changement adaptatif chaque fois que ces circonstances se présentent à nouveau. Quant à l'imitation, elle permet à un organisme d'adopter un changement adaptatif découvert par un autre individu, sans avoir à le découvrir lui-même. Ces deux améliorations ont réduit la quantité d'essais et d'erreurs que les organismes devaient utiliser pour s'adapter.

Mais l'avancée la plus significative et la plus profonde en matière d'adaptabilité est intervenue avec le développement d'une capacité de modélisation mentale2. Cette capacité nous est très familière et c'est chez l'homme qu'elle est la plus développée. Nous utilisons la pensée et d'autres représentations mentales pour modéliser les effets de notre comportement sur notre environnement. Ainsi, au lieu de devoir essayer des actions alternatives dans la pratique, les humains peuvent utiliser des modèles mentaux pour prédire leurs effets. Nous pouvons essayer mentalement les adaptations possibles. Cela réduit considérablement le besoin d'essais et d'erreurs coûteux dans la recherche d'un comportement adaptatif et nous permet de prendre en compte les conséquences futures (prédites) de nos actions.
Notre capacité à tester mentalement des comportements alternatifs est à la base de notre capacité à planifier, à imaginer des alternatives, à inventer et à adapter des technologies, à construire des structures telles que des maisons et des routes, à modifier radicalement notre environnement externe pour atteindre nos objectifs adaptatifs, à établir des objectifs à long terme, à imaginer comment nous pourrions changer le monde, à élaborer des plans stratégiques, à concevoir des projets et à entreprendre des activités qui ne porteront leurs fruits que dans le futur (telles que planter des cultures et nourrir des animaux).

L'acquisition du langage a constitué une étape cruciale dans notre capacité à construire des modèles mentaux. Le langage et les formes de communication associées ont permis aux humains de partager les connaissances utilisées pour construire des modèles. La communication a permis à tous les membres d'une société d'acquérir et d'utiliser les connaissances découvertes par un individu. Elle a également permis d'accumuler des connaissances au fil des générations. L'accumulation progressive des connaissances a permis à l'homme de modéliser un plus grand nombre d'interactions avec son environnement et de prédire les conséquences de ses actions sur de plus grandes échelles d'espace et de temps. Cela nous a permis de découvrir des moyens plus efficaces d'atteindre nos objectifs adaptatifs et d'obtenir un renforcement positif de nos systèmes de récompense internes.
Notre capacité à construire et à manipuler des modèles s'est également améliorée au fur et à mesure que nous avons appris à augmenter nos capacités mentales à l'aide d'artefacts externes tels que le papier et le crayon, les livres, les appareils d'enregistrement, les ordinateurs et d'autres formes d'intelligence artificielle. On peut s'attendre à ce que notre capacité d'adaptation mentale

On peut s'attendre à ce que notre capacité d'adaptation mentale continue à s'améliorer à mesure que l'humanité accumule davantage de connaissances sur la façon dont le monde extérieur réagit à nos interventions et que l'intelligence artificielle se développe.
Le potentiel évolutif de la modélisation mentale est évident. Une fois que les organismes auront accumulé suffisamment de connaissances, leur modélisation sera souvent supérieure au système de récompense interne pour identifier les adaptations qui sont les meilleures en termes d'évolution. Les organismes n'auront plus à être guidés vers le succès évolutif uniquement par un système de motivations et d'émotions. Au lieu de cela, les organismes pourraient utiliser la modélisation mentale pour identifier et mettre en œuvre les actions qui leur permettraient de survivre et de prospérer à l'avenir.

Les modèles mentaux ont le potentiel d'être bien supérieurs au système de récompense interne établi par l'évolution génétique dans le passé des organismes.
par l'évolution génétique dans le passé évolutif des organismes. Les motivations et les volitions (morales
ou autres) qui ont été favorisées par la sélection darwinienne dans leur passé évolutif ont très peu de chances d'être optimales pour leur survie au cours du prochain million d'années. Et au fur et à mesure que les circonstances évoluent, les valeurs et les motivations optimales sont susceptibles de changer à plusieurs reprises.
Mais la modélisation mentale n'est pas en mesure de réaliser son énorme potentiel d'adaptation lorsqu'elle apparaît pour la première fois. Au départ, elle n'a pas la capacité de prendre en charge l'adaptation de l'organisme. Elle n'a pas accumulé les connaissances et les informations détaillées nécessaires pour prédire les conséquences futures d'un large éventail d'actions alternatives. Par conséquent, la modélisation sera moins efficace que les systèmes de motivation et de récompense préexistants pour découvrir les meilleures adaptations.
Cependant, la modélisation mentale présente des avantages immédiats. Elle permet à l'organisme de trouver de meilleurs moyens d'atteindre ses récompenses et motivations internes. L'organisme peut utiliser des modèles mentaux pour identifier les comportements qui permettront d'obtenir des résultats produisant des états internes souhaitables. Au départ, la modélisation mentale ne permet pas d'établir ou de modifier les objectifs adaptatifs de l'organisme - elle commence par être au service des systèmes de motivation et de récompense préexistants.

Il est facile de situer l'humanité dans cette séquence évolutive3. Les humains ne sont pas encore des organismes qui utilisent la modélisation mentale pour s'adapter de toutes les manières nécessaires au succès futur de l'évolution. Nous sommes encore des organismes qui passent leur vie à rechercher des substituts de réussite évolutive comme des fins en soi. Nous utilisons notre modélisation mentale pour déterminer comment atteindre les objectifs fixés par notre système interne de récompense et de motivation - des objectifs dont nous avons été dotés par la sélection naturelle et qui ont été modifiés dans une certaine mesure par le conditionnement au cours de notre éducation. Nous utilisons l'énorme pouvoir de la modélisation mentale pour voir comment nous pouvons agir sur le monde afin de produire des états psychologiques souhaitables et d'éviter les états désagréables. Pour la plupart d'entre nous, cela signifie utiliser la modélisation pour rechercher le sexe, la richesse, la popularité, des relations satisfaisantes, le statut social, le pouvoir, le sentiment d'être unique, etc. Et nous passons notre vie à essayer d'éviter les états psychologiques indésirables tels que ceux associés au stress, à la culpabilité, à la dépression, à la solitude, à la faim et à la honte.
Mais lorsque nos intérêts évolutifs entrent en conflit avec ces motivations et ces réactions émotionnelles, nos intérêts évolutifs sont perdants. Nous n'avons pas encore développé une capacité globale à nous libérer des diktats de notre passé biologique et social. Nous ne pouvons pas adapter ou modifier à volonté nos goûts et nos dégoûts, nos réactions émotionnelles, nos motivations, ce qui nous procure du plaisir ou du déplaisir, nos habitudes ou nos traits de personnalité (par exemple, nous ne pouvons pas passer d'extraverti à introverti à volonté). Peu d'entre nous sont capables de "tendre l'autre joue" sans effort, même lorsque nous voyons mentalement qu'il est dans notre intérêt de le faire. Il en est ainsi que ces prédispositions soient largement héritées ou qu'elles soient le produit d'une expérience individuelle au cours de notre éducation.
En conséquence, la capacité d'adaptation évolutive de l'humanité est sérieusement limitée. Nous n'utilisons pas l'immense capacité de modélisation mentale pour poursuivre des objectifs évolutifs. Il existe des adaptations qui sont Nous pouvons constater qu'elles sont supérieures en termes d'évolution, mais nous ne les mettons pas en œuvre. Au lieu de cela, nous passons notre vie à courir après le renforcement positif de notre système de récompense interne. Si l'humanité veut réaliser le plein potentiel évolutif de la modélisation mentale, nous devrons nous libérer de notre passé biologique et culturel.
L'homme peut-il développer une telle capacité psychologique ? Ou bien notre capacité d'adaptation sera-t-elle toujours limitée par les prédispositions résultant de notre histoire évolutive ? Serons-nous capables de nous adapter uniquement dans les directions actuellement récompensées par notre système de récompense interne, sans tenir compte de ce qui est le mieux pour notre avenir évolutif ? Ou pouvons-nous développer la capacité d'évoluer à contre-courant de notre histoire et de notre conditionnement, et de nous adapter de la manière qui nous permettra de réussir notre évolution future ?
La psychologie scientifique moderne n'a pas encore réussi à comprendre comment nous pouvons développer une capacité psychologique dans ce sens. Jusqu'à présent, elle s'est concentrée sur la compréhension du fonctionnement actuel de notre psychologie et sur la manière dont les pathologies peuvent être corrigées. Elle n'a pas grand-chose à dire sur notre potentiel de développement psychologique futur.

Mais les humains ont accumulé un vaste ensemble de connaissances et de pratiques sur la manière de développer ces nouvelles capacités psychologiques. Ces connaissances s'incarnent dans des systèmes religieux et spirituels. Bien que certains systèmes soient plus explicites que d'autres à ce sujet, et que certains aient un certain nombre d'autres objectifs de développement spirituel, les principaux systèmes religieux du monde prônent tous le développement d'une capacité à se libérer de réponses émotionnelles, de désirs et de motivations particuliers. En outre, tous les systèmes contiennent des méthodologies et des pratiques qui peuvent aider au développement d'une telle capacité.
Bien que les systèmes religieux utilisent une terminologie très différente pour décrire leurs pratiques et leurs croyances, il est possible d'identifier une approche largement commune du développement spirituel. La plupart des pratiques visent à favoriser l'émergence d'un nouveau moi qui se situe en dehors des états émotionnels, des pensées et des sensations de l'individu. Ce nouveau moi observateur n'est pas lié au flux des pensées et des sentiments et les considère comme des objets d'attention. L'individu fait l'expérience de lui-même en tant que nouveau moi observateur, séparé de ses pensées, de ses sentiments et de ses sensations, et capable de les traiter comme des objets qui peuvent être gérés et modifiés4. Ce qui faisait autrefois partie du sujet devient un objet en relation avec le nouveau moi, et peut être géré et contrôlé par lui5.

Cela contraste avec l'expérience de l'individu avant le développement d'un nouveau moi observateur. Auparavant, l'individu avait tendance à être absorbé et à s'identifier à ses réactions émotionnelles et à ses pensées, il n'était pas conscient d'être séparé d'elles et ne pouvait pas facilement choisir d'être influencé par elles. L'individu se vit comme ses motivations et ses pensées, et se définit à travers elles et à travers les traits de personnalité et les modèles de comportement qui en découlent.
Le nouveau moi reçoit une grande variété de noms dans divers systèmes religieux et philosophiques. Certains aspects du nouveau moi sont désignés comme le témoin silencieux, le vrai moi, l'esprit de Bouddha, le Seigneur, l'observateur, l'âme, l'atman, le maître, la conscience du Christ, le "moi" observateur, un métasystème émergent6 et le moi supérieur.
Les systèmes religieux encouragent généralement l'émergence du nouveau moi par des pratiques qui séparent l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. La partie observatrice est le précurseur du nouveau moi. Ces pratiques consistent généralement à tourner l'attention et la conscience vers l'intérieur et à les diriger vers le contenu mental - les sensations, les émotions, les motivations, les images mentales et les pensées qui surgissent dans l'esprit. Par exemple, de nombreux systèmes religieux exigent L'enseignement de l'anglais, de l'espagnol et de l'espagnol langue étrangère permet aux adeptes de lutter contre les dictats de leurs désirs et de leurs impulsions "inférieurs". Ce faisant, ils dirigent leur attention vers l'intérieur, font de ces états mentaux des objets d'attention et commencent à séparer l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. Le fait de mener une guerre interne contre les désirs et les impulsions contribuera au développement d'un nouveau moi qui se tient en dehors d'eux et n'est plus identifié à eux.
D'autres pratiques favorisent également la séparation de l'esprit en une partie observatrice et une partie observée. La méditation consiste généralement à tourner l'attention vers l'intérieur et à faire des pensées et des états émotionnels des objets d'attention7. De même, les pratiques de pleine conscience du bouddhisme et l'auto-observation8 de Gurdjieff favorisent le développement du nouveau moi observateur au cours de la vie ordinaire. Ces pratiques concentrent l'attention sur les sensations physiques, les émotions, les images mentales et les pensées qui surgissent au cours des activités et des interactions quotidiennes. Toutes ces techniques mettent l'accent sur le fait que l'observation de soi doit être passive et sans jugement. Cela permet de s'assurer que le nouveau moi observateur ne s'identifie pas ou ne s'absorbe pas dans les contenus mentaux au fur et à mesure qu'ils apparaissent.

Un certain nombre de pratiques aident le moi observateur à rester séparé des contenus mentaux. Certaines d'entre elles ont pour effet d'atténuer l'activité mentale et de réduire l'incidence des expériences émotionnelles intenses. Il est ainsi plus facile pour le nouveau moi de se tenir à l'écart du flux des contenus mentaux sans être absorbé et identifié avec eux. Les pratiques qui éloignent les individus des pressions de la vie normale, telles que les retraites, la vie monastique, l'ascétisme et les pèlerinages, en sont des exemples. De nombreux systèmes ont également découvert que la méditation est une méthode efficace pour tranquilliser l'activité mentale, et que la prière et la dévotion peuvent avoir des effets similaires. La plupart des systèmes insistent sur le fait que des efforts répétés et une grande vigilance sont nécessaires pour maintenir la séparation - l'individu aura tendance à retomber dans l'identification avec ses pensées et ses états émotionnels, et il lui sera très difficile de rester à l'extérieur et de les observer pendant de longues périodes.
Ces pratiques développent également la capacité de l'individu à disposer volontairement de son attention et à briser le contrôle de l'attention par les états émotionnels. Les pratiques dévotionnelles renforcent également cette capacité - elles exigent de l'individu qu'il ramène continuellement son attention sur l'objet de sa dévotion et qu'il l'éloigne des distractions.
Le nouveau moi qui peut être développé grâce à ces pratiques est relativement libre des objectifs adaptatifs du système de récompense interne. Une fois que le nouveau moi émergent peut rester fonctionnellement séparé des motivations et des impulsions émotionnelles, il peut décider de se laisser influencer ou non par elles. Au lieu de "suivre" ces impulsions au fur et à mesure qu'elles se présentent, il peut décider de ne pas agir en conséquence. Cette séparation fonctionnelle permet également au nouveau moi de contrôler la disposition de l'attention. Le nouveau moi peut diriger son attention et son énergie uniquement vers des activités qui servent ses objectifs.

Au fur et à mesure que le moi observateur accumule des connaissances sur le fonctionnement du système motivationnel et émotionnel, il améliore sa capacité à les gérer. L'individu apprend à modifier les objectifs de son système de récompense interne et est alors capable de les aligner sur les buts et objectifs de son choix. En conséquence, elle peut trouver la motivation et la satisfaction émotionnelle dans les activités qui servent ses buts et ses objectifs. Par exemple, si un individu choisit de poursuivre le succès évolutif comme but ultime, il sera en mesure d'aligner son système de récompense interne sur les objectifs évolutifs9.
La métaphore d'une voiture (ou d'un char) tirée par des chevaux a été utilisée par un certain nombre de systèmes religieux et philosophiques pour représenter la psychologie d'une personne qui a développé ces capacités10. En général, le conducteur est l'intellect, les chevaux les émotions, l'attelage le corps, et le maître de l'attelage (ou seigneur du char) est le nouveau moi. Le maître coordonne les actions des différentes composantes afin qu'elles coopèrent ensemble pour servir les objectifs et les buts fixés par le maître. Il est important de noter que cette métaphore souligne que le nouveau moi ne réprime pas, ne supplante pas et ne prend pas en charge les fonctions des émotions et du corps. Un moi supérieur compétent, à l'instar d'un directeur compétent d'une entreprise moderne ou d'un chef d'orchestre, travaille avec les capacités spéciales des éléments qu'il gère et en fait le meilleur usage.

Pourquoi les religions ont-elles développé ce vaste ensemble de connaissances et de pratiques visant à libérer les êtres humains des exigences de leurs systèmes motivationnels et émotionnels ? L'une des principales raisons est que les religions encouragent généralement l'adhésion à des systèmes éthiques qui entrent en conflit avec les impératifs de notre système de récompense interne. Les religions ont appris qu'il faut bien plus qu'un engagement intellectuel à l'égard d'un système éthique pour qu'un individu soit capable de le mettre en œuvre. La raison ne contrôle pas les passions tant que l'individu n'a pas développé une nouvelle structure psychologique capable de gérer son système de récompense interne.
Une autre raison de l'intérêt profond des religions pour ce domaine est l'intuition que seul un moi qui a transcendé les impulsions émotionnelles peut concevoir de vivre au-delà du corps. Un moi lié à des désirs corporels et à des réponses émotionnelles mourra certainement lorsque le corps qui les a engendrés mourra. Un certain nombre de traditions religieuses qui adoptent cette position croient également que le point final du développement spirituel est la fusion de ce moi transcendant avec l'absolu (par exemple Dieu).

Bien entendu, la grande majorité des membres des religions ne développent pas un moi supérieur. La plupart n'adoptent pas intégralement les pratiques prescrites par leur religion, et peu comprennent les pratiques et les croyances dans les termes décrits ici. Très peu de chrétiens développent la capacité de tendre sans effort l'autre joue au sens plein de cette métaphore. Si les pratiques de développement spirituel doivent réussir à transformer la psychologie de l'humanité en général, elles devront être améliorées et développées. La meilleure façon d'y parvenir est d'étudier ces pratiques dans le cadre de la psychologie scientifique moderne et de les y intégrer. Si les pratiques spirituelles sont soumises à l'examen sceptique et aux tests rigoureux de la science moderne, les pratiques et les croyances fondées sur des faits pourront être séparées de celles qui reposent sur des suppositions et un mysticisme sans fondement. Les techniques puissantes et les ressources étendues de la science moderne pourraient être utilisées pour découvrir des pratiques nouvelles et meilleures. Ce processus poursuivrait l'expansion progressive de la science dans de nouveaux domaines, qui a eu lieu tout au long de son histoire relativement jeune. La science s'est développée en incorporant et en développant des corpus de connaissances qui, à l'origine, n'étaient pas systématiques et étaient truffés de contradictions et de savoirs populaires.

Tant que nous, les humains, n'aurons pas développé la capacité de nous libérer de notre passé biologique et culturel, notre capacité d'adaptation évolutive sera sérieusement limitée. Nous n'utiliserons pas l'énorme potentiel de la modélisation mentale pour identifier et mettre en œuvre les actions qui contribueront le plus au succès évolutif de l'humanité. Au lieu d'utiliser nos avancées technologiques et nos ressources économiques à des fins évolutives, nous continuerons à les utiliser uniquement pour répondre aux besoins et aux désirs établis par notre passé évolutif et notre conditionnement. L'humanité continuera à passer son temps sur cette planète à se masturber sur des désirs de l'âge de pierre, n'allant nulle part en termes d'évolution.
En revanche, nous pourrions améliorer considérablement notre capacité d'adaptation évolutive en nous libérant des diktats de notre passé biologique et culturel. Nous pourrions développer la capacité d'aligner notre système de récompense et de motivation interne sur les objectifs de l'évolution. Cela nous permettrait de trouver satisfaction et motivation dans les adaptations qui servent ces objectifs. Grâce à cette capacité, nous pourrions choisir de mettre en œuvre les actions qui favoriseraient la réussite évolutive de l'humanité, et nous y trouverions satisfaction et motivation. Cela nous permettrait d'utiliser l'immense pouvoir de la modélisation mentale pour poursuivre des objectifs évolutifs, plutôt que de continuer à rechercher aveuglément des approximations dépassées et inexactes du succès évolutif comme s'il s'agissait d'une fin en soi.

Si nous réussissons cette transition, les humains deviendront des êtres auto-évolutifs, capables de s'adapter dans toutes les directions nécessaires au succès futur de l'évolution, sans être entravés par notre passé biologique ou par nos expériences de vie antérieures. À mesure que nous nous déplaçons dans le système solaire, la galaxie et l'univers, nous pourrions modifier nos objectifs et nos comportements adaptatifs en fonction des défis que nous rencontrons. Nous pourrions nous recréer continuellement, changer de nature humaine à volonté, sacrifier sans cesse ce que nous sommes pour ce que nous pouvons devenir, mourir et renaître continuellement.
1 Pour une discussion plus détaillée de l'évolution de ces mécanismes, voir Dennett, D. C. (1995), Darwin's Dangerous Idea (New York : Simon and Schuster).
2 L'importance évolutive de la modélisation mentale a été clairement reconnue pour la première fois par Popper, K. R. (1972), Objective knowledge - an evolutionary approach (Oxford : Clarendon).
3 Pour une discussion plus complète, voir Stewart, J. E. (2000), Evolution's Arrow (Rivett : Chapman Press) [en ligne à l'adresse http://www4.tpg.com.au/users/jes999/ ].
4 Pour en savoir plus sur la relation entre le nouveau moi et les contenus mentaux, voir Nicol, M. (1980b),
The Four Bodies of man", dans Psychological Commentaries on the Teachings of Gurdjieff and Ouspensky (Londres : Watkins) 1, pp. 218-35.
5 Ce point est très bien expliqué par Keegan, R. (1994), In over our heads - the mental demands of modern life (Cambridge : Harvard University Press).

6 Voir Heylighen, F. (1991), "Cognitive Levels of Evolution : from pre-rational to meta-rational", in The Cybernetics of Complex Systems - Self-organisation, Evolution and Social Change, F. Geyer Ed. (Salinas, California : Intersystems) pp.75-91.
7 Par exemple, voir Goleman, D. (1988), The meditative mind - the varieties of meditative experience (New York : G. P. Putnam's Sons).
8 Pour plus d'informations sur l'auto-observation, voir Nicol, M. (1980c), "Commentary on Self-Observation and 'I's'", in Psychological Commentaries on the Teachings of Gurdjieff and Ouspensky (Londres : Watkins) 1, pp. 302-17.
9 Cette notion est développée plus en détail dans Stewart, J. E. (2001), "Future psychological evolution", Dynamical Psychology [en ligne sur http://www.goertzel.org/dynapsyc/ ].
10 Par exemple, voir la Katha Upanishad, le Phèdre de Platon et les contes de Belzébuth à son petit-fils de Gurdjieff.







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